« J’avais 13 ans et je suis resté avec ce poids toute ma vie. » À l’occasion de la sortie de son livre autobiographique I Love This Game, Patrice Évra, ancien joueur de l’équipe de France de football, s’est confié sur les agressions sexuelles qu’il a subies dans son enfance.
Il a aussi abordé un sujet encore très tabou, surtout dans le monde du sport et du football : l’homosexualité. Des confessions qu’il a faites dans plusieurs médias le 11 et 12 janvier, et qu’il aborde dans son autobiographie, disponible en français le 13 janvier.
La loi du silence
Alors qu’il a 13 ans, Patrice Évra habite loin de son établissement scolaire. Il est donc hébergé par le principal de son collège. Mais, comme il le raconte dans son livre, cet homme venait tous les soirs dans sa chambre et l’agressait sexuellement.
Au micro de FranceInter, le joueur explique comment la honte, la peur et le silence ont été ses premiers réflexes : « Quand il se passe quelque chose comme ça, premièrement on a honte, et après on a peur de ce que les gens vont penser ».
Il y avait eu des plaintes d’autres enfants
Des années plus tard, alors qu’il a 24 ans et joue à l’AS Monaco, il reçoit un coup de fil de la police. « Cette personne avait fait d’autres attouchements sexuels à d’autres enfants« , confie-t-il à la radio. Mais le joueur choisi de ne rien révéler : « J’ai menti ».
Au Parisien, il détaille son échange bref avec l’inspecteur : « ‘Monsieur Evra, est-ce que cet homme a commis des attouchements sur vous ?’ J’ai dit non. Il a insisté : ‘Vous êtes sûr ?’ J’ai répété que non, j’ai commencé à m’énerver et j’ai raccroché. Il y avait eu des plaintes d’autres enfants ».
« Je me suis senti lâche. J’avais honte. Je pensais plus à ma notoriété, à ce que les gens allaient penser », confie alors le joueur qui s’enferme dans cette loi du silence, intériorisant tout ce qu’il a vécu.
En parler à ses proches
Il faudra attendre la rencontre avec « la femme de [s]a vie », Margaux, pour que Patrice Évra ait « le déclic« . Sa fiancé a « réussi à enlever cette toxique masculinité en [lui] ». « Je bloquais toutes mes émotions. Je ne pleurais plus. Elle a été comme mon psychologue », raconte Patrice Évra. C’est en regardant une émission sur des pédocriminels que l’ancien joueur de Manchester United s’est « effondré en larmes » et a raconté son histoire à Margaux. « Tout est sorti d’un coup. On a pleuré ensemble. »
Mais le plus dur restait à venir. « Après ça, je pense que le moment le plus difficile, ce n’est pas de l’avoir sorti dans mon livre, c’est d’affronter ma mère. Je suis tout pour elle ». « Elle ne pouvait pas s’arrêter de pleurer. Elle s’est sentie coupable », raconte Patrice Évra.
Si l’ancien capitaine des bleus raconte son agression sexuelle dans ces quelques pages, ce n’est pas pour lui, « mais pour les enfants qui sont dans cette situation. Il faut dénoncer, même si ça vient de ta famille et que tu peux envoyer ton père en prison. C’est important parce que sinon, tu vas vivre avec ce traumatisme. »
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L’homophobie dans le football
Patrice Évra aborde un autre sujet tabou, celui de l’homosexualité chez les joueurs de football. « Dans le foot, si tu dis être homo, c’est fini », constate-t-il au Parisien.
Dans le foot, si tu dis être homo, c’est fin
Une homophobie encore bien présente. Dernièrement, Josh Caravallo, joueur australien toujours actif, a fait son coming-out public en octobre 2021. Au cours d’un match le weekend dernier, le footballeur a été victime de plusieurs insultes homophobes venant des spectateurs, qu’il a dénoncées dans un post Instagram.
Mais l’homophobie est aussi présente dans les vestiaires et au sein même des Fédérations, comme le raconte Patrice Évra. « Dans le monde du foot, c’est simple, tout est fermé. Quand j’étais en Angleterre, ils ont fait venir une personne pour parler de l’homosexualité à l’équipe. Certains de mes coéquipiers ont dit lors de cet échange : ‘C’est contre ma religion, s’il y a un homosexuel dans ce vestiaire, il doit dégager du club‘, etc », se souvient-il.
« À ce moment-là, j’ai dit : ‘Tout le monde la ferme. Vous vous rendez compte ?’ Moi, j’ai joué avec des joueurs qui étaient homosexuels. En tête à tête, ils se sont ouverts à moi parce qu’ils ont peur d’en parler sinon. Il y a au moins deux joueurs par club qui sont homosexuels. Mais dans le monde du foot, si tu le dis, c’est fini. »
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