- Le long-métrage documentaire « Les petits mâles », réalisé par Laurent Metterie et sous les conseils de la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, sort au cinéma ce mercredi.
- Un « film d’éducation à l’égalité et au sexisme » dans lequel le réalisateur a interrogé une trentaine de garçons entre 7 et 18 ans, sur des thématiques au cœur des combats féministes.
- « C’est important pour nous que ce soit un outil qui parle aux jeunes garçons – mais pas seulement –, sans être clivant, sans les accuser. L’idée étant de les faire réfléchir sans les braquer », a expliqué Laurent Metterie à « 20 Minutes ».
Qu’est-ce qu’être une fille ou un garçon en 2023 ? Que pensent les plus jeunes de l’amitié, de l’amour ou des émotions ? Qu’évoquent pour eux les droits des personnes LGBT+, le sexisme ou les questions liées au harcèlement ? Autant de thèmes abordés par Laurent Metterie dans le long-métrage documentaire Les petits mâles, un « film pour l’égalité contre le sexisme », au cinéma ce mercredi.
Epaulé par la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, l’auteur et réalisateur est parti à la rencontre d’une trentaine de garçons âgés de 7 à 18 ans, dans toute la France et de tous milieux. L’objectif ? Comprendre où se situe cette génération par rapport à de nombreux combats féministes, observer les transformations de la société et faire naître une prise de conscience, chez les plus petits comme chez les plus grands. Laurent Metterie a répondu aux questions de 20 Minutes.
Comment est né ce projet ?
Il est né après les Mâles du siècle [en 2021], un film sur ce que le féminisme a fait aux hommes (ou pas). Nous avions rencontré une trentaine d’hommes de 17 à 96 ans dans toute la France. Nous avions été un peu déçus de voir que les générations de vingtenaires et de trentenaires étaient toujours un peu dans l’effort par rapport au féminisme. Bien sûr, des choses avaient été intégrées par rapport à leurs aînés, mais ce n’était pas encore tout à fait ça. Avec Camille Froidevaux-Metterie, nous avons eu l’idée de descendre dans les générations et d’aller voir si les préados et les ados étaient plus au courant, mieux informés voire déconstruits sur ces questions et ces combats.
Vous le présentez comme un « film pour l’égalité contre le sexisme ». Ce combat doit commencer dès le plus jeune âge selon vous ?
C’est crucial. On propose aux spectateurs et en l’occurrence aux plus jeunes, de se reconnaître, de ne pas se reconnaître, de se comparer… En un mot, de se situer sur le « féministomètre ». Où en est-on par rapport au genre, aux tâches ménagères, au respect d’autrui, au corps ? Ça permet de discuter et d’échanger. C’est important pour nous que ce soit un outil qui parle aux jeunes garçons – mais pas seulement –, sans être clivant, sans les accuser. L’idée étant de les faire réfléchir sans les braquer.
A qui s’adresse ce film ?
C’est un film qui s’adresse à toutes et tous. Les adultes et les parents vont aussi en apprendre beaucoup et voir combien la société a bougé. Notre approche est transgénérationnelle. Le film nous permet d’observer un peu le chemin parcouru et tout ce qui est en train de se transformer. Quand on voit un enfant de 12 ans nous parler de transidentité par exemple, on est obligé de se situer, de voir si nous-même avons fait le chemin.
Les témoignages de femmes âgées entre 72 et 96 ans apparaissent en miroir tout au long du film. Pourquoi ?
Je voulais absolument qu’il y ait des femmes car ce sont elles dont on parle et ce sont les premières victimes des discriminations et des violences. Ces garçons, ce sont les hommes de demain et j’ai eu envie d’entendre des « femmes d’hier ». Avec moi enfant dans des archives familiales, il y a trois générations dans ce film.
Des images en super 8 de votre enfance apparaissent justement comme un fil rouge entre les témoignages. Que vouliez-vous montrer ?
Ce projet est aussi une démarche intime et personnelle. En écoutant ces jeunes gens, j’ai été frappé de voir combien la société avait changé concernant les questions du genre et des personnes LGBT+, par exemple. J’ai repensé à mon oncle Jean-Pierre, homosexuel, qui a mis fin à ses jours dans les années 1980. Il n’a jamais été accepté par son père. J’ai repensé à ces images du passé qui ont attesté de cet univers totalement patriarcal dans lequel je suis né, où l’on mime l’homosexualité, où l’on apprend aux garçons à jouer à l’épée… Ce qui est très émouvant pour moi c’est de me dire que si Jean-Pierre avait eu 12-13 ans aujourd’hui, il serait peut-être un peu moins sur un chemin de souffrance.
Des sujets ont-ils été plus difficiles que d’autres à aborder avec ces garçons ?
Oui, notamment le harcèlement, les violences, les moqueries… Ils ne sont pas très à l’aise avec ça. Mon but n’était pas d’aller leur tirer les vers du nez ou de faire des images qui buzzent, mais juste de montrer que c’est là, que ça se cache, que le problème demeure et qu’ils en ont conscience. Je trouve que leurs silences, leurs gênes et leurs évitements le montrent.
Avez-vous eu le sentiment qu’ils étaient sensibles aux questions relatives au féminisme ?
Je les ai trouvés plutôt enclins à en parler. C’était assez articulé, avec des arguments parfois d’un autre temps comme de dire qu’il y a des métiers pour les hommes et d’autres pour les femmes… Mais avec cette envie de débattre, de réfléchir, de donner des idées. Ça va dans le sens de l’espoir. Grâce aux réseaux sociaux ou à YouTube, ils n’arrêtent pas de communiquer, ils passent leur vie à échanger. Ils sont très informés. Il y a bien sûr du très mauvais dans tous ces réseaux mais ça avance quand même sur tous les sujets de société.
L’un des garçons fait référence à la « société patriarcale ». Le sexisme, le patriarcat, la déconstruction… Ce sont des notions qui leur parlent ?
C’est un garçon qui a les cheveux longs et qui a subi des moqueries pour cela. Quand on a souffert dans sa vie quotidienne, dans son corps, ou quand on sort un peu des clichés ou des activités « réservées » aux garçons – quand on préfère la danse au foot par exemple –, on est moqué et on commence à réaliser des choses. C’est peut-être l’objectif premier de ce projet, d’essayer de prendre conscience tout simplement. Ils le vivent sans s’en rendre compte et je crois qu’ils y sont sensibles et prêts à se questionner.
Dans les « Mâles du siècle » vous vous demandiez si « une nouvelle génération d’hommes féministes n’était pas en train de naître ». Ce projet a-t-il confirmé votre sentiment ?
Je crois que les choses se mettent en place et que les facettes de la société seront vraiment différentes dans une quinzaine d’années. J’en suis maintenant presque persuadé. Il y aura forcément encore des secousses, des douleurs et des régressions mais je crois que ça avance lentement mais sûrement.
Source: Lire L’Article Complet