• « Quelle époque ! », le nouveau talk-show de France 2 est lancé ce samedi, à 23h25 sur France 2.
  • « La deuxième partie de soirée des samedis de France 2 ont un côté institution. Cela a toujours été un lieu de rencontre, de mélange des genres. Il se caractérise aussi par sa liberté de ton », souligne l’animatrice Léa Salamé.
  • Avec « Tout le monde en parle », mis à l’antenne en 1998, puis « On n’est pas couché » et « On est en direct », cette case horaire est devenu un repère pour le public.

Ce samedi, dès 23h25, Léa Salamé donnera le coup d’envoi de Quelle époque !, le nouveau talk-show hebdomadaire de France 2. C’est l’une des émissions les plus attendues (au tournant) de la rentrée. Pourquoi ? Parce que cette case horaire n’est pas comme les autres. « La deuxième partie de soirée du samedi, c’est un des temps forts de notre semaine, c’est un rendez-vous identitaire pour le service public », souligne Nicolas Daniel, le directeur de l’unité magazines de France Télévisions.

« Il y a un côté institution, ce créneau est identifié par le téléspectateur. Cela a toujours été un lieu de rencontre, de mélange des genres. Il se caractérise aussi par sa liberté de ton, cela a toujours été un endroit où on a pu dire des choses », note Léa Salamé qui dit avoir « grandi en regardant Thierry Ardisson à la télé ».

« C’était la place du village, l’agora, le forum »

L’homme en noir est effectivement celui qui a façonné ce moment si particulier de la grille de la deuxième chaîne. Tout le monde en parle, qu’il a présenté de 1998 à 2006, est une émission culte. Dans un décor à la Giorgio de Chirico au budget limité – colonnes blanches et rideaux immaculés tournant au bleu par la grâce des projecteurs –, l’animateur recevait hommes politiques et stars du porno, révélations de la chanson et grands noms du cinéma, humoristes et pipoles, philosophes et conspirationnistes. Un mélange détonnant – souvent accentué par l’effet de l’alcool servi open bar en loges – où les personnalités se prêtaient au jeu des interviews « à thème ». C’est ainsi que Michel Rocard s’est retrouvé à devoir répondre à la question « Sucer, c’est tromper ? ». Les séquences problématiques n’étaient pas rarissimes, mais elles n’indignaient pas grand monde à l’époque.

« C’était la place du village, l’agora, le forum, résumait Thierry Ardisson à 20 Minutes il y a trois ans, à l’occasion du vingtième anniversaire de Tout le monde en parle. Souvent, le samedi soir, j’étais au restaurant, et je voyais des gens partir pour voir mon émission. C’était quand même dingue, c’était un phénomène de société. On est allés jusqu’à 2 millions de téléspectateurs, 32 % de parts de marché ! »

Lorsque Laurent Ruquier lui a succédé avec On n’est pas couché, ONPC pour les intimes, le défi était donc de taille. A l’époque, il animait déjà depuis plusieurs saisons On a tout essayé, en quotidienne en fin d’après midi sur la deuxième chaîne, un joyeux fourre-tout entre esprit de bande potache et service promo. En reprenant la deuxième partie de soirée du samedi, il devait revêtir une casquette plus sérieuse, afin de traiter de l’actualité politique et culturelle. « Avoir présenté Ça balance à Paris, sur Paris Première [durant la saison 2005-2006] m’a beaucoup servi », affirme-t-il aujourd’hui, reconnaissant que sans cette expérience, il ne se serait pas senti capable de relever le challenge.

Les chroniqueurs méchants d’« On n’est pas couché »

ONPC reprenait l’idée du casting iconoclaste des invités de Tout le monde en parle et Laurent Ruquier s’est appuyé chaque saison sur deux chroniqueurs ne mâchant pas leurs mots. Les binômes composés, selon les années, de Michel Polac, Eric Naulleau, Eric Zemmour, Audrey Pulvar, Natacha Polony, Yann Moix, Aymeric Caron ou Christine Angot – liste non exhaustive – étaient redoutés par les invités. « ONPC a inventé un truc incroyable, c’est-à-dire que les gens [y allaient] pour se faire massacrer, plaisantait Thierry Ardisson en 2019. Moi, ça n’a jamais été ma façon de faire. »

« Dans ONPC, nous étions de moins en moins méchants au fil des années parce qu’il y a des choses qui ne passaient plus », se défend Léa Salamé, chroniqueuse entre 2014 et 2016. Maintenant, c’est à elle de reprendre le flambeau, après avoir coanimé On est en direct avec Laurent Ruquier la saison dernière. « On se place dans la filiation de cette case, annonce-t-elle. On va garder cette idée de la rencontre. Un homme politique assis à côté d’une influenceuse, etc. Pour la liberté de parole, certes, les temps ont changé, on n’en est plus à « Sucer c’est tromper ? », on peut moins dire les choses. » Mais elle espère que le mélange des styles fera des étincelles.

Fini les snipers

« L’époque d’Ardisson c’était il y a longtemps, les audiences, les structures, la concurrence ne sont plus les mêmes, reprend Régis Lamanna-Rodat, le producteur. On a envie de faire une émission festive, spectaculaire, où il y a de la tension, de l’enjeu, du débat et où on s’amuse. C’est notre ambition première. »

Aussi, si Christophe Dechavanne interviendra chaque semaine, ce ne sera pas en tant que sniper comme un Laurent Baffie de la grande époque de Tout le monde en parle – « l’époque est suffisamment anxiogène », estime Léa Salamé – ni comme chroniqueur, mais comme « invité permanent ». Par cette drôle de formulation, il faut comprendre qu’il interviendra chaque semaine avec une carte blanche. « Mon but, c’est d’être mon compte Twitter : de la déconne, des trucs super potaches et des trucs qui [me] mettent en colère », prévient-il.

Philippe Caverivière, qui tiendra une chronique humoristique, a en tête celles et ceux qui l’ont précédé : « En tant que spectateur, j’ai adoré attendre Florence Foresti, Jonathan Lambert, Nicolas Bedos [dans On n’est pas couché]. Cela a toujours été mon moment préféré de la semaine. J’ai dit oui à cette case car je pense que je vais encore grandir et progresser dans cet exercice. »

« On arrive en outsider »

Léa Salamé, elle, l’affirme et le répète, elle s’apprête à lancer l’émission « sans prétention » et avec « humilité ». « Je prends un risque. J’ai bâti une carrière très journaliste politique. Je sors de ma zone de confort, je ne suis pas dans l’interview pure. Quand j’étais chroniqueuse d’On n’est pas couché, c’était le premier talk-show de France, on faisait 25 % de parts de marché. Depuis, ça a changé, Quotidien, C à vous, TPMP se sont installés. On arrive en outsider, on vient de zéro. A la matinale de France Inter, je peux avoir toutes les exclus que je veux, là, il faut se battre pour convaincre. »

Le contrat signé avec France 2 implique une clause d’audience. Le producteur veut enlever un peu de pression : « La chaîne va nous laisser le temps de nous installer. Ce qu’elle nous demande, c’est de faire une émission où il se passe des choses. » La survie de l’esprit culte des nuits des samedis aux dimanches de France 2 en dépend.

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