• La semaine dernière, un tract du parti Reconquête était distribué à Toulouse pour s’opposer à la prétendue « propagande LGBTQI + » que représenteraient les lectures faites par des drag-queens à destination du jeune public.
  • Le flyer fait apparaître une photo de La Briochée, drag-queen parisienne qui a participé à Drag Race France l’an passé. Elle envisage de porter plainte.
  • La photo a été prise par un photographe de l’AFP dans le cadre d’un reportage à Lyon. « Il m’a confirmé que l’image ne pouvait pas être utilisée en dehors du reportage, qu’il alertait l’AFP et qu’il me tiendrait au courant », avance La Briochée à 20 Minutes.

« Je suis tombée des nues. Voir ma gueule utilisée par un mouvement allant à l’opposé de mes valeurs, ça fait mal. » Samedi, La Briochée, drag-queen connue du grand public pour sa participation à Drag Race France diffusée sur France 2 l’été dernier, a été alertée par l’un de ses abonnés sur Instagram que son image apparaissait sur des tracts siglés Reconquête à Toulouse.

« Des drag-queens font la lecture à vos enfants. Parents, dites stop à la propagande LGBTQI + [et] à l’embrigadement de vos enfants », peut-on lire sur le feuillet distribué dans la Ville rose. Le message, qui s’affiche sur une photo en noir et blanc représentant La Briochée, s’oppose ainsi à ce que des artistes drags animent des ateliers à destination du jeune public comme certaines ont l’habitude de faire depuis des années.

« Le parti d’extrême droite Reconquête utilise mon image sans mon autorisation (bien entendu) pour sa propagande de haine anti-LGBT », a réagi l’artiste sur Twitter.

Le parti d’extrême-droite RECONQUÊTE utilise mon image sans mon autorisation (bien entendu) pour sa propagande de haine anti-lgbt

Je vais porter plainte !

N’hésitez pas à faire tourner pour bien faire prendre conscience des méthodes ignobles et frauduleuses qu’ils emplois. pic.twitter.com/lC32o4oSna

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« Les droits pour votre image ont bien été payés. Disponible sur Adobe Stock [un site où designers et autres professionnels peuvent trouver des photos pour leurs projets] jusqu’à il y a une heure. Vous le savez puisque vous l’en avez fait supprimer », lui a répondu Arthur Cottrel, membre de la branche locale du parti d’Eric Zemmour.

La Briochée dément toute suppression d’image et affirme qu’elle ne connaissait pas la plateforme. « Avec ma compagne et mon agent, on a épluché Adobe Stock. Il y avait une soixantaine de pages sur les drag-queens, aucune de Drag Race France n’apparaissait », relate-t-elle à 20 Minutes.

Un reportage de l’AFP

Dimanche, la drag-queen a reçu un message l’informant que cette photo avait été prise par un photoreporter de l’Agence France Presse (AFP). En effet, nous avons bien retrouvé ce cliché dans la banque d’images en question. Elle est issue d’un reportage sur le passage de la tournée Drag Race France à Lyon, en octobre dernier. Dans la case « instructions spéciales », on peut lire que cette photographie ne peut être utilisée que pour illustrer le reportage sur le même sujet rédigé par une journaliste de l’AFP.

Screenshot du site de l'AFP sur lequel on retrouve la photo utilisée par Reconquête à Toulouse.

La Briochée a contacté le photographe concerné. « Il m’a confirmé que la photo ne pouvait pas être utilisée en dehors du reportage, qu’il alertait l’AFP et qu’il me tiendrait au courant. » A l’heure où nous écrivons cet article, l’auteur du cliché n’a pas répondu à notre sollicitation. Même chose pour Arthur Cottrel. L’AFP nous a quant à elle dit « être courant de l’utilisation de cette photo » mais ne pas souhaiter s’exprimer davantage sur ce sujet « pour le moment ».

Une lecture drag déprogrammée

« Il est impossible qu’une photo prise par un photographe de presse dans son métier de journaliste pour une agence soit également en vente sur un stock d’images. Les licences qui régissent le droit d’auteur et le droit à l’image sont différentes », nous informe de son côté Olivier Juszczak, rédacteur photo à 20 Minutes.

La Briochée envisage de porter plainte. « J’attends d’avoir davantage d’informations auprès d’une juriste pour savoir comment agir de la manière la plus efficace possible, nous explique-t-elle. J’ai par ailleurs contacté Shanna Banana et Brandy Snap qui ont aussi eu le droit à des tracts malveillants utilisant leur image sans autorisation. » Le mois dernier, ces deux drag-queens toulousaines ont été attaquées par la Manif pour tous ainsi que par un groupe d’identitaires baptisé « Furie Française » au sujet d’un atelier de lecture qu’elles devaient animer dans une médiathèque le 18 février.

Jean-Luc Moudenc, le maire (LR) de Toulouse, a déprogrammé l’événement, arguant que « certaines réactions peuvent amener du trouble à l’ordre public ».

« S’attaquer à nous, c’est discréditer la communauté LGBT »

« Tout d’un coup, les partis extrémistes sont en train de se rendre compte que les drag-queens existent. Depuis un ou deux ans, notre art est à la mode, très médiatisé. S’attaquer à nous, c’est discréditer la communauté LGBT dont nous sommes l’un des symboles et la partie plus que visible », déplore La Briochée.

« Nos détracteurs ont envie de croire qu’on cherche à envahir les espaces des enfants. Sauf que toutes ces lectures et ateliers sont sur la base du volontariat : les parents n’emmènent leurs enfants que s’ils veulent, on ne force personne à venir, rappelle-t-elle. On est des performeuses, des animatrices, on sait s’adapter à un public. Quand on sait qu’on va voir des enfants, on n’y va pas en string et en résilles. On met nos plus belles robes de princesses et on lit des contes, adaptés à leur âge, qui sont un peu plus inclusifs que ceux des frères Grimm ou de Perrault. » Elle ajoute que sa mésaventure « Peut faire comprendre les méthodes malhonnêtes que peut appliquer Reconquête pour continuer de faire circuler la haine. »

Le comble, c’est que La Briochée, qui vit à Paris, n’a jamais elle-même animé d’ateliers à destination des enfants. « J’ai des copines drag qui en font et les échos sont très positifs, ça se passe super bien, c’est un moment très convivial. Et puis, il y a actuellement des choses politiquement plus importantes que des animateurs ou animatrices en robe de princesses qui lisent des contes à des enfants, non ? »

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