Journaliste d’investigation, écrivain et animateur, ce spécialiste respecté du monde judiciaire, parraine “Les Dossiers de Chroniques criminelles”, mensuel lancé par CMI, disponible en kiosque depuis le mercredi 5 avril. En exclusivité, il nous parle de ce nouveau magazine…
À la seule évocation des grandes affaires criminelles, les yeux de Jacques Pradel s’illuminent aussitôt. Intarissable sur le sujet, l’homme possède une immense culture en la matière. Le succès de l’émission Chroniques criminelles, diffusée sur TFX depuis 2013, et de ses podcasts éponymes, écoutés par des millions d’auditeurs, a conforté ce journaliste chevronné à parrainer ce nouveau mensuel lancé par CMI (éditeur de France Dimanche). Confidences d’un passionné…
France Dimanche : Votre vie professionnelle a évolué sous le signe de la passion pour les affaires criminelles. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le lancement d’un magazine consacré à ce thème ?
Jacques Pradel : Je n’ai aucun goût pour le macabre ni pour la violence. Grâce à Témoin numéro un, diffusé sur TF1 dans les années 90, j’ai eu la chance d’effectuer une plongée profonde dans le système policier et judi-iaire avec des acteurs de la criminologie. Nous voulions, dans cette émission, rendre les spectateurs actifs. Qu’ils ne regardent pas ces affaires criminelles comme un train qui passe ! J’ai assumé l’idée d’être acteur, en lançant des appels à témoins, pensant que je pouvais faire avancer la justice, sans pour autant me prendre pour un chevalier blanc ! C’est dans cet esprit que j’ai participé au lancement de ce nouveau magazine.
“Quoi de plus passionnant que les récits de gens ordinaires qui basculent dans quelque chose d’extraordinaire !”
FD : Les Dossiers de Chroniques criminelles est le premier mensuel intégralement consacré aux grandes affaires judiciaires. En quoi ce magazine les démarque-t-il des simples faits divers ?
JP : Derrière les faits divers, il y a des victimes, de la peine, de la douleur. Pour les proches, qui ont perdu un enfant, un membre de leur famille ou un ami, il est insupportable de s’entendre dire qu’il s’agit d’un simple fait divers ! C’est pourquoi nous préférons parler d’affaires criminelles. Le rôle de ce journal est d’analyser, de décrypter, et de raconter comment les choses se sont réellement passées. Nous effectuons notre travail de journaliste en relatant, avec nos enquêtes, interviews et témoignages, la version la plus proche de ce qui s’est vraisemblablement passé. Nous tentons aussi de comprendre les raisons du passage à l’acte de monsieur et madame Tout-le-monde : pourquoi ont-ils soudainement basculé ?
L’observateur du monde judiciaire en deux livres
Vous souvenez-vous de l’odyssée sanglante du gang de Roubaix, en octobre 1996, ou encore de la monstruosité du Japonais cannibale, qui avait sévi en juin 1981 à Paris ?
Dans son livre, Mes archives criminelles : « Ces affaires que je n’oublierai jamais » (éditions du Rocher), le journaliste nous remémore avec son talent de conteur ces histoires, terrifiantes mais vraies, qui ont défrayé la chronique judiciaire et marqué à jamais l’opinion publique. Autre ouvrage du même auteur à découvrir : Grain de sable (éditions Michel Lafon poche), ou lorsqu’un petit détail, souvent anodin, vient bouleverser l’issue des enquêtes dans 31 histoires de crimes… presque parfaits !
FD : Georges Simenon, maître du roman policier, disait : « Ce qui reste fascinant dans les histoires de crimes est qu’elles racontent des histoires d’hommes et de femmes comme vous et moi ». N’est-ce pas l’angle du magazine Les Dossiers de Chroniques criminelles ?
JP : Bien sûr ! Quoi de plus passionnant que les récits de gens ordinaires qui basculent dans quelque chose d’extraordinaire ! Nous avons tous eu envie de jeter quelqu’un par la fenêtre, de voir disparaître un emmerdeur ou une emmerdeuse ! Or, dans certaines circonstances ou situations particulières, des personnes qui nous ressemblent, tel le voisin de palier ou le collègue de travail, osent franchir cette ligne jaune… Ils sont le reflet de nos propres failles.
FD : Le magazine se décline en deux tranches. La première relate les histoires iconiques des annales judiciaires, la seconde traite de l’actualité…
JP : En effet, les grandes affaires mentionnées sont pour certaines résolues, quand d’autres demeurent surmontées d’un immense point d’interrogation. À l’image du meurtre de Brigitte Dewèvre, connu sous le nom de l’affaire de Bruay-en-Artois, un cold case qui a débuté en avril 1972, dont personne n’a jamais su le fin mot de l’histoire. Le magazine revient en profondeur sur ce grand mystère judiciaire. La deuxième partie, dédiée à l’actualité, décrypte quant à elle d’autres affaires plus récentes qui ont défrayé la chronique : Jonathann Daval, Youssouf Fofana et le gang des barbares, ou encore la disparition d’Estelle Mouzin, enlevée le 9 janvier 2003, il y a maintenant vingt ans…
FD : Ce numéro consacre justement un important dossier à Estelle Mouzin, en révélant le rôle clé joué par le couple diabolique formé par Monique Olivier et Michel Fourniret. Qu’apportez-vous de nouveau ?
JP : Ce dossier, très complet, contient une interview remarquable de maître Didier Seban, l’avocat d’Éric Mouzin, le père d’Estelle Mouzin. Il révèle toutes les fausses pistes et les ratés de l’enquête, entre le manque d’humanité des magistrats et les certitudes malheureuses de certains policiers. Nous découvrons aussi que Monique Olivier, la femme de Michel Fourniret, était plus active qu’elle a bien voulu le faire croire. J’ai beaucoup travaillé sur cette affaire à titre personnel. Je demeure persuadé que cette femme est la marionnette qui s’est mise à manipuler le marionnettiste ! Elle a un QI supérieur à celui de Michel Fourniret. Il est difficile de faire des échelles dans la perversité, mais je pense qu’elle a aussi pris beaucoup de plaisir. Le plaisir de tuer existe ! Au cours de l’instruction, Monique Olivier a confirmé qu’elle avait joué un rôle bien au-delà de la pauvre victime d’un mari dominateur. Maintenant, elle va devoir répondre de ces actes, lors de son procès, en novembre prochain. Notre enquête revient sur l’implication de Michel Fourniret et Monique Olivier dans la disparition d’Estelle Mouzin.
FD : Ce mensuel propose des textes bien plus longs que ceux que l’on trouve habituellement dans les magazines français. Pourquoi ?
JP : L’idée est d’expliquer les tenants et les aboutissants, les coulisses, et les fausses pistes d’affaires criminelles qui s’étalent parfois sur plus de vingt ans, à l’image de la disparition d’Estelle Mouzin, sujet qui fait la couverture de ce premier numéro. Dans un monde médiatique dominé par les chaînes d’informations continues, ce magazine propose de « donner du temps au temps », en s’extrayant de l’immédiateté imposée par ces nombreuses chaînes, comme par Internet. En remplissant ce rôle, Les Dossiers de Chroniques criminelles renouent, à leur façon, avec les origines les plus nobles de notre presse écrite.
Propos recueillis par Jean-Baptiste DROUET
Les Dossiers de Chroniques criminelles. En kiosque le premier mercredi de chaque mois. Numéro un paru le 5 avril. 3,99 euros.
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