L’archétype du quartier sans histoires, voilà ce que Steglitz, au sud-ouest de Berlin, pourrait incarner. « Ni riche, ni pauvre, très résidentiel, très commun dans son architecture d’après-Guerre », décrit Inès Bayard, qui y a vécu.
Et pourtant cette banalité nous envoûte car l’inquiétude et l’étrangeté se mettent à surgir à tous les coins de rue. L’héroïne qui vit là, Leni, épouse dévouée sans profession ni enfant, étrangère (à l’Allemagne et à elle-même), n’aspire qu’à la répétition des jours – avec la banalité, elle fait corps.
Réalité ou imaginaire
Mais une série d’imprévus – des coups de feu, son mari qui s’absente… – vont produire chez elle déviations mentales et déambulations physiques, dont l’auteure prend un malin plaisir à nous flouter le sens et la direction, quand bien même elle énumère avec une précision gourmande les noms de rue pas simples – Maßmannstraße, Podbielskiallee, Schweinfurthstraße… l’éditrice, paraît-il, s’est arraché les cheveux – qu’emprunte l’héroïne.
« J’avais envie de laisser partir Leni dans des zones dont on ne sait si elles tiennent du long rêve ou du vieux souvenir enfoui, où l’on ne sait jamais ce qui est réel et ne l’est pas », explique-t-elle. Nous voici fantastiquement perdu·es dans Steglitz (1), conte d’hiver inconfortable où même les sages décos de Noël semblent de mauvais augure.
Une autrice mystérieuse
Elle a le sens des mystères, Inès Bayard : du parcours de cette jeune femme d’à peine 30 ans qui nous parle au téléphone avec une pointe d’accent du sud, on ne saura pas grand-chose.
Juste qu’elle est née à Toulouse, a vécu à Paris avant Berlin et qu’Inès Bayard est un pseudo : « je trouve perturbant qu’on mette en avant les auteurs et qu’on connaisse un peu de leur vie, car on s’imagine alors que leurs livres sont le reflet de ce qu’ils sont. »
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