L’instinct maternel est souvent perçu comme une sorte de "super-pouvoir" que possèdent les mamans et qui leur permet souvent de mieux comprendre leur nourrisson. Mais existe-t-il vraiment ? Réponses de Corinne Antoine, psychologue spécialisée en périnatalité.
- Définition
- Inné ou acquis ?
- Toutes les mamans ?
- Comment ?
- Ocytocine
- Hommes et instinct paternel ?
[Mise à jour du 24 mars 2022]. L'instinct maternel fait l'objet de nombreux questionnements. Tandis que certains pensent qu'ils n'existent pas vraiment, d'autres cherchent à découvrir comment il fonctionne. Les premières concernées, les jeunes mamans elles-mêmes, ont parfois bien du mal à comprendre cette notion. Corinne Antoine, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité, répond à nos questions.
Qu'est-ce que l'instinct maternel ?
L'instinct maternel est parfois vu comme une sorte de super-pouvoir qui permet aux mamans de comprendre les moindres pleurs de leur bébé, de savoir exactement ce dont il a envie. D'après Corinne Antoine, "c'est un élan maternel, qui n'est pas systématique, et qui est plus ou moins important selon les femmes. Il est défini comme une forme d'état psychologique, affectif et corporel, qui amènerait la mère à avoir une attitude protectrice, sécurisante pour son enfant, et qui lui apporte ce dont il a besoin". C'est pour cela que lorsque'une mère dit qu'elle n'a pas l'instinct maternel, "souvent, elle dit en fait qu'elle ne se sent pas capable ou qu'elle ne pense pas reconnaître les besoins de son enfant", explique la psychologue.
L'instinct maternel est-il inné ou acquis ?
Pour les experts, la question de l'instinct maternel est très vague, et nombreux sont ceux qui pensent qu'il n'existe pas, ou en tout cas pas comme on peut l'entendre dans la vie courante. Contrairement aux idées reçues, Corinne Antoine estime qu'il n'est pas seulement inné : "Il y a aussi une part d'acquis". Chez les animaux, l'instinct est génétiquement programmé. Pour les humains, ce n'est pas tout à fait pareil. Il va effectivement il y avoir quelque chose de primitif dans l'envie de protéger l'enfant et d'assurer sa sécurité. Mais ce n'est pas seulement cela qu'on entend quand on parte d'instinct maternel. "C'est quelque chose qui se construit depuis l'enfance, notamment avec ce que l'on observe de nos parents, et qui va se transmettre. Il va aussi se développer au contact de son propre enfant, en l'observant, en regardant comment il réagit à certaines choses, en découvrant ses goûts", précise la psychologue. qui souhaite rassurer les mamans qui s'inquiètent parce qu'elles pensent ne pas avoir d'instinct maternel. "Le lien maternel se construit dans le temps, dans le rapport avec l'enfant et l'environnement", ajoute-t-elle. Ne pas avoir cet instinct dès la grossesse ou la naissance de son bébé ne veut pas dire qu'on ne sera ou qu'on n'est pas une bonne mère. "Il ne faut pas confondre l'instinct maternel et l'amour maternel. Chez les humains, c'est l'amour qui passe avant tout. L'instinct serait inné alors que l'amour ne l'est pas. Il se construit", souligne notre psychologue.
Toutes les mamans ont-elles un instinct maternel ?
Pour certaines mamans, l'instinct maternel va se développer dès la grossesse. Elles vont parler à leur ventre, sentir qu'elles ont déjà une relation avec l'enfant… Pour celles pour qui ce n'est pas le cas, cela ne veut pas pour autant dire qu'elles ne le développeront jamais. "Pour certaines femmes, c'est quelque chose qui est là. Pour d'autres, cela va se construire, s'enrichir au fur et à mesure, grâce au lien et à l'attachement à l'enfant. Cet attachement va se développer grâce aux hormones, mais aussi au contact de l'enfant", souligne Corinne Antoine. C'est quand ce lien ne se développe pas, qu'il n'y a pas d'attachement, "c'est alors un autre problème plus profond".
Avoir l'instinct maternel : comment cela se manifeste-t-il ?
Dans la presse, on lit parfois des histoires de mères qui ont sauvé leur enfant d'une grave maladie que les médecins confondaient avec une pathologie moins inquiétante, justement grâce à leur instinct maternel. Cependant, ce ne serait pas forcément l'instinct qui leur permettrait de comprendre que leur progéniture va plus mal qu'on pourrait le penser. "Je pense que c'est de la construction mentale. Parce qu'on a porté l'enfant, on le connaît depuis qu'il est tout petit, et on connaît ses réactions. Donc quand on a un enfant malade, sauf quand on s'affole, ce qui arrive surtout avec le premier, on sent si c'est plus grave que ce que le corps médical dit, parce qu'on sait qu'il n'agit pas de la même façon. Il est donc difficile de savoir si c'est vraiment de l'instinct", indique Corinne Antoine. De la même façon, si on entend mieux pleurer le bébé la nuit, si on distingue le cri de son enfant parmi d'autres, ou si on comprend ce que ses pleurs signifient, ce n'est pas nécessairement parce qu'on a un instinct maternel. "Quand on a un enfant, on n'est plus tout seul. Forcément, on a une oreille plus attentive et on apprend à connaître ses réactions", explique la psychologue.
Ocytocine et instinct maternel sont-ils liés ?
L'instinct maternel fait l'objet d'une grande curiosité scientifique et nombreux sont ceux qui essayent de déterminer s'il existe réellement ou non, et surtout comment il fonctionne. En 2015, des chercheurs ont publié une étude dans la revue Nature, pour déterminer si l'ocytocine, aussi appelée "hormone de l'amour" ou "hormone de l'attachement", avait un rôle à jouer, étant donné qu'elle est présente en grande quantité dans l'organisme de la femme après l'accouchement. Ils ont donc injecté de l'ocytocine à des souris femmes vierges, qui sont devenues plus attentives aux cris des portées d'autres souris. Seulement, quand ils ont bloqué les récepteurs de cette hormone, toujours sur des souris vierges, celles-ci ont continué à avoir un comportement maternel, preuve qu'ocytocine et instinct maternel ne sont pas forcément liés.
Les hommes ont il aussi un instinct paternel ?
On parle souvent d'instinct maternel, mais rarement (voire jamais) d'instinct paternel. Pourtant, les hommes aussi peuvent développer cette faculté. "Le cerveau humain a trois grandes périodes de plasticité, où il se modifie beaucoup : au début de l'enfance, à l'adolescence, puis pendant la grossesse. Et le père aussi a cette plasticité du cerveau. Lui aussi peut développer cet instinct parental comme on vient de le définir", assure Corinne Antoine.
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