À l’occasion de la réédition de son livre à succès “3 kifs par jour” (éd. Marabout), la spécialiste de la psychologie positive revient sur cette quête univers elle et explique comment y parvenir.
Elle est incollable sur la question : elle a lu les études, suivi différents cours à l’international et expérimenté les outils qu’elle a mis dans son livre réédité cette année, après une première édition écoulée à plus de 200 000 exemplaires. La cousine de David Servan-Schreiber montre comment la science du bonheur évolue et ce qu’elle a à nous apprendre.
©Servan Schreiber Florence
France Dimanche : Entre 1967 et 1998, 95 % des études scientifiques publiées en psychologie portaient sur les maladies mentales, la dépression et l’anxiété. Et seulement une sur vingt s’intéressait à la joie et au bien-être, où en est-on aujourd’hui ?
Florence Servan-Schreiber : Certains pensent que c’est un truc gentillet ou bisounours mais c’est très sérieux, les données sur lesquelles je m’appuie sont issues de laboratoires. Aujourd’hui, on a des programmes universitaires sur le bonheur dans le monde entier et de nombreux jobs sont consacrés au bonheur des autres.
“Mon père a commencé à apprécier le rituel de la gratitude vers 80 ans.”
FD : D’après les spécialistes, notre bonheur dépend à 50 % d’une prédisposition génétique et à 10 % de facteurs extérieurs sur lesquels on ne peut influer. Seuls les 40 % restants reposent sur nous. Comment les faire basculer du bon côté ?
FSS : Tout dépend intégralement du bain dans lequel on trempe, de notre comportement et du regard que nous posons sur les événements que nous traversons. C’est là que réside notre potentiel d’épanouissement. Aujourd’hui, la plasticité du cerveau est démontrée et on peut apprendre à changer son raisonnement, à reprogrammer son interprétation.
FD : Pour apprendre à voir la vie du bon côté depuis plus de dix ans, vous insistez sur l’importance de la gratitude et proposez de lister trois moments de plaisir par jour, des « kifs ». Pourquoi ?
FSS : Parce que c’est l’occasion d’exprimer une satisfaction, de retenir les bons moments. Ce n’est pas de la politesse, ce qui compte, c’est que ça se soit passé et que ça vous ait enrichi. On peut les noter ou les partager en famille, en couple, en équipe professionnelle.
Certaines classes de primaires ont des bocaux dans lesquels chacun peut mettre ses kifs. On s’est rendu compte qu’après, les enfants étaient plus réceptifs à l’enseignement.
“On ne doit pas se reprocher nos émotions négatives.”
FD : Peut-on s’y lancer à tout âge ?
FSS : Mon père a commencé à apprécier le rituel de la gratitude sur le tard, vers 80 ans. Il s’est mis à apprécier les détails. À l’automne et à l’hiver de la vie, le temps est compté et tout a plus de saveur, la satisfaction des petites choses prend plus de place.
FD : Pourtant, vous avouez aussi que vous avez du mal à être optimiste, est-ce compatible ?
FSS : Spontanément, on se refait assez peu, le câblage initial demeure. Mon parcours m’a complètement changée, mais je suis la même. Être optimiste me demande toujours un effort. Mon inquiétude est d’abord présente. Mais je me vois faire et j’arrive à me raisonner. Par exemple, quand je perds ma gourde, mon premier réflexe est de me demander comment je vais faire, comment la remplacer… Puis je me dis que je vais attendre de voir et commencer par vérifier où elle peut être. C’est pareil quand je me surprends en train de râler, je me tourne vers la gratitude.
FD : Comment réagir en cas de baisse de moral ?
FSS : Ces moments vont se produire et on ne doit pas se reprocher nos émotions négatives. Il s’agit d’une variation normale, une pénibilité attendue. Mais ce que je sais, c’est que ça ne va pas durer. Ensuite, il faut circonscrire ce moment précis où ça se passe mal et l’isoler. Puis il faut généraliser l’optimisme.
Et aussi…
À vous de jouer !
Commencez par ce qui vous semble le plus accessible. Peut-être que ce sera de ranger, de prendre un proche dans vos bras, d’apprendre une nouvelle chose ou de vous dépenser trois fois par semaine. Dans son livre, Florence Servan-Schreiber met en avant plusieurs pistes pour développer son épanouissement, voici nos préférées :
Énumérez vos 3 kifs du jour ou de la semaine
Des situations, sensations, pensées ou instants qui ont été agréables. Vous pouvez les partager à table ou les noter dans un carnet. Notre spécialiste a même prolongé ce rituel en un repas annuel entre amis.
Écrivez votre avenir idéal
pendant une vingtaine de minutes. « Pour les chercheurs, un tel exercice révèle nos vraies envies, nos motivations sincères, nos priorités, nos émotions et le fond de notre cœur. Il peut nous aider à concilier des objectifs contradictoires et à mieux isoler les obstacles. Il développe la sensation rassurante d’avoir son mot à dire sur son propre futur », affirme Florence Servan-Schreiber qui le fait de temps en temps.
Définissez des objectifs en faisant des listes
Cent choses à faire avant de mourir, des lieux à visiter, des livres, des films… « Cette énumération n’est pas destinée à remplir chaque interstice inoccupé de notre vie mais, au contraire, à savoir se mettre en ordre de marche pour aller à l’essentiel », argumente notre spécialiste avant de rappeler que « le plaisir de la vie ne se trouve donc pas à l’arrivée, mais tout au long de la promenade. »
Profitez de l’instant
en vous efforçant d’écouter et de ressentir le présent, sans se demander ce qu’il adviendra ou ce qu’il y aurait à améliorer. On peut effectuer une photo mentale ou réelle de ce moment pour s’en souvenir, on peut aussi partager le plaisir que l’on ressent avec son entourage, car « le fait d’en parler sur-le-champ en accroît l’intensité », affirme Florence Servan-Schreiber.
Vivez des moments de grâce
pendant lesquels le temps ne compte plus et défile sans qu’on y prête attention, tant on est absorbé par la tâche qu’on s’est fixée. Cuisiner, lire, partager un moment entre amis, participer à une activité collective intéressante…
Pour aller plus loin…
Le livre
3 kifs par jour de Florence Servan-Schreiber Réédité chez Marabout.
Le site
www.lorenceservanschreiber.com
Julie BOUCHER
Source: Lire L’Article Complet