• Une intelligence sensible et émotionnelle longtemps négligée
  • Une capacité à reconnaître toutes les émotions qui nous entourent
  • Le haut potentiel émotionnel, un concept abstrait que nous pouvons tous développer
  • HPE ou hypersensible ?
  • Une force qu’il faut savoir repérer

Depuis quelques années, la discussion autour des différentes douances s’est démocratisée. Ainsi, longtemps vues comme des “atypiques incomprises”, les personnes surdouées ne sont (presque) plus stigmatisées. 

C’est notamment le cas des HPI (haut potentiel intellectuel), visibilisés à l’écran par la série TF1, incarnée (parfois de manière caricaturale selon les critiques) par Audrey Fleurot. 

Mais avec ces “nouvelles dénominations”, s’est aussi généralisée la conscience qu’il n’existe pas qu’une seule forme d’intelligence et que nos capacités émotionnelles sont toutes aussi importantes que nos habilités cognitives.

Et logiquement, le “haut potentiel” se décline en fonction des intelligences. On parle donc également de HPE ou haut potentiel émotionnel. Cependant, plus de flou entoure ce dernier, n’étant pas “quantifiable”, contrairement au HPI. Alors, qui sont les HPE ?

Une intelligence sensible et émotionnelle longtemps négligée

Dans son ouvrage Emotional Intelligence, why it matters more than IQ, paru en 1995, le psychologue américain Daniel Goleman aurait été le premier à parler d’intelligence émotionnelle. Le New York Times avait, à l’époque, qualifié son travail comme “un livre révolutionnaire qui redéfinit l’intelligence”. 

Avant ça, seule l’intelligence cognitive était réellement prise en compte. À tort, comme le souligne Saverio Tomasella, psychanalyste et auteur de À fleur de peau (ed. Leduc S), qui précise préférer parler “d’intelligence sensible”. 

“On peut parler d’intelligence et de haut potentiel émotionnel bien-sûr, mais ce n’est qu’une partie de l’étoile à cinq branches qu’est la sensibilité. Ce serait dommage d’oublier qu’au-delà de l’intelligence émotionnelle, il y a une intelligence sensible qui nous permet de comprendre nos sensations, émotions, sentiments et intuitions et de pouvoir les exprimer”, argue-t-il. 

Une capacité à reconnaître toutes les émotions qui nous entourent

Cette intelligence étant plus ou moins développée chez les personnes, celles et ceux aux facultés décuplées sont donc des HPE. 

“Le haut potentiel émotionnel, c’est un terme pour désigner la capacité à reconnaître ses émotions, ainsi que celles des autres mais également celle de savoir les traiter. On peut utiliser ces informations comme guide de navigation et de réflexion”, définit Charlotte Wils psychopraticienne, spécialiste de l’hypersensibilité et co-auteure de Fort comme un hypersensible (Ed. Michel Lafon)

La spécialiste précise qu’un.e HPE est capable de “scanner” ses ressentis et ceux des autres et de s’adapter en fonction de l’environnement, de l’entourage ou du besoin, pour conjuguer avec ces derniers. Traitées, les émotions ne sont alors plus un obstacle, ou érigées en ennemies, comme elles peuvent l’être pour beaucoup. 

“Avec ce haut potentiel, on va développer son empathie et sa capacité de bienveillance, sans pour autant s’écraser devant les autres. On a aussi la possibilité de poser des limites grâce à cette intelligence. C’est aussi apprendre à se faire respecter”, ajoute Saverio Tomasella. 

Le haut potentiel émotionnel, un concept abstrait que nous pouvons tous développer 

C’est par ce processus de conscientisation que cette intelligence émotionnelle devient supérieure à la moyenne. Cependant, elle reste moins visibilisée que le HPI, car plus abstraite, impossible à quantifier. 

Pour faire la différence, il faut alors prêter attention aux mots, selon Charlotte Wils. “On entend que l’émotion devient un potentiel et cela induit un travail, on ne naît pas avec cette capacité”, décortique-t-elle.

Ainsi, on peut tous développer son intelligence émotionnelle – “après tout, nous venons tous au monde avec des émotions”, souligne la spécialiste -, même si des prédispositions (dans l’éducation et l’apprentissage des émotions) peuvent aider. 

“Ce qu’on sait c’est que des personnes ont plus développé leur intelligence sensible que d’autres et on peut alors parler de haut potentiel, mais il n’y a pas de test officiel (Charlotte Wils précise qu’il existe toutefois des “bilans”, ndlr). Alors que le HPI est chiffré, le HPE reste flou. Et peut-être que c’est mieux, parce que tout le monde est doté d’une intelligence sensible et l’enjeu, si on arrive à bien faire les choses, c’est de ne plus nourrir des catégories ‘à part’, mais d’encourager tous les humains à la développer”, complète Saverio Tomasella. 

HPE ou hypersensible ? 

Et au-delà d’être une capacité relativement difficile à évaluer de prime abord, le haut potentiel émotionnel s’entremêle aussi avec l’hypersensibilité, ce qui peut le rendre encore moins compréhensible. Mais quelle différence existe-t-il entre les deux ? 

“Pour moi, les hypersensibles sont des HPE, sauf qu’ils n’en ont pas conscience. L’hypersensible a la capacité de percevoir des informations, mais pas forcément de les décoder, tandis que le HPE, c’est celui qui aura appris à décoder”, propose Charlotte Wils. 

D’autant que l’hypersensibilité est plurielle et n’englobe pas seulement les émotions décuplées, mais aussi les sensations (au bruit, à la lumière…) excessivement perçues. Tant de facteurs qui font qu’en termes de sensibilité, il n’y a pas de vérité vraie. 

“Il est courant que le HPE soit hypersensible. Et à l’inverse, les hypersensibles ne sont pas forcément des HPE. De même, tous les HPI ne sont pas HPE, et vice versa”, nuance Claire Stride, consultante en intelligence relationnelle et intelligence émotionnelle pour Doctissimo

Une force qu’il faut savoir repérer 

Quoiqu’il en soit, les deux experts sont formels : être haut potentiel émotionnel est une “vraie force”

“En résumé, c’est un guide de lecture de nous-même et des autres. On sait comment gérer nos émotions sans qu’elles nous grignotent et on peut aussi aider les autres à le faire”, illustre Charlotte Wils. 

Une force désormais recherchée en entreprise, où les recruteurs sont friands de personnalités à l’intelligence émotionnelle décuplée. “La capacité de reconnaître les émotions chez les autres peut aider à savoir quand il faut aider un membre de son équipe, juste car la capacité à reconnaître ses propres émotions peut aider les employés à savoir quand ils doivent faire attention aux autres”, explicite une étude publiée dans le Journal of Emotional Behavior en 2011. 

“Ce qui est génial dans ces appellations, c’est que c’est valorisant et ce n’est pas le cas avec l’hypersensibilité, parce qu’on parle d’un trop et qu’on pathologise vite. Ici, on entend qu’il y a des compétences réelles à développer et on donne envie aux autres. D’autant que nous sommes dans une société machiste et patriarcale qui considère la sensibilité comme inintéressante au mieux, comme une faiblesse au pire”, rappelle Saverio Tomasella. 

Mais alors, comment faire pour détecter un haut potentiel émotionnel en soi ? Sachant que tout ce qui touche aux émotions ne peut être enfermé dans un cadre, le mieux, selon Charlotte Wils, est de s’en remettre aux spécialistes. « Je ne recommande pas forcément de se tourner vers ses proches, qui ne sont pas les meilleurs juges. Mais l’accompagnement est important pour comprendre comment on fonctionne. Nos émotions ce sont des messages, il est précieux de savoir les décoder« . 

Et à Saverio Tomasella de terminer. « Ici, on est sur la même sensibilité que tout le monde, sauf qu’elle est décuplée. Donc essayons de la développer pour que nous puissions tous bénéficier de cette intelligence incarnée ».  

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