Libération a décidé de publier ce lundi sur une double page une lettre intitulée « J’ai violé. Vous violez. Nous violons », précédée d’un article titré «
Pourquoi “Libé” publie la lettre d’un violeur ». Dans cette lettre, Samuel, un étudiant de 20 ans, reconnaît avoir violé son ex-copine, Alma, l’étudiante à l’origine d’une vague de
libération de la parole à Sciences-Po Bordeaux. Le quotidien a choisi de consacrer une partie de sa Une à ce sujet, à l’occasion de la
Journée internationale des droits des femmes. Un choix éditorial qui a été vivement critiqué sur les réseaux sociaux par les féministes.
Le quotidien présente cette lettre comme « un texte fort et dérangeant » qui met en avant une « réflexion qui vise à nous interpeller » et « à nous sortir de notre zone de confort », et salue « la force intellectuelle, la fougue de ce texte ».
« C’est LA HONTE ! »
« L’auteur décrit avec précision les déterminants personnels, culturels et sociaux qui ont participé à la commission de son acte. Il ne se justifie pas, ne s’autoflagelle pas, ne se défausse pas, il explique. Et expliquer n’est pas excuser », détaille Libération au sujet de son choix éditorial. Libération souligne enfin que « l’auteur de ce texte est aussi l’auteur du crime », et que la publication de ce texte pose des problèmes d’ordre « éthique, journalistique ou juridique »
« Donner la parole à un violeur pour expliquer le viol dans toute sa « complexité », c’est LA HONTE ! », s’indigne sur Twitter l’association féministe et militante Osez le féminisme.
« Si les violeurs se sentent le besoin de témoigner, ils peuvent le faire au commissariat »
« C’est à hurler », commente Valerie Rey-Robert, autrice de Une culture du viol à la française, qualifiant le choix du violeur d’adresser sa lettre à un journal de « pure saloperie manipulatrice ». « Ça va fonctionner sur plein d’hommes qui n’attendaient que ce genre de torchon », poursuit-elle. L’auteur ne « décrit pas avec précision les déterminismes », il nous manipule. Il se déculpabilise en disant qu’au fond tout le monde est un peu violeur, un peu coupable. Il dilue. »
« Lorsqu’il dit à Libération que c’est sa relation avec sa copine qui a créé les conditions du viol, il dit – oh proprement, malignement – qu’elle en est aussi responsable. Et vous avez validé ça, publié ça. Pour le 8 mars », déplore-t-elle. « Il utilise le fait d’avoir été violé lui-même, d’être socialisé homme, d’avoir eu une relation passionnelle pour se déculpabiliser », analyse-t-elle encore.
« Pourquoi choisit-il de publier une lettre dans votre journal plutôt que d’aller se livrer à la police ? Ce choix ne vous questionne pas ? », interroge-t-elle. Et d’interpeller Libération : « Réfléchissez à votre responsabilité à publier un texte d’une telle misogynie. » « Si les violeurs se sentent le besoin de témoigner, ils peuvent le faire au commissariat », abonde une
internaute.
« Tout est mépris, indécence et violence »
« Ce journal a un sérieux problème », abonde Caroline de Hass, citant le thread de Valerie Rey-Robert. Et d’ajouter : « Tout est mépris, indécence et violence dans ces papiers Libération », dénonçant l’utilisation de
l’expression « zone de confort » pour parler de viol.
Un choix éditorial « incompréhensible et dégueulasse » pour la dessinatrice Pénélope Bagieu. « Vous choisissez le 8 mars pour donner la parole à un violeur ? En plus avec une iconographie extrêmement douteuse ? Vraiment ? », s’offusque la newsletter et revue féministe Women who do stuff.
« Cette idée que mon agresseur ait le droit de raconter notre histoire et mes violences me dégoûte. Je me sens sale à cause de toi Libé », déplore
Pauline Camarade, cofondatrice de La Clameur.
Alma a été mise au courant de la publication de ce texte, alors qu’elle est « aujourd’hui hospitalisée pour dépression », et indique dans les colonnes de Libération qu’elle « portera plainte lorsqu’elle sera prête ». « Alma est de Bordeaux. Je ne sais pas si elle nous lit mais j’aimerais qu’elle sache que nous la croyons et que nous sommes solidaires d’elle », conclut
Pauline Camarade.
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