• Le documentaire « Don’t F**k With Cats » sur Luka Rocco Magnotta est en ligne ce mercredi.
  • A travers les témoignages de deux des cyberjusticiers qui l’ont traqué deux ans avant son passage à l’acte, le documentaire parvient à dessiner un portrait détaillé du « dépeceur de Montréal ».

Luka Rocco Magnotta a fait les gros titres de la presse en 2012 -surnommé en France le « 
dépeceur de Montréal »- après avoir filmé et diffusé en ligne
le meurtre de Lin Jun. Le commun des mortels a découvert le visage d’un des tueurs les plus effrayants de la décennie après la publication de la vidéo, 1 Lunatic 1 Ice Pick (« 1 fou 1 pic à glace »), dans laquelle il poignarde le jeune Chinois avec un pic à glace avant de le démembrer et d’envoyer les restes par voie postale à plusieurs partis politiques.

L’histoire « virale » de ce meurtrier commence en fait deux ans plus tôt après la mise en ligne de trois vidéos atroces où il se met en scène en train de torturer et de tuer des chatons (parfois de jouer avec leur dépouille). Le documentaire Don’t F**k With Cats (« Ne joue pas au con avec les chats »), diffusé ce mercredi sur
Netflix, rassemble les pièces du puzzle, avec l’aide des deux « cyberdétectives » amateurs, Deanna Thompson et John Green, pour dessiner la psychologie de Luka Rocco Magnotta. Comment est-il devenu le « dépeceur de Montréal » ?

Un jeu du chat et de la souris en ligne

Avant d’être le fugitif que tout le monde connaît (ou presque), Luka Rocco Magnotta était un mannequin raté en mal d’attention. Après avoir essayé de devenir une star, le jeune homme a trouvé une autre façon de faire parler de lui sur le Web : la vidéo 1 boy 2 kitten (« un garçon, deux chatons ») dans laquelle il étouffe à mort des bébés chats à l’aide d’un aspirateur. Pari gagné. Il attire l’attention d’un groupe de cyberjusticiers amateurs de chats, des vrais nerds qui ouvrent un groupe
Facebook privé – « Trouver l’aspirateur de chatons pour la justice »- dont les deux plus actifs témoignent dans le documentaire. Ils partent à la recherche de cet individu avec une seule idée en tête : découvrir son identité.

Une véritable traque en ligne se met en branle. La vidéo est analysée images par images à la recherche d’indices : quelle est la marque de l’aspirateur, d’où viennent les cigarettes, quelle langue entend-on en bruit de fond ? Pendant plusieurs mois, des pistes sont explorées puis abandonnées et alors que le groupe Facebook prend de plus en plus d’ampleur, deux des plus actifs cybertraqueurs décident de reprendre les recherches de leur côté, agacés par l’emballement des internautes un peu trop zélés.

Après plusieurs semaines de piétinement, un informateur anonyme (très certainement l’auteur de la vidéo) les met sur la piste d’un certain Luka Magnotta. Il n’en fallait pas davantage pour redonner du souffle à la traque. Qui est cet individu ? A première vue, une « célébrité » dont personne n’a entendu parler et dont les photos sont étalées sur des dizaines de fan-pages. Des rumeurs en ligne lui attribuent des relations avec des célébrités, dont Madonna, mais à y regarder de plus près, tout a été fabriqué. Non seulement le visage de Luka Magnotta ressemble férocement à celui du garçon de la vidéo, mais il a collé son visage sur des dizaines de photos trouvées au hasard sur Internet. Il se met en scène. Pire, il semble avoir créé des centaines de faux comptes Facebook pour commenter ses propres publications et se complimenter.

Face à la petite bande d’enquêteurs, Luka Magnotta se révèle parfaitement aguerri à toutes les techniques qui permettent d’effacer ses traces sur le Web. Chaque photo est minutieusement nettoyée de toutes ses informations, il ne laisse rien au hasard. Les limiers attendent patiemment une erreur qui finit par se faufiler au détour d’une image. Ils arrivent à le localier à Toronto, puis, quelque temps après la diffusion des trois vidéos de meurtre de chats, ils le retrouvent à Montréal. Ils parviennent même à trouver son adresse exacte qu’ils communiquent à la police canadienne, persuadés qu’il pourrait s’attaquer à des humains. 

La pop culture fantasmée

Deux ans de jeu du chat et de la souris avec Luka Magnotta leur permettent de reconstruire un profil psychologique détaillé du meurtrier en puissance. Un jeune homme vaniteux, obsédé par la célébrité, qui voue un culte aux personnages principaux d’American Psycho et de Basic Instinct. Deux films desquels il « s’inspire » dans l’ignoble vidéo du meurtre de Lin Jun. Il utilise en effet le titre True Faith de New order, qui résonne dans la scène d’ouverture d’American Psycho, et il reprend l’esthétique visuelle de la scène du pic à glace de Basic Instinct. Parmi ses nombreux pseudos en ligne, Luka Magnotta a régulièrement utilisé celui de K. Tramell (en référence au personnage de Sharon Stone, Catherine Tramell, dans le thriller de Paul Verhoeven).

Jusqu’au bout, Luka Magnotta a reconstruit un univers cinématographique qu’il fantasme, communiquant à travers des références de la pop culture (Attrape moi si tu peux ; Casablanca) et reproduisant des scènes macabres portées à l’écran. Deux ans de poursuite en ligne et de soupçons de passage à l’acte qui n’ont pas été suffisants pour sauver le jeune étudiant. Quel regard faut-il poser sur ce groupe d’internautes ? Ont-ils été des complices aveuglés par le goût de la traque ? Luka Rocco Magnotta s’est-il servi d’eux comme des pions ? Le documentaire égrène toutes ces questions et met au jour le visage inquiétant de celui qui a défrayé la chronique un 30 mai 2012.

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