En France, la maladie de Fanconi – ou anémie de Fanconi – touche entre 200 et 250 personnes, d’après les chiffres de l’Association Française de la Maladie de Fanconi (AFMF). Très rare, Isabelle connaît pourtant ses symptômes, ses causes et l’ensemble des terminologies scientifiques associées sur le bout des doigts.
Aujourd’hui, celle qui gère le compte Instagram @ma_vie_de_maman_hyperactive, documente aussi bien sa vie de famille, que ce qu’elle sait sur la pathologie sur le réseau social. “À l’époque, j’aurais aimé trouver un compte comme celui-ci. Je veux être un parachute pour les familles en détresse”, confesse-t-elle.
Cette année, sa fille Fiona aurait eu 18 ans. Cela fait maintenant 10 ans que la maladie l’a emportée. Son fils, Nicolas, en est décédé il y a 2 ans, alors qu’il avait 25 ans. “Fanconi, c’est l’ennemi juré de la famille. Si l’on continue à se battre, c’est pour nos autres enfants, Stéphane, Tom et Gregory”.
Encore peu documentée, l’anémie de Fanconi associe des malformations congénitales “très variables en gravité et en nombre”, assortie d’une aplasie médullaire progressive et d’une prédisposition pour certaines tumeurs solides, détaille le site de l’AFMF, qu’Isabelle connaît très bien. “Les membres du collectif du sont venus à l’enterrement de mes enfants, et moi, au leur. On lutte ensemble pour que cette pathologie devienne curable”.
La maladie de Fanconi : des symptômes très variables
La maladie de Fanconi est héréditaire, et touche autant les femmes que les hommes. Lorsqu’Isabelle en entend parler pour la première fois, Nicolas a déjà 8 ans. “Il est né avec plusieurs malformations, notamment son œsophage qui était relié à sa trachée et un pouce bifide. Il ne pesait qu’un 1,9 kg à la naissance, et l’un de ses reins dysfonctionnait”, témoigne la mère de famille.
À l’hôpital marseillais de la Timone, tout le monde connaît Nicolas. “On venait très souvent, car chaque organe avait des petits soucis. Il était devenu presque aveugle et présentaient des saignements de nez récurrents”. Au vu de ses symptômes discordants, impossible pour les médecins de poser un diagnostic.
C’est d’ailleurs l’une des particularités de la maladie. Elle peut à la fois se manifester par des malformations du squelette (anomalies des pouces, microcéphalie, petite taille) que par des anomalies visuelles, auditives, cutanées, une atrésie de l’œsophage ou d’autres atteintes au niveau génital, rénal, pulmonaire ou nerveux. “Il n’y a pas, le plus souvent, de retard du développement psychomoteur ou intellectuel”, précise l’AFMF.
C’est finalement la naissance de sa fille Fiona, en 2004, qui sort la famille du brouillard. “Pendant la grossesse, j’ai subi de nombreux examens approfondis. J’ai subi une césarienne en urgence, car elle maigrissait dans mon ventre”. À sa naissance, la petite fille est encore plus légère que son frère : 1,5 kg. Incapable de respirer seule, elle est admise en soins intensifs et intubée pendant 4 mois.
La greffe de moelle osseuse comme seule issue
Interpellée par la petite taille de l’enfant, et son pouce flottant, une généticienne fait un lien évident avec Nicolas. Après étude par caryotype – qui consiste en la visualisation des chromosomes – Fiona est reconnue positive à la maladie de Fanconi. Nicolas aussi. “C’était un vrai coup de massue. À sa naissance, on m’a appris que ma fille ne vivrait pas vieille, et que mon fils ne vivrait pas beaucoup plus.”
Isabelle et son mari n’ont pas le temps de s’effondrer, que les médecins leur parlent déjà de greffe. Car si la maladie de Fanconi est grave, c’est surtout parce qu’elle provoque des anomalies du sang, découlant progressivement sur une “aplasie médullaire”, ou insuffisance de la moelle osseuse.
“Environ trois quarts des patients développent une aplasie médullaire modérée ou sévère avant 10 ans, l’âge moyen étant vers 6-7 ans”, informe l’AFMF. Cette insuffisance débute le plus souvent par une baisse des plaquettes et des globules blancs associée à une anémie, et peut découler vers une leucémie aiguë.
Fiona avait 7 ans lorsque des cellules leucémiques ont été identifiées en grande quantité dans sa moelle osseuse. “Notre premier fils, Stéphane, était donneur compatible pour elle”, indique la maman. Mais l’opération se passe mal, et les cellules souches saines attaquent les cellules de Fiona. Chez la petite fille, cette maladie greffon contre hôte – dite GVH – se traduit par de violentes céphalées, des brûlures sur tout le corps, ainsi que des troubles respiratoires et pulmonaires. “Elle s’est battue jusqu’au bout, mais a fini par succomber, le 9 juillet 2012″.
Sur-risque de cancer de la tête et du cou
Pour Nicolas, qui n’a pas pu être greffé en l’absence de donneur compatible, la situation s’est aggravée plus tard, à 20 ans passé. En plus d’exposer les malades à un risque élevé de maladies du sang, la maladie de Fanconi provoque également un sur-risque de décès liés à différents cancers. “On a découvert qu’il présentait du lichen dans la bouche, et on nous a dit que cela augmentait par 300 le risque d’avoir un cancer plus tard”.
À la fin de sa vie, Nicolas présentait une moelle osseuse très faible, des troubles gastriques, visuels et urinaires. “Il était tout le temps fatigué, souvent absent en cours, et avait beaucoup de mal à marcher”. Tous les trois mois, il subit une biopsie à l’hôpital parisien Saint-Louis. “Un jour, les prélèvements sont revenus positifs à trois tumeurs, dont une énorme à la bouche”. Selon l’AFMF, le cancer épidermoïde de la tête et du cou est de loin la tumeur solide la plus fréquente chez les patients.
Comme indiqué dans ce rapport de 2014 du Fanconi Anemia Research Fund, “L’instabilité génétique intrinsèque des cellules Fanconi signifie que l’exposition aux radiations ionisantes, aux substances cancérogènes de l’environnement et aux agents chimiothérapiques comporte vraisemblablement des risques particuliers pour les personnes atteintes de la maladie de Fanconi”.
“Malgré tout, il était prêt à se battre”. Sans chimiothérapie ni radiothérapie, la reconstruction de sa bouche s’avère fructueuse, et la tumeur de Nicolas est retirée. Malheureusement, le jeune homme finit par rechuter, deux ans plus tard. “Une autre tumeur plus agressive est apparue de l’autre côté de la bouche, et sa leucémie s’est déclarée”. Après trois mois de lutte intense, Nicolas est décédé d’un cancer de la bouche, assorti d’une aplasie médullaire, le 6 juin 2018.
Isabelle rêve que plus aucun enfant ne subisse le même sort que ses enfants. “La maladie a encore gagné, mais j’espère qu’un jour, à force de recherches, on finira par gagner la guerre”.
Aujourd’hui, elle et son mari retrouvent le souffle grâce à l’amour de leurs trois autres garçons : Tom, Stéphane et Grégory. “Normalement, ce sont les parents qui montrent le chemin. Mais nous, ce sont nos enfants qui nous ont appris à vivre”.
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