70%. C’est le nombre de Français en couple qui, selon une récente étude du site Extraconjugales.com, admettent avoir déjà été infidèles au cours de leur vie, avec sans grande surprise un pourcentage plus élevée du côté des hommes (50% contre 38% de femmes) et les citadins (avec Paris en tête des villes les plus volages).
Si les modalités concrètes de telles adultères ne sont pas précisés (égarement d’un soir, relation suivie…), elle rappelle combien le triangle amoureux (soit une relation amoureuse et/ou sexuelle impliquant trois protagonistes dont l’un est plus ou moins au courant de ce qui se trame dans son dos) reste une figure presque incontournable de nos vies sentimentales, en dépit du modèle monogame dominant.
La faute à notre patrimoine génétique selon certains scientifiques, les chercheurs de l’Université de Queensland, en Australie, ayant révélé dans une étude reprise par Medisite que 62% des hommes et 40% des femmes sont infidèles à cause d’un gène héréditaire.
Une explication biologique plutôt commode pour les principaux concernés (“C’est pas moi, c’est la biologie”) qui n’en doit pas moins occulter les deux autres facteurs mis en lumière par les chercheurs : l’environnement et l’éducation.
Or, ça n’aura échappé à personne, ces composantes n’ont cessé d’être influencées par des paradigmes amoureux sublimant le triangle amoureux.
Triangle amoureux : 1 + 1 = 3
Que ce soit à travers la littérature classique, le cinéma moderne et plus récemment la pop-culture dans sa globalité, notre imaginaire collectif n’a cessé d’être façonné depuis la tendre enfance par des roles modèles fictionnels indécis, ayant un certain faible pour les compétitions amoureuses et autres dilemmes sentimentaux.
Dans nos livres, c’est par exemple Cyrano de Bergerac qui, amoureux de Roxane, renonce à ses sentiments pour aider celui qu’elle aime (Christian) à la séduire. Au cinéma, ce sont les Jules et Jim de Truffaut qui n’ont d’yeux que pour Catherine tandis que, chez Claude Sautet, c’est César, amoureux de Rosalie, qui voit cette dernière se prendre de passion… pour David.
Dans les années 80, c’est une Demi Moore qui tombe sous le charme d’un Robert Redford milliardaire au détriment de son mariage ou plus récemment, les Vicky et Cristina de Woody Allen qui partagent le même amour de vacances à Barcelone avec un artiste – déjà – marié. Tiens là ça fait un carré.
Quant aux pop-stars que l’on écoute depuis le plus jeune âge, elles nous ont bien fait comprendre que – nous aussi – un jour, on allait se perdre dans cette configuration à trois peu réjouissante, auréolée de souffrance et de drame.
Jalousie et souffrance : dans l’enfer du triangle amoureux
Et c’est là que le bât blesse : en dépit de son apparent caractère romantique et passionnée, le triangle amoureux tel qu’il est dépeint par la pop culture tend à glamouriser une situation qui reste toxique pour les trois protagonistes.
« C’est parce que ces configurations sont très populaires dans les livres et dans les films que le fait de se « battre » pour son bien-aimé est devenu quelque chose de noble », souligne très justement la chroniqueuse américaine Kara Post-Kennedy.
Jalousie, mensonges, souffrance et trahisons : un simple coup d’œil aux fictions susmentionnés suffit à attester du caractère nocif d’une telle triangulation qui contribue insidieusement à nuire à la santé mentale des principaux concernés.
Et dans la vraie vie ? « Se retrouver dans le plus simple des triangles amoureux va s’apparenter à de véritables montagnes russes et impliquera un tourbillon d’émotions pour chacun des protagonistes », confirme Tina Wilson, fondatrice de l’application Wingman, sur le Daily Mail.
Un constat sans appel que les thérapeutes établissent également au gré de leurs consultations.
Fuite, tensions et rupture
“La première toxicité dans cette triangulation, c’est la fuite qu’elle implique de la part de l’un des protagonistes”, explique Noëline Toribio, psychologue et sexothérapeute basée à Versailles (78), qui souligne que par définition, cette configuration à trois marque une rupture du couple originel.
« Au lieu de prendre à bras le corps les problèmes de son couple ou d’y mettre tout simplement un terme, la personne va ainsi tromper son partenaire, tomber amoureux d’une autre personne et/ou entretenir une relation fusionnelle avec cette tierce personne. »
Une façon d’éviter toute confrontation avec sa réalité qui, doublé d’une bonne dose de mauvaise et de lâcheté, va créer un fuseau d’émotions négatives, de situations conflictuelles et de bugs communicationnels particulièrement malsains pour les personnes impliquées.
Quiconque vous « oppose » à une autre personne utilisera probablement cette stratégie tout au long de votre relation, même si êtes celui/celui qu’il ou elle choisit.
« Ce sont les non-dit, le ressentiment, la solitude, l’incompréhension, la remise en question de soi-même… Tout cette mentalisation qui va se révéler chronophage et conflictuelle », poursuit la thérapeute qui note également un sentiment de culpabilité chez celui ou celle qui trompe, sans que cela ne les empêche de maintenir ce triangle dans la durée et d’établir des stratégies organisationnelles pour le pérenniser dans le plus grand secret.
Quant aux triangles amoureux dévoilés au grand jour, plus qu’une polygamie douteuse, ils instaurent implicitement une compétition entre les deux protagonistes qui aiment et désirent la seule et même troisième personne, conduisant les premiers à convaincre le dernier de leur valeur supérieure (ou que leur concurrent a une moindre valeur, c’est selon). Et quand bien même l’un d’entre eux gagnerait finalement le coeur de l’être conquis, il pourrait en réalité se retrouver dans une relation dominée par la co-dépendance, la peur de perdre de l’autre ou de le voir flancher à nouveau pour une tierce personne agissant comme une redoutable épée de Damoclès.
“Quiconque vous « oppose » à une autre personne n’est pas très mature et utilisera très probablement cette stratégie tout au long de votre relation de multiples façons, même si êtes celui/celui qu’il ou elle choisit. Voulez-vous être une marionnette ou un partenaire ?”, interroge Kara Post-Kennedy
Victime, persécuteur et sauveur : trois rôles interchangeables
C’est aussi ce que théorise l’américain Stephen Karpman dans son best-seller A Game Free Life dont l’analyse transactionnelle du “triangle dramatique” et du “triangle de compassion” revient sur les différents types de relations triangulaires qui peuvent affecter la sphère conjugale mais aussi famililale ou amicale. Pour comprendre la toxicité d’une telle configuration, l’auteur avance d’emblée qu’elle implique moins trois individus que trois rôles pouvant être joués de manière interchangeable et inconsciente par les individus impliqués, qu’ils soient trois ou tout simplement deux, dans un couple classique.
Il explique ainsi que les 3 figures – la victime, le persécuteur et le sauveur – vont en adoptant ces rôles être à l’origine de jeux psychologiques venant altérer leur réalité et leur capacité de communication et de résolution des conflits. Après lui avoir demandé plusieurs fois de changer son comportement pour une raison donnée, celui/celle qui endosse le rôle de “persécuteur” vient blâmer, critiquer, attaquer la prétendue “victime” et lui exprimer sa frustration, le “sauveur” autodésigné vient s’immiscer dans cette relation pour défendre la “victime” et l’aider à se sentir moins coupable, moins anxieux ou moins impuissant. Ça vous rappelle quelque chose ?
Quand on fait le choix de ne pas résoudre ses problèmes de couple en se déchargeant sexuellement, émotionnellement sur une tierce personne, on est acteur.
« L’infidélité intervient lorsque plusieurs aspects de la vie sont déstabilisés : l’éducation des enfants, le travail, les rapports familiaux…. Ceux et celles qui instaurent un triangle amoureux vont se raccrocher à cela pour se justifier en disant que c’était leur seule source de réconfort, de bonheur, qu’il ou elle m’apportait cela… On reste de toute évidence dans l’évitement », poursuit Noëline Toribio pour qui le triangle amoureux relève moins d’un accident sentimental que d’une attitude volontariste.
« La vie n’est qu’une succession de choix : quand on fait le choix de ne pas résoudre ses problèmes de couple en se déchargeant sexuellement, émotionnellement sur une tierce personne, on est acteur », conclut-elle, rappelant que certains de ces passionnés de triangle sont aussi nombreux à assumer totalement leurs penchants géométriques.
Gare donc aux amateurs de mathématiques.
- Rendez-vous amoureux : qui doit payer l’addition ?
- Larguées pendant la grossesse : "Ça a été comme une gifle, j’étais enceinte de 5 mois"
Source: Lire L’Article Complet