Un enfant qui a des problèmes avec les maths, c’est toujours un souci pour les parents. On s’angoisse à l’idée qu’il fasse un blocage, ou même encore que cela lui ferme des portes. Mais parfois, ce ne sont pas les maths elles-mêmes qui sont un problème mais plutôt la méthode utilisée pour lui faire appréhender la matière. Heureusement, tout n’est donc pas perdu et il existe des méthodes alternatives qui peuvent aider les enfants dans l’apprentissage des mathématiques.
Une chose est certaine, quand les mathématiques ne sont plus vécues par les enfants comme un contrainte mais sont abordées via le biais de jeux pédagogiques, l’apprentissage se passe le plus souvent plus facilement et plus efficacement. Les enfants n’ont plus peur des nombres, du calcul, des notions mathématiques et des sciences en général.
La méthode Singapour, également appelée méthode de Singapour, fait partir ce celles-là et nous avons demandé à un expert, Jean Nemo*, de nous expliquer son origine, son fonctionnement et ses avantages.
D’où vient la méthode Singapour et comment est-elle arrivée en France ?
Comme son nom l’indique, elle vient de… Singapour ! Elle a été créée par le Ministère de l’Education de Singapour au début des années 80. Quinze ans plus tard, les élèves singapouriens sont devenus grâce à elle les meilleurs du monde en mathématiques au classement TIMSS (Trends in Mathematics and Science studies), place qu’ils n’ont pas quittée depuis et que confirme cette année encore l’enquête PISA. La Librairie des Ecoles l’a publiée et adaptée en France dès 2007.
Cette méthode est de plus plébiscitée. Par exemple, dans son rapport de février 2018 « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques », le mathématicien Cédric Villani propose que la méthode Singapour « soit expérimentée dans les 3 ans à venir ».
En quoi consiste la méthode Singapour, quels sont ses principes ?
C’est une méthode très concrète et visuelle, qui donne du sens aux mathématiques. Les élèves manipulent des objets (des cubes, des jetons…), puis ils illustrent les situations mathématiques par des schémas, avant de passer à l’abstraction des chiffres et des symboles. Les enfants apprennent peu de notions, mais ils les abordent progressivement, explicitement et en profondeur, jusqu’à les maitriser entièrement. Enfin, ils sont encouragés à beaucoup parler, à exprimer à voix haute leur raisonnement : la résolution de problèmes, par exemple, devient un exercice joyeux et enthousiasmant, parce que chacun a la possibilité de proposer des solutions et des stratégies différentes, sans avoir peur de faire des erreurs. Les enfants modélisent l’énoncé en dessinant des schémas, qui leur permettent de visualiser les quantités connues et inconnues, et les opérations à faire.
La méthode de Singapour est basée sur un apprentissage en 6 piliers :
- Manipulation
- Observation
- Modélisation mathématique
- Entraînement et répétition
- Utilisation de jeux mathématiques
- Résolution de problèmes
Pour faire comprendre une méthode, on passe du concret (avec la manipulation), à l’imagé pour ensuite finir par l’abstrait. C’est une progression qui passe par la pratique et le touché.
Cette méthode fonctionne car elle met l’enfant en situation, il est dans l’action et non dans l’écoute passive. La méthode Singapour, très concrète est basée sur des situations que l’élève peut rencontrer au quotidien, des situations qui lui parlent et qu’il a pu vivre réellement. De plus l’élève n’est plus uniquement dans l’écoute, il verbalise, échange, compare, cherche, réfléchi et manipule. Cette méthode étant très complète, elle convient à la plus grande majorité des enfants quels que soient les leviers d’apprentissages les plus efficaces pour chacun.
L’enfant appréhende grace à cette méthode pédagogique les notions utiles dans l’apprentissage des maths. étape par étape, l’addition, la soustraction, la multiplication et la division n’ont plus de secrets pour lui.
En quoi est-elle une aide pour les enfants ?
L’approche concrète et visuelle est rassurante, parce qu’elle aide les enfants à comprendre facilement le sens des opérations. Par la manipulation, ils comprennent que l’addition et la soustraction d’une part, la multiplication et la division d’autre part sont des opérations réciproques. Les mathématiques ne sont plus dès lors perçues comme une matière obscure et rébarbative, mais comme une activité passionnante et ludique.
A des enfants de quel niveau scolaire s’adresse-t-elle ?
La méthode de Singapour concerne tous les élèves de la maternelle à la Terminale, quel que soit leur niveau mais elle n’existe pour l’instant en France que jusqu’au CM2. Quand ils arrivent en fin de primaire, les élèves sont en mesure de résoudre des problèmes algébriques complexes à l’aide de simples schémas – et sans poser de x ni de y !
Comment se déroule concrètement une séance et combien de temps dure-t-elle ?
En général, une séance de maths dure une heure avec la méthode de Singapour. Le professeur annonce l’objectif, puis il montre aux élèves comment il résout un exercice, en expliquant chaque étape clairement, il les guide grâce à son fichier. Ensuite, les élèves font les exercices à leur tour, en utilisant le matériel à disposition, qu’ils manipulent en groupe ou en binôme. Puis chacun travaille de manière autonome et, enfin, récapitule avec ses propres mots ce qu’il a compris.
Quel est le matériel utile pour mettre en action la méthode dans une classe ?
On utilise du matériel qui peut être classé en trois catégories
Pour la numération
Les enseignants utiliseront des cubes multidirectionnels, jetons, dés, matériel de base 10, bouliers, calculatrice, disques nombres, cartes de numération, disques de fractions…
Cubes multidirectionnels
Disques de fractions
Matériel de base 10
Pour la géométrie
Vont être utiles les figures géométriques, solides, geoplans et tangrams.
Figures géométriques dépliables
Géoplan
Tangram
Pour appréhender les mesures
Les enseignants utiliseront une balance de Roberval, des réglettes cuisenaires, des pièces de monnaie factices, ou encore une horloge en carton.
Réglettes cuisenaires
Balance de roberval
Vous trouverez ici du materiel de numération, géométrie ou mesures à télécharger ou commander.
Dispose-t-on de témoignages, de retours d’expériences, montrant les bienfaits (ou non) de cette méthode ?
La Librairie des Ecoles a mené une enquête en novembre 2019 auprès de 400 professeurs utilisant la méthode de Singapour. 91% d’entre eux ont déclaré avoir moins d’élèves en difficulté ; 84% que leurs élèves prenaient plus de plaisir à faire des mathématiques, 72% qu’ils avaient plus de facilité à résoudre des problèmes et 80% qu’ils comprenaient mieux comment faire des opérations.
Ces déclarations positives sont nettement corrélées à trois critères : la méthode de Singapour est d’autant plus efficace que
1) les professeurs ont suivi une formation
2) la méthode est utilisée depuis plusieurs années
3) elle est adoptée par plusieurs classes dans un même établissement.
A-t-on une idée du volume d’enfants qui la pratiquent à l’heure actuelle ?
On estime qu’aujourd’hui 250 000 élèves utilisent la méthode de Singapour, soit à peu près 10 000 classes entre le CP et le CM2.
Au niveau mondial, cette méthode d’apprentissage des maths et du calcul est employée dans plus de 60 pays. Elle est appelée à se développer en France au vue de son fort taux de réussite.
Est-elle utilisée par l’Education Nationale ?
La méthode de Singapour est utilisée aussi bien dans les écoles publiques que privées. La Librairie des Ecoles publie depuis 2015 une version de la méthode de Singapour entièrement adaptée aux programmes français, sous la direction du Dr Monica Neagoy, une formatrice franco-américaine docteur en didactique des mathématiques.
Est-elle apprise par les enseignants lors de leur cursus et si non, comment peuvent-ils la découvrir ?
Actuellement, la méthode de Singapour ne fait pas l’objet d’un apprentissage spécifique en formation initiale ou continue des professeurs. Cependant, sous l’impulsion du plan Torossian-Villani, la DGESCO (direction générale de l’enseignement scolaire) déploie cette année une formation à la résolution de problèmes à l’aide de schémas (les schémas dits « en barre ») inspirés directement de la méthode de Singapour. Pour les écoles ou les circonscriptions qui en expriment le besoin, le Dr Monica Neagoy propose des formations complètes, sur le terrain ou par webinaire.
L’avenir de la méthode de Singapour ?
Nous espérons que les professeurs des écoles vont continuer à s’approprier cette pédagogie explicite, concrète et efficace. Elle nécessite, dans une certaine mesure, de changer les pratiques actuelles, de se former, d’entreprendre des projets d’école. Mais ce changement est toujours récompensé par de meilleurs résultats et par un réenchantement de l’enseignement des mathématiques.
Avec les derniers résultats de la France au classement PISA « Programme international pour le suivi des acquis des élèves » dans lequel la France est classée 23e sur 79 pays évalués et ne figure pas non plus en haut de classement pour les mathématiques et les sciences, le développement et la propagation de cette méthode pourrait être une solution pour regagner des places et réconcilier les élèves avec les maths.
* Jean Nemo a créé la Librairie des Ecoles en 2007, une maison d’édition de manuels scolaires et de livres éducatifs pour les enfants qui publie en France la méthode de Singapour (qui a été pionnière en France) en mathématiques du CP au CM2.
A lire pour en savoir plus
Rapport Villani Torossian 21 mesures pour enseignement des mathematiques (animath.fr)
Guide pédagogique, méthode de Singapour CP (Librairie des Ecoles)
Source: Lire L’Article Complet