Vivre seule n’est pas toujours réjouissant. L’habitat à plusieurs, intergénérationnel ou pas, se développe de plus en plus et présente bien des avantages.
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« La coloc’, c’est fantastique !« , s’enthousiasme Brigitte. Cette Parisienne de 67 ans originaire de la Sarthe est une fervente adepte de ce principe d’habitat partagé, intergénérationnel en l’occurrence. Pourtant, a priori, rien ne la prédestinait particulièrement à loger Justine, 23 ans, dans son trois-pièces du XIXe arrondissement de Paris. « Lorsque je me suis retrouvée seule après le décès de mon conjoint il y a déjà plus de vingt ans, j’étais encore dans la vie active et, à l’époque, l’idée de faire la démarche d’accueillir quelqu’un chez moi ne m’a même pas effleurée. Idem quand je suis partie à la retraite en 2020« . Vivre en solo ne lui faisait pas peur. Il faut dire qu’entre ses balades régulières dans Paris, ses sorties au cinéma, ses cours de yoga et ses ateliers couture, cette énergique sexagénaire sait comment occuper ses journées. Seulement entre-temps, Brigitte a hébergé une de ses petites-nièces venue à Paris pour ses études . « Quelques semaines après son départ en novembre dernier, ça m’a frappé : j’aime ma liberté, mais cela me manque d’avoir quelqu’un à la maison« .
Un accord gagnant-gagnant
Au hasard d’une de ses promenades, Brigitte tombe sur une affiche « Le pari solidaire », une association qui propose de mettre en relation des personnes d’un certain âge disposant d’un appartement et des jeunes, étudiants le plus souvent, qui cherchent à se loger dans une ville où les loyers sont hors de prix. Le contrat est simple. Pour l’étudiant, la location d’une chambre chez l’habitant revient bien moins cher que celle de n’importe quel studio tandis que l’hébergeant bénéficie d’une compagnie et peut, si besoin, s’appuyer sur son jeune colocataire pour les courses du quotidien ou pour faire le ménage. « Avec Justine, qui a emménagé en avril dernier et qui fait une école de théâtre, ça a tout de suite marché. Nous sommes toutes les deux indépendantes et chacune fait sa vie. Ce qui ne nous empêche pas d’aller parfois nous balader ensemble, de parler des petites choses du quotidien quand on partage un repas ou de nous envoyer des SMS pour prendre des nouvelles quand l’une de nous est en vacances« . Une cohabitation idéale en somme. Et Brigitte encourage chaudement celles qui le peuvent, à tenter elles aussi l’aventure.
Une pratique encadrée par la loi
Ils semblent d’ailleurs de plus en plus nombreux à l’avoir entendue. En effet, si la cohabitation intergénérationnelle est reconnue par la loi française depuis 2004, la montée en puissance des recours à ce type de pratique a conduit, en 2018, les pouvoirs publics à lui donner un cadre législatif plus précis. Le « contrat de cohabitation intergénérationnelle » concerne les « jeunes de moins de 30 ans et les seniors de plus de 60 ans ». Ensuite, son objectif premier est bien le « renforcement du lien social » entre les générations. Mais le fond du dispositif n’a que peu évolué depuis ses débuts. Ainsi, selon le choix des deux candidats, la formule consiste en une mise à disposition gratuite d’une chambre meublée contre une présence régulière du jeune le soir, la nuit et certains week-ends, ou bien une mise à disposition d’une chambre meublée contre une indemnité d’occupation. Tous les engagements réciproques seront inscrits et co-signés dans le cadre prévu par le législateur. Détail pratique qui a son importance, vous pouvez mettre en place ce dispositif que vous soyez propriétaire, locataire dans le parc privé ou occupant d’un logement social.
En termes qualitatifs, une étude réalisée en 2018 par le réseau Cohabilis estimait que la cohabitation intergénérationnelle permettait aux jeunes de réaliser 231 euros d’économies par mois. 89 % d’entre eux et 100 % des seniors y déclaraient avoir conscience d’être utiles à l’autre. 68 % de ces mêmes seniors disaient avoir vécu une expérience enrichissante et 53 % ont admis qu’ils auraient sans doute rencontré des « difficultés pour rester dans leur logement » s’ils n’avaient pas eu recours à ce dispositif.
Des pensions de famille nouvelle génération
De leur côté, à Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine, c’est une autre forme de colocation, intragénérationnelle celle-ci, que viennent de trouver Françoise, 55 ans et Laurence, 58 ans. Pas pour elles, mais pour leurs mamans respectives. Toutes deux octogénaires, elles font désormais partie des huit colocataires de la Maison du lac, une belle demeure de caractère de 300 m2 à la décoration irréprochable, avec terrasse et jardin où tout a été pensé par les concepteurs de la société « Chez Jeannette » pour faciliter la vie des plus anciens. Le principe est simple. Pour un montant mensuel moyen de 2.500 euros, chaque colocataire dispose de sa chambre individuelle avec douche et toilettes et partage 120 m2 d’espace de vie commun. Un personnel de maison fixe est présent tous les jours et prend en charge, si le résident le souhaite, le ménage et le nettoyage du linge ou assure si nécessaire l’accompagnement des pertes d’autonomie. Différentes activités comme des cours de cuisine, de gym ou des ateliers cinéma sont aussi proposées.
« J’ai tout de suite été séduite« , raconte Françoise. La première chose qui m’a frappée, c’est la taille humaine de la colocation et la convivialité du lieu. Cela n’a rien à voir avec l’EHPAD où maman était avant. C’est bien simple, elle avait quasiment arrêté de vivre et restait le plus souvent prostrée dans sa chambre. Ici, elle reprend des couleurs. Elle est libre d’entrer et de sortir comme elle l’entend, elle m’a même demandé de l’accompagner faire des courses au centre-ville. Et le fait qu’elle dispose d’un bracelet d’appel au poignet contribue à me rassurer. Plus qu’une résidence senior, je vois davantage ce lieu comme une forme de pension de famille où les colocataires sont vraiment chez eux. Même son de cloche du côté de Laurence.
« J’ai trouvé « Chez Jeannette » au hasard d’une de mes visites régulières chez maman à Rueil-Malmaison, qui, à 85 ans reconnaissait qu’il lui était de plus en plus difficile de vivre seule. Et cet emménagement dans son nouveau domicile s’est très bien passé. Elle y est choyée par l’équipe, fait son tour régulier dans le parc et m’a aussi surprise en participant aux cours de gym. Une telle organisation pour les plus âgés donne un coup de jeune au fait de vieillir« , sourit Laurence. Rejointe par Françoise dans ses propos. « Maman aujourd’hui, c’est moi dans trente ans et quand je la vois ici, je me dis que moi aussi, plus tard, je pourrais être bien dans un tel endroit ».
Fort de ce premier récent succès, Gary, l’un des deux trentenaires créateurs du concept, songe déjà à monter d’autres structures en Île-de-France mais aussi en province. Ils ne sont pas les seuls. Un nombre croissant d’enseignes, comme Coliving by Homies ou Les Pénates, pour ne citer qu’elles, développent ce principe qui consiste à allier espaces partagés et espaces privés afin de mutualiser différentes gammes de services proposés dans un cadre confortable et accueillant. Comme le rappelle la directrice de recherches du CREDOC, Élodie Alberola, « le marché des seniors est très vif et très dynamique ».
Retraite et sérénité
Aucune considération financière en revanche à Saint-Martin-du-Lac, en Saône-et-Loire, où la quête de la cohabitation obéit ici à une logique toute spirituelle. Dans ce domaine, sept personnes âgées de 55 à 80 ans ont fait le choix de vivre en communauté selon les principes des anciens béguinages médiévaux. Le groupe est composé de deux religieuses et de quatre laïcs et chaque membre dispose d’un logement individuel. Chacun contribue aux tâches ménagères, l’entretien du domaine et les travaux de jardin. Libres d’aller et de venir à leur guise, de prendre ou non leurs repas en commun, tous se retrouvent au moment des temps de méditation et des chants liturgiques. Une autre façon de vivre ensemble en toute sérénité.
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