La nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais, 18 ans, disparaît. Cette nuit-là, cette jeune serveuse est enlevée, battue, violée et assassinée, près de Pornic (Loire-Atlantique).
Le fait divers prend d’abord le nom du suspect principal, « L’affaire Tony Meilhon ». Mais après la biographie-enquête de l’historien et écrivain Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes (Seuil, 2016), on parlera d' »affaire Laëtitia ». Une forme de réhabilitation de la mémoire de cette jeune victime.
À partir de jeudi 6 octobre 2022, France 3 rediffuse la mini-série Laëtitia, qui compte six épisodes. Le documentariste et réalisateur Jean-Xavier de Lestrade s’est intéressé à la vie de Laëtitia avant sa mort, qui est jouée par Marie Colomb. Là-encore, pour raconter l’histoire. Pour que la victime ne demeure pas moins connue que son tueur, et ne se résume pas à sa mort.
L’affaire Laëtitia Perrais a eu des retentissements médiatiques, juridiques et politiques importants, illustrant le manque de moyens de la justice, les violences faites aux femmes, le désoeuvrement des enfants de foyers violents, et le tabou autour des violences sexuelles. Rappel des faits.
Laëtitia Perrais, traquée, violée et assassinée
Dès le 19 janvier, quelques heures après sa disparition, le scooter de Laëtitia, apprentie dans un CAP en hôtellerie-restauration, est retrouvé par terre, les clés sur sur le contact, à moins de 300 mètres de son domicile. La jeune fille vit dans la périphérie de Pornic, ville de Loire-Atlantique, placée en famille d’accueil avec sa sœur jumelle, Jessica, depuis leurs 12 ans.
Une seule chaussure est retrouvée sur la chaussée. La veille de sa disparition, Laëtitia, qui travaillait dans un restaurant à Bernerie-en-Retz, commune du même département que son domicile, a été aperçue en train de boire un verre avec Tony Meilhon, qu’elle a rencontré deux semaines auparavant. Ce trentenaire sans-emploi, multi-récidiviste, est en liberté provisoire à ce moment-là. L’homme, connu des services de police, est arrêté en 48 heures.
Il déclare d’abord avoir eu un accident et d’avoir endommagé le scooter de Laëtitia. Il finit par dire qu’il a été pris de panique en réalisant que la jeune conductrice ne respirait plus, et l’avoir jetée dans la Loire.
En réalité, l’homme a poursuivi le scooter de la jeune femme. Une fois celle-ci à terre, il l’a mise dans son coffre, et a redémarré. Plus tôt dans la soirée, il avait bousculé la jeune femme parce qu’elle refusait ses avances, et l’avait violée chez lui, avant de la ramener au restaurant où elle travaillait.
Tony Meilhon, qui avait déjà été condamné pour le viol de son co-détenu, devient le suspect numéro 1. En détention, il tente de se suicider.
Étranglée et démembrée
Soixante-dix gendarmes, soutenus par des plongeurs et les habitants mobilisés de Pornic, recherchent une trace de Laëtitia. Le 1er janvier 2011, la tête, ainsi que ses membres inférieurs et supérieurs, sont retrouvés au fond d’un plan d’eau, à Lavau-sur-Loire.
L’autopsie révèle les circonstances du drame et dément la version de Tony Meilhon : il a étranglé Laëtitia, l’a poignardée à plus de trente reprises, avant de la démembrer, puis de se débarrasser de son corps.
Trois mois plus tard, le 9 avril 2011, le tronc de la jeune fille est découvert soixante-dix kilomètres plus loin, à Port-Saint-Père, aussi en Loire-Atlantique.
La jumelle de Laëtitia, Jessica, violée par Gilles Patron, leur père d’accueil
Deux jours seulement après la découverte de son tronc, le 11 avril 2011, Gilles Patron, qui hébergeait, avec son épouse Michelle, les jumelles Perrais depuis 2005, est écroué pour le viol de Jessica, la sœur de Laëtitia. Il la violait depuis 2006, soit, depuis ses 14 ans. Deux amies de Jessica accusent aussi l’homme d’agression sexuelle. 
Laëtitia et Jessica étaient placées depuis leurs 8 ans par l’Aide Sociale à l’Enfance. Leur père, violent et condamné pour le viol de leur mère, et cette dernière, souffrant de problèmes psychiatriques, avaient été jugés inaptes à s’occuper d’elles.
Deux ans tard, quand les Patron déposent une demande pour se porter partie civile au procès, le président du tribunal de la cour d’assises de Nantes, Dominique Pannetier, la décline. Il se range du côté des avocats de la jumelle de Laëtitia et de leurs parents biologiques.
Impossible pour Jessica d’être assise à côté de celui qu’elle « considère comme son agresseur », selon les termes de l’une de ses avocates.
En 2014, Gilles Patron est condamné à huit ans de prison ferme par la cour d’assises de la Loire, pour viols et agressions sexuelles sur mineurs. Il avait reconnu les violences sexuelles envers Jessica Perrais, mais pas les faits qui lui étaient reprochés par d’autres jeunes filles, dont une amie des jumelles.
Comble du cynisme : Gilles Patron avait été reçu deux fois par le président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy. Celui-ci s’était emparé de l’affaire Perrais pour en faire un exemple de lutte contre la récidive, notamment en matière de crimes, et ce qu’il estimait être le résultat d’une justice laxiste, promettant de « sanctionner » ceux qui avaient laissé Tony Meilhon retrouver la liberté.
Les différentes prises de parole du chef de l’État, à charge contre la justice, avaient provoqué des manifestations et grèves de magistrats dans tout le pays, dénonçant le manque de moyens grandissant, et rappelant l’indépendance de la justice face au pouvoir exécutif.
Tony Meilhon condamné à la perpétuité
Lors du procès de Tony Meilhon, qui s’ouvre le 22 mai 2013, le suspect numéro 1 martèle à nouveau qu’il a eu un complice, et qu’il n’a pas découpé le corps de Laëtitia. À la barre, il déclare : « Je reconnais avoir eu l’accident, avoir porté les coups de couteau, je ne reconnais pas avoir démembré le corps, je reconnais en avoir jeté les membres à Lavau, mais quant à l’étang de Brior, je n’en connaissais même pas l’existence. Il y a quelqu’un d’autre que je ne mettrai pas en cause. C’est moi qui ai fait appel à lui le matin des faits. J’ai pas fait appel à lui pour le dénoncer par la suite. »
Ce soi-disant complice n’a jamais été identifié par la police.
En juin 2013, Tony Meilhon est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de 22 ans, ainsi qu’une possible rétention de sûreté après cette période.
Il fera appel de cette décision. Mais en 2015, sa condamnation est confirmée en appel par la cour d’assises de Rennes.
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