Et si le couple n’était qu’une addition de névroses que l’âge vient empirer ? Le constat n’est pas gai, certes, et Quentin Dupieux nous étonne à prendre son cinéma presque à rebrousse-poil pour nous offrir ce conte moral sur la peur du vieillissement.

Lui qui nous a habitué·es à des « buddie movies » lunaires, remplis d’humour surréaliste et grinçant (Mandibules, Au poste, Le daim) plante cette fois, avec Incroyable mais vrai, sa caméra dans la demeure d’un couple de quinquas fraîchement installés (Alain Chabat et Léa Drucker, impériaux).

Un monde burlesque et enfantin

La découverte d’une trappe magique permettant de remonter les aiguilles du temps pourrait être le piment apte à remettre de l’huile dans les gonds de leur amour fatigué ; elle va au contraire en révéler les failles à travers deux quêtes contraires : tandis que lui s’enferme dans le travail, elle court après sa jeunesse.

Sans satire ni botox, juste avec un tour de magie et une dose de malice, le plus singulier et bizarre des réalisateurs français, fils spirituel de Bertrand Blier et de Michel Gondry, raille le culte de la jeunesse de nos sociétés, auquel s’adjoint celui de la virilité quand il dresse le portrait hilarant d’un ami du couple affublé d’un pénis électronique (Benoît Magimel).

En recourant à un biais fantastique, Dupieux s’amuse, sans férocité ni cynisme, de nos obsessions qui ressemblent à un disque rayé, façon Un jour sans fin sans Bill Murray.

Avec trois fois rien – une pomme, un peu de fumée, des acteurs formidables – il parvient, une fois encore, à nous embarquer dans son monde bricolé aux accents burlesques et enfantins, mais en épousant cette fois un sujet plus adulte et profond.

Incroyable mais vrai, film de la maturité ? On y croit un temps, jusqu’à une dernière partie plus bâclée, dans laquelle Dupieux en revient à des gadgets d’écriture et cède à une vision stéréotypée des rapports femmes-hommes.

Encore un effort pour être queer et s’éloigner, totalement, des rives des conventions !

(*) Avec aussi Anaïs Demoustier, Roxane Arnal, Mikaël Halimi…

Cet article a été initialement publié dans le numéro 838 de Marie Claire, daté juillet 2022

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