Mariée et fidèle depuis 20 ans, elle a retrouvé un ami d’enfance sur Internet pour qui son cœur s’est enflammé. Mais peut-on aimer seulement deux personnes à la fois ?
Peut-on commencer une histoire d’amour avec un ami d’enfance retrouvé sur internet ? Et quelle place lui donner quand on est mariée et fidèle au même homme depuis vingt ans ? Autant de questions qui se posent à Catherine, troublée par le retour de Didier dans sa vie.
« En novembre 2008, j’ai reçu un mail d’un ancien camarade de classe, Didier, via Copains d’avant. On consulte ce site pour retrouver des gens avec qui on était à l’école. Je m’étais inscrite peu de temps avant. Je voulais renouer avec une copine qui était partie étudier aux Etats-Unis, parce que ma fille cherchait un stage là bas. En fait, j’ai retrouvé plein d’autres copains, mais pas elle. Donc j’ai reçu un message de Didier, auquel j’ai répondu par trois mots seulement. Ma fille partait finalement le lendemain au Brésil pour son stage. Je lui ai expliqué que je reviendrais vers lui quand ce serait plus calme. Je l’ai recontacté la semaine suivante.
Nous étions contents de nous retrouver. Je me souvenais très bien de lui. Nous avons grandi dans le même quartier, et passé deux ans ensemble en primaire. Entre nous il n’y avait pas une complicité particulière, mais plutôt une saine émulation dans le travail. Nous étions têtes de classe tous les deux, avec chacun son domaine de prédilection : les maths pour lui, le français pour moi. Nous étions proches sans l’être vraiment. Je l’ai perdu de vue quand je suis entrée en 6ème, parce que nous n’avons pas choisi les mêmes langues. Nous étions quand même dans le même collège et le même lycée. Je me souvenais de quelqu’un de réservé, calme, réfléchi, agréable. S’il avait eu une personnalité un peu plus exubérante, comme d’autres copains que j’ai retrouvés, nous serions peut-être restés en contact plus longtemps. Mais il était très timide.
Nous nous sommes vite dit que, peut-être, nous avions envie de nous revoir.
Nous nous sommes résumé vite fait nos vies d’adultes respectives par mails. Lui était séparé depuis peu, avec deux fils. Il habite en région parisienne, près de là où nous avons grandi. Il est cadre dans une grande entreprise. Moi, femme au foyer, mariée depuis plus de vingt ans avec quelqu’un que j’ai rencontré au lycée, mère de deux grands enfants, installée depuis quelques années près d’Aix-en-Provence. Il traversait une sale période, c’était dur moralement. Nous avons commencé à échanger des mails sur un rythme un peu plus soutenu. Puis je l’ai appelé. Nous étions émus de nous entendre. Nous nous sommes appelés de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Mon mari est tout le temps en voyage. Il dirige une entreprise qui a des filiales dans toute l’Europe. Au travers de ses mails, déjà, je sentais – comment dire, comment qualifier ça ? Une certaine forme de penchant. Nous nous sommes vite dit que, peut-être, nous avions envie de nous revoir.
Mais je l’ai averti tout de suite : j’étais très heureuse en famille, j’étais comblée.
J’ai compris qu’il avait été amoureux de moi
J’ai eu l’occasion de monter en région parisienne en janvier 2009, pour rejoindre mon mari à Paris, où nous avons un pied-à-terre. Nous nous sommes donnés rendez-vous un vendredi soir. Mon mari avait une soirée, avec des Anglais, à laquelle je n’avais pas envie de participer. Nous nous sommes retrouvés à la gare la plus proche de son domicile. C’était une grosse émotion. Il avait une rose à la main. Je suis sortie du train et je suis tombée sur lui.
Je l’ai reconnu tout de suite à ses yeux, à son regard bleu. Il n’y avait pas de doute : il a des yeux bleus exceptionnels. Lui, je ne sais pas à quoi il m’a reconnue. Ce que j’ai vu tout de suite c’est qu’il avait les traits très tirés. Il vivait un moment difficile, après sa séparation. Dans la voiture, il m’a vite attrapé la main, que j’ai reprise. J’étais un peu sur mes gardes. Je sentais qu’il avait idéalisé la gamine de 9 ans qui avait toujours de bonnes notes en classe. Il était très affectueux et, je pense, en demande de tendresse. Cela m’a incitée, dans un premier temps, à garder mes distances.
J’avais envie de revoir la région. Nous nous sommes promenés dans un parc où nous allions quand nous étions enfants. Il m’a dit qu’il avait longtemps et souvent pensé à moi. J’ai compris qu’il avait été amoureux de moi. Il ne l’a pas dit comme cela. C’était subtil. C’est quelqu’un qui est plein de délicatesse.
Il m’a prise dans ses bras, m’a embrassée
J’avais prévu de rentrer en fin de soirée, après le restaurant. Nous sommes passés chez lui pour boire un verre avant de ressortir. Nous n’avons pas bu. Il s’est montré très empressé. Je n’ai pas résisté. Nous étions assis l’un à côté de l’autre sur un canapé. Il m’a prise dans ses bras, m’a embrassée. Je n’étais pas fière, très chamboulée. J’ai toujours été fidèle à mon mari. Je n’ai connu aucun autre homme. Il a commencé à me déshabiller. Je lui ai demandé de monter dans la chambre. Voilà, c’est comme ça que nous avons fini la soirée.
Nous ne sommes pas allés au restaurant. J’ai pleuré beaucoup après. Nous avons grignoté. Nous avions faim, quand même. Nous avons parlé longuement. Je lui ai dit que ce n’était pas moi. Sur le coup j’ai regretté. J’ai expliqué à Didier que je n’aurais pas dû. J’étais aussi un peu stressée, parce que je regardais ma montre. Je ne devais pas rentrer trop tard. Il m’a raccompagnée à Paris. Nous ne nous sommes pas parlé dans la voiture. Nous étions très tendus tous les deux. J’étais un peu effarée de ce que je venais de faire. Lui se demandait si nous allions nous revoir et nous reparler. Ce qui fait que nous n’avons pas échangé un mot pendant trente kilomètres. Tout ça pour dire que nous nous sommes envoyés des messages, que nous avons recommencé à nous écrire. J’ai décidé de le revoir régulièrement. Nous nous sommes redécouverts. C’est vrai que nous ne nous connaissions pas beaucoup.
Je n’avais pas conscience que c’était un enfant qui avait eu du mal à s’intégrer, qui avait souffert parce qu’il avait de l’avance. Il avait sauté le CE2, c’était le plus jeune de la classe. Moi j’ai un mari qui est, comment dire, solaire, qui rayonne, qui est très volubile, alors que Didier est plutôt dans la discrétion, la réserve, l’observation. J’ai découvert un passionné d’aéronautique. Il a travaillé dans des compagnies aériennes. Il a toujours à cœur de m’expliquer pourquoi un avion ceci, un avion cela. Ce qui lui a manqué, ces vingt dernières années, c’est de l’écoute, de la complicité, de la tendresse. La deuxième rencontre, vers la mi-février, ce n’était pas à Paris mais à Alès, où ses parents ont une maison. Il est descendu avec ses parents et ses fils. J’avais rencontré son papa quand nous étions petits. Ils m’ont particulièrement bien accueillie. J’ai fait la connaissance de ses fils, tout aussi agréables que leur père.
Emploi du temps d’une double vie
J’ai passé deux jours là-bas. Nous n’avons rien caché, ni à ses parents, ni à ses fils. J’essayais de ne pas être trop démonstrative. Je suis mère aussi : je peux imaginer la réaction de deux adolescents de 12 et 15 ans. Cela ne m’a pas empêchée d’avoir des gestes de tendresse, d’amour, en public. C’était naturel et spontané, parce que c’est réciproque.
Didier est nettement plus fleur bleue que mon mari. Nous nous baladions main dans la main dans la forêt. Nous étions un peu épatés de nous retrouver. Lui, après ce qu’il s’était passé en janvier – j’étais très déboussolée -, il pensait que j’allais couper court. Moi j’étais étonnée d’être là, mais heureuse, surprise dans le bon sens du terme. Quand on commence une aventure comme ça, à cet âge-là, on veut essayer de rester raisonnable, maître de ses sentiments, de ses émotions, mais il n’y a pas moyen. On se retrouve comme deux adolescents au début d’une histoire.
Le principal pour lui c’est que je sois heureuse
C’est une seconde jeunesse, physique et émotionnelle. Avec Didier, nous avons une complicité complète. Nous sommes sur la même longueur d’onde, tant au niveau intellectuel que physique. Il y a beaucoup d’attirance, un élan tout neuf. On vit avec la même personne depuis vingt-cinq ans, même si ça se passe très, très bien, il y a l’adrénaline de quelque chose de nouveau. Et aussi le fait que l’absence entretient le désir.
Nous nous voyons au mieux toutes les quatre semaines. Il y a de l’attente exacerbée, disons. Au début nous avions tendance, comment dire, à passer deux jours au lit. Maintenant nous arrivons à équilibrer nos week-ends avec de multiples activités : cinéma, restaurant, balades. J’en ai vite parlé à ma meilleure amie. C’est lourd à porter. En partageant, ça s’allégeait. Elle est d’abord tombée un peu sur les fesses, comme on dit. Sa première réaction c’était : ‘Une autre, oui ; mais toi, j’aurais jamais cru !’
Il a rencontré cette amie, et aussi une cousine, et ma sœur. Ça, c’est ma façon d’assumer. Je le sors un peu de ma boîte à secrets. Avant je n’avais pas de boîte à secrets. Je pense qu’il apprécie particulièrement. Il sait que ma situation est délicate. Il n’attend rien. Même si nous sentons que nous avançons à grands pas. Le principal, pour lui, c’est que je sois heureuse.
Ce n’est jamais lui qui appelle. Il sait que je peux avoir les enfants avec moi. Nous partageons les emplois du temps. Si je suis libre à 11 heures, il n’appellera pas avant 11 heures. Nous nous écrivons le matin, il sait à quelle heure il peut appeler. Au début j’étais un peu insouciante. Il y a des choses qui auraient pu m’échapper au niveau des mails. C’est lui qui m’a dit de créer un compte personnel, avec un mot de passe.
Le deuxième homme de ma vie
Ce serait plus difficile si nous étions plus près l’un de l’autre et si nous essayions de nous voir régulièrement. Cela demanderait alors de l’organisation. Ce qui est pesant c’est le temps. C’est long, entre deux fois. Si nous avions tous les deux 30 ans, nous serions très impatients d’avancer plus vite. Là nous savons bien que ce n’est pas raisonnable, que cela ne se fait pas du jour au lendemain. Que cela se fasse un jour, je ne l’exclus pas. Mais si je l’envisage, je veux l’envisager à ma façon, sans drame, sans déchirement, autant que possible. Je pense que c’est possible.
Lui, il a fait un beau parcours, il a une carrière remarquable, mais il n’avait pas une ambition démesurée. Moi, avec mon mari qui voyage beaucoup, j’avais deux enfants en bas âge, j’ai fait le choix de m’occuper d’eux. Maintenant je vais retravailler. Je suis encouragée à double titre : ils m’encouragent tous les deux. Didier a plus tendance à me mettre sur un piédestal. Si tout va bien, je monte à Paris dans un mois. Nous passons le week-end chez son frère. Souvent, je culpabilise un peu avant de partir. Ce n’est pas moral mais ça ne se commande pas.
Je n’aurais jamais cru rencontrer un deuxième homme de ma vie. Et pourtant, si !
Didier, c’est le deuxième homme dans ma vie, dans la mesure où je suis bien avec lui ; je le comprends, il me comprend, mais quelque part, quand on se voit seulement pour le plaisir, quand on ne partage pas les soucis quotidiens, la fatigue, les contraintes, ça reste très idyllique. Il ne peut pas y avoir d’ombres au tableau. Ça n’empêche pas que tous les deux nous avons très envie de dépasser ça. Ce n’est pas une vie, d’être ensemble deux jours par mois. Nous nous sentons capables de partager d’autres choses.
Avant lui, je me disais que c’était une chance d’avoir quelqu’un depuis 30 ans dans sa vie. D’avoir partagé plein de choses, surmonté plein de difficultés, évolué ensemble. Nous avons aussi nos enfants. Avec Didier, nous nous voyons depuis un an, mais c’est comme si nous nous connaissions depuis toujours ».
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Article publié initialement dans le magazine Marie Claire en avril 2010
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