Que faire quand on veut s’installer dans une relation mais que l’on doit prendre 100 avions par an pour le travail ? Ou quand votre visage est tellement reconnaissable que vous ne pouvez pas vous rendre à un rendez-vous sans être paparazzé ?

La solution, c’est d’appeler Olivia Rigg. Une matchmakeuse avec possiblement la clientèle la plus exclusive de Londres : Hamilton Rigg, la société d’Olivia Rigg, associe discrètement et soigneusement ses clients masculins – ce sont seulement des hommes, du moins pour l’instant – et des femmes choisies dans un vaste réseau professionnel, des personnes accomplies, avec pour objectif de démarrer une relation potentielle.

Le matchmaking proposé par Hamilton Rigg n’est pas un service pour tout le monde et l’agence travaille habituellement avec 12 à 20 clients dans l’année avec une échelle de prix qui commence à cinq chiffres. Cependant, Olivia Rigg est tout ce qu’un magnat international ou une célébrité peut espérer pour son argent : professionnelle et incisive, avec un regard aiguisé pour associer les traits de personnalités et attentes relationnelles des gens qui sont sur la même longueur d’onde.

Après avoir travaillé dans la mode, Olivia Rigg a rejoint les matchmakers de Mayfair Gray and Farrar où elle a passé quatre ans à aiguiser son instinct et à se construire un réseau professionnel autour du monde. Par la suite, elle a quitté la société pour faire une pause de son lifestyle de globetrotter à cent à l’heure mais elle a gardé l’envie de connecter les bonnes personnes. Il y a un an, elle a commencé à présenter personnellement des amis et connaissances et l’effet boule de neige a lancé un business.

Olivia Rigg a accepté de parler des préférences de ses clients à GQ mais aussi des difficultés qu’ont les milliardaires à trouver l’âme soeur et si sa carrière en tant que matchmaker a changé sa propre conception de l’amour.

GQ : Hello Olivia. Si j’étais un milliardaire de la tech et que je venais vous voir en disant “je cherche une petite amie”, quelle serait la première étape selon vous ?

Olivia Rigg : Avant de parler à quiconque, il y a un peu de recherche à faire. Mon équipe et moi allons essayons d’en découvrir le plus possible sur le client et c’est toujours intéressant : notamment de voir comment la personne se présente souvent différemment de la façon dont elle est perçue dans les médias. Ces derniers temps, je commence par un premier appel Zoom avec autant d’informations que possible sur quelqu’un. Puis il s’agit pour moi de vraiment comprendre les valeurs de la personne.

Le plus important, c’est la mentalité. Il y a beaucoup de gens qui pourraient se permettre nos prix mais ce n’est pas tant une question d’argent : c’est plus la valeur qu’ils mettent dans des relations de qualité et ce que ça veut dire pour eux. Il s’agit avant tout de comprendre ça. Tous mes clients ont tendance à être tournés vers l’avenir et à se concentrer sur les résultats. Ça peut ne pas se passer comme prévu, devenir émotionnel et beaucoup de choses peut arriver : tout fonctionnera mieux si j’ai une bonne relation de confiance avec eux. C’est crucial.

Combien de clients avez-vous dans une année classique ?

Je travaille sur une base de six mois avec chacun de mes clients. J’aime que ce soit très concentré et ciblé. Donc on a probablement un ou deux nouveaux clients chaque mois et sur l’année on doit travailler avec une vingtaine de clients. C’est un petit nombre très ciblé de gens. On ne travaille pas avec toutes les personnes qui viennent nous voir. Il y a des gens avec qui ça ne vaut pas la peine.

Quels sont les indicateurs qui suggèrent qu’un client potentiel ne collera pas ?

J’ai eu quelqu’un qui disait : “L’Italienne. L’Allemande. La Colombienne.” Il parlait de ses ex et il était évidemment très international et c’était important pour lui mais ça me paraissait étrange qu’il parle comme ça de ces femmes. Est-ce qu’on est en train de parler de voitures ? Je me suis dit, “ce sont des femmes. Elles ont des noms, non ?” Pour moi, ça n’allait pas.

Nous avons une impressionnante base de données de femmes. Une des grandes choses que nous avons fait pendant le confinement du Covid, c’était construire cette base de données. Elle est très impressionnante et a presque pris vie d’elle-même. On a ce phénoménal réseau de femmes sur qui repose le business. J’ai rencontré toutes ces femmes, moi ou mon équipe, et avant que je les présente à quelqu’un, je les rencontre donc j’ai une vraie responsabilité. Pour moi, un vrai carton rouge, ce serait quelqu’un qui ne respecte pas ces femmes.

Quelle est la taille de ce réseau ? 50 femmes ? 500 femmes ?

C’est probablement plus proche de ce dernier chiffre. Et ça grandit toujours.

A quel point vous intervenez dans les présentations ? Est-ce que vous donnez juste le numéro de l’autre à chacun ou vous les présentez en personne ? Vous leur réservez un date ?

On intervient relativement peu. Mes clients sont des individus très autonomes et ils ont l’habitude de prendre leur téléphone et d’appeler quelqu’un pour leur proposer un rendez-vous.

Une chose qui m’exaspère, c’est quand je dis aux gens que je suis matchmaker et qu’ils me parlent des émissions TV comme The Millionaire Matchmaker. C’est divertissant à la TV si c’est votre truc mais ça m’énerve vraiment. Ça promeut cette idée qu’il faut “fixer” les gens pour qu’ils puissent avoir un date. En réalité, tous mes clients sont vraiment géniaux, dynamiques, éduqués, brillants et ils ont du succès. Ils sont juste incroyablement concentrés sur le résultat. Pour eux, tout est question d’optimiser leur temps et leur ressources pour avoir le meilleur résultat possible pour quelque chose qui sera incroyablement important dans leur vie.

Je voudrais que le fait d’avoir un matchmaker soit vu comme quelque chose de vraiment cool. Il y a quelque chose “mère juive” là-dedans. La mère qui vient aux dates.

Qu’est-ce que vous faites si vous pensez que quelqu’un a besoin d’être un peu guidé pour le dating ?

Je ne suis pas thérapeute et je déteste que les gens pensent que je propose une thérapie mais une grande partie de mon travail c’est d’écouter ce qui ne s’est pas bien passé pour les clients et de trouver des schémas. C’est important de comprendre pourquoi ils prennent les décisions qu’ils prennent.

J’ai eu un client qui est vraiment beau et qui a incroyablement réussi. Il travaille à la City. Il a 42 ans, il est vraiment très gentil, il fait du vélo tout le temps et il joue au tennis. Il a beaucoup d’amis. Il a une belle maison à Londres. Il a tout pour lui et il fait des centaines de dates. J’étais assez choquée par le nombre de dates qu’il faisait. Ça va plus loin que le traditionnel “je choisis toujours le même type de personne”.

La principale raison pour laquelle mes jeunes clients viennent me voir, c’est pour avoir un filtre. Ils ont accès à des tonnes et des tonnes de gens, c’est le résultat des apps de dating. Si vous réfléchissez à l’acte de swiper sur le visage de quelqu’un, cette action n’est en fait pas très gentille. Il y a évidemment une place pour les applications mais c’est surtout une histoire de nombre. C’est la raison pour laquelle ces garçons doivent aller à 100 rendez-vous. Et puis, parce que mon client travaille dans la finance et que son cerveau fonctionne comme ça, il va se dire “j’ai calculé combien d’argent j’ai dépensé lors de tous ces dates qui se sont mal passé. En comparaison, vos tarifs sont plus avantageux !”

Vous avez mentionné ce réseau de femmes : ça a l’air d’être une ressource très précieuse.

Vous êtes un entrepreneur dans l’âme ! C’est ce sur quoi nous travaillons en ce moment. J’ai été impressionné par les femmes que j’ai rencontré pendant le confinement et on a été inondé de gens après l’article dans The Times. On a eu des femmes qui sont incroyablement belles, qui ont des doctorats et qui sont incroyablement accomplies d’une autre façon et qui se portaient volontaires ou que leurs amis présentaient à leur place. Le réseau de femmes est passé d’un nombre raisonnable à une explosion soudaine et comme je le disais plus tôt on a passé beaucoup de temps pendant le confinement à parler avec ces femmes, partout dans le monde.

Donc ce réseau professionnel est en train de se bâtir. Il a pris vie de lui-même sans qu’on puisse anticiper ce qui allait se passer. On a en quelque sorte deux business en un maintenant, ce qui est vraiment excitant.

Vous avez aussi un réseau “d’éclaireurs”. Qui sont-ils ?

J’ai un réseau très varié de gens. La meilleure façon de décrire cela est ce client qui a déménagé à Zurich et qui découvre l’endroit. Cela arrive souvent avec mes clients, même si certains ont un point de vue “filtré”, d’autres veulent “etendre leur réseau”, soit parce qu’ils ont divorcé et qu’ils veulent un nouveau réseau qui n’est pas lié à la famille et aux amis de leur ex-femmes ou parce qu’ils ont déménagé dans un nouvel endroit. Dans le cas de ce mec, il a déménagé à Zurich.

Il est dans la fin de la trentaine et c’est difficile parce que tout le monde est marié et qu’il n’y a pas beaucoup d’accès aux gens. Donc par exemple, je suis entré en contact avec un de mes éclaireurs, quelqu’un basé à Zurich et qui a aussi la trentaine. Elle travaille dans la finance et elle est super connectée là-bas. Je lui passe directement un coup de fil et je lui dis ‘ok, qui est-ce que tu connais qui est X, Y et Z ?” et elle connaît tous ces gens. Ensuite on commence à assembler les pièces : je prends un avion la semaine suivante pour Zurich pour aller les rencontrer. Je vois des gens avant de présenter quiconque au client.

De la même façon, j’ai commencé à travailler aussi avec un entrepreneur de la tech de San Francisco d’une vingtaine d’année qui vient de déménager au Royaume-Uni. Encore une fois, pour lui, c’est une question d’accès. Il est diplômé de Stanford. C’est drôle parce que quand je pense aux élèves de Stanford et d’Oxford, l’éducation c’est… je veux dire que pour tous mes clients c’est important mais tout particulièrement pour eux.

C’est intéressant. Quelles sortes de qualités demandent vos clients et que vous n’attendiez pas ?

Ce qui me vient à l’esprit, c’est la normalité. Exceptionnel, mais normal. Alors qu’historiquement, c’était plutôt “la licorne ! Le mannequin qui a un doctorat !”, ça a changé aujourd’hui. Il ne faut pas que ce soit tout ça mais juste une bonne combinaison. Donc par exemple, dans le réseau j’ai cette musicienne qui vous donne les larmes aux yeux quand elle joue. Et ça attire les gens parce qu’elle est tellement renommée, elle est tellement exceptionnelle dans ce qu’elle fait et passionnée. Mais en même temps, elle est normale. Elle a les pieds sur terre.

C’est un autre symptôme du confinement du Covid, qui pour moi est vraiment excitant. Ce n’est pas une question de sortir et de dire “voici ma petite amie”. Parce qu’il n’y a nulle part où aller ! En fait, avec qui veut-on vraiment être à la maison ? “Est-ce que je me confinerai avec toi ?” Et la normalité devient vraiment importante. Quelqu’un avec qui ils peuvent passer du temps et s’amuser.

Qui sont les clients les plus difficiles à caser ?

C’est difficile quand quelqu’un est ultra connu. Ou ultra riche. La majorité de mes clients sont dans la catégorie qu’ils veulent filtrer. L’autre catégorie, ce sont le gens qui sont, je dirais, des sortes d’“ultras”. Et ils sont plus difficiles. Plus ils ont de maisons, plus ils voyagent à travers le monde, plus il y a de choses dans leurs vies, plus ils ont de responsabilités et plus ils sont connus : chaque élément ajoute plus de complexité.

Vous avez ensuite le défi de trouver quelqu’un qui va avec eux en tant que personne mais aussi quelqu’un qui va pouvoir gérer ce lifestyle et gérer l’exposition. D’une certaine façon, ce sont mes clients les plus intéressants.

Ces ultras constituent quelle proportion de vos clients ? Un sur dix ?

Exactement. Et c’est pour cette raison que les tarifs sont structurés pour avoir un tarif minimum avec la plupart des gens qui entrent dans cette catégorie et puis en fonction de la complexité du brief et du lifestyle de quelqu’un etc., cela peut augmenter.

Est-ce qu’il y a une sorte de bonus si la relation aboutit, disons, à un mariage ?

Ce serait plutôt un cadeau. Je travaille avec quelqu’un qui m’a promis une prime d’un million de $ s’il se marie. Et ce serait un cadeau : je n’accepterais certainement pas de travailler sur la base du succès étant un mariage au lieu d’un tarif. Beaucoup de gens me demandent si je travaillerai sur la base du succès. Si vous pouvez m’assurez que vous n’allez pas ruiner la relation alors oui !

Je peux faire des présentations réussies. La présentation réussie, c’est quand vous vous trouvez attirant et passez un bon moment et sortez avec une bonne impression, que ce soit au bout d’un soir, d’un mois, d’un an ou autre. Mais ce dont vous parlez, c’est de votre succès dans la relation, le vôtre et leur succès dans la relation : ce n’est pas à moi de mener votre relation pour vous. Il faut faire en sorte que ça fonctionne. Je ne vais pas être payé sur la base de votre capacité à avoir une relation. Ce n’est pas mon travail.

Est-ce que vous êtes romantique vous-même ? Est-ce que votre vision de l’amour a changé depuis que vous êtes matchmaker ?

Je suis vraiment sensible et quand j’ai commencé tout ça j’avais vraiment le coeur tendre. J’allais rencontrer des gens et on finissait tous les deux en larmes ! Je ramenais ça à la maison et ça affectait ma propre relation. Je pense qu’avec le temps, je suis devenue plus réaliste. Au fond, je crois toujours à l’amour. Vraiment.

Je suis probablement plus réaliste sur ce qu’est une relation vraiment bonne. Alors que je crois vraiment en l’amour, j’ai l’impression que je croyais qu’il n’y avait qu’une âme soeur, une vision de l’amour à la Jane Austen. Je suis probablement un peu plus réaliste en terme de… en fait, il pourrait bien y avoir trois ou quatre personnes qui sont de grands amours ou des âmes-soeurs. Et je pense aussi que la personne avec qui vous êtes n’a pas besoin d’être toute votre vie. C’est beaucoup de pression, d’être toutes ces choses pour quelqu’un. Je suis devenu plus réaliste en terme de relations et ce qui fait une bonne relation. Mais suis toujours celle qui pleure devant les films !

Via GQ UK

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