C’est un petit panneau peint annonçant la Renaissance italienne et devenu le tableau primitif le plus cher vendu au monde : la France a interdit lundi l’exportation de la « Dérision du Christ » de Cimabue et entend le conserver dans ses collections nationales.
Découvert lors d’un déménagement
La peinture à l’œuf et fond d’or sur panneau de peuplier, de 25,8 cm sur 20,3 cm, était accrochée entre le salon et la cuisine d’une vieille dame à Compiègne (Oise) et avait été expertisée à l’occasion d’un déménagement. La famille avait toujours pensé qu’il s’agissait d’une simple icône, dont la vieille dame n’a pas su dire d’où elle provenait, mais l’expertise a révélé qu’il s’agissait d’une œuvre rarissime de Ceno Di Pepo, dit Cimabue (mort en 1302), l’une des plus grandes figures de la Pré-Renaissance. On lui connaît tout au plus onze œuvres exécutées sur bois dont aucune n’est signée.
« La Dérision du Christ » serait un élément d’un diptyque de 1280 dans lequel étaient représentées sur huit panneaux de taille semblable des scènes de la Passion. Deux des scènes seulement étaient connues à ce jour : « La Flagellation du Christ » (Frick Collection, New York) et « la Vierge à l’enfant trônant et entourée de deux anges » (National Gallery, Londres).
La vente événement a eu lieu à Senlis, fin octobre. C’est la première fois depuis des dizaines d’années qu’un Cimabue passait sous le marteau. Et le tableau, estimé entre 4 et 6 millions d’euros, s’est envolé à plus de 24 millions d’euros, frais compris, devenant le tableau primitif le plus cher adjugé en vente publique dans le monde. C’est la collection privée Alana, appartenant à un couple de collectionneurs chiliens installé aux Etats-Unis et spécialisée dans l’art de la Renaissance italienne (et dont une partie est actuellement exposée au musée Jacquemart André à Paris), qui l’avait finalement emporté, devant le Metropolitan Museum de New York, dernier sous-enchérisseur.
L’Etat a 30 mois pour faire une offre
Mais lundi, le ministère français de la Culture a annoncé avoir refusé le certificat d’exportation de l’œuvre « à la suite de l’avis de la Commission consultative des trésors nationaux ». A partir de la notification de cette décision à l’acheteur, l’Etat dispose d’une période de 30 mois pour faire une offre d’achat. « Grâce au temps donné par cette mesure, tous les efforts pourront être mobilisés afin que cette œuvre exceptionnelle vienne enrichir les collections nationales, » a déclaré le ministre Franck Riester.
Outre le fait que cette décision bloque potentiellement l’œuvre pour une longue durée, elle se double d’un rebondissement : la femme qui l’a vendue est décédée peu après la vente, et ses héritiers doivent désormais s’acquitter de quelque 9 millions d’euros au titre des droits de succession. Si l’Etat ne parvenait pas à faire dans les délais une offre qui « tienne compte des prix pratiqués sur le marché international », comme le prévoit le code du patrimoine, des possibilités de conciliation sont prévues.
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