À force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. La preuve avec cette famille, arrêtée le 14 mai, qui a plus d’une vingtaine d’incendies à son actif depuis août 2022 !
Depuis quelques jours, les paysans de Charente et plus précisément ceux des alentours de Chasseneuil-sur-Bonnieure, paisible village campagnard, respirent enfin. Celles qui respirent encore mieux, ce sont les vaches du coin, dont les réserves de foin partaient régulièrement en fumée depuis trop longtemps. Il est vrai que là-bas, on ne saurait plaisanter avec les incendies, le département de la Charente, avec ceux de la Dordogne et de la Gironde, ayant vu près de 30 000 hectares réduits à néant par le feu. L’été dernier a été l’un des plus cruels pour les agriculteurs dont on oublie trop souvent que c’est grâce à eux que nos tables sont garnies. Ainsi, pour le seul été 2022, quelque 400 départs d’incendies ont été constatés, soit dix fois plus que la normale.
Passion du feu
Bien sûr, certains le sont de manière accidentelle ou liés aux aléas climatiques. Mais les gendarmes de Confolens, une bourgade voisine, sont assez fins limiers pour savoir que la piste criminelle est souvent à privilégier. D’où le coup de filet du 14 mai dernier, qui leur a permis d’arrêter, en flagrant délit, un homme de 51 ans. Le présumé incendiaire, déjà connu pour de nombreux délits routiers, a aussitôt été écroué, tandis que sa compagne, âgée de 50 ans, et leur fille affichant tout juste 17 printemps étaient placées sous un contrôle judiciaire des plus stricts.
Une quinzaine de communes victimes des agissements de cette famille !
Notons que cette famille était depuis un certain temps dans le collimateur des enquêteurs, à en croire la procureure de la République d’Angoulême, Stéphanie Aouine : « Une cellule dédiée a vu le jour et le travail a continué. On s’est donné les moyens de suivre ces personnes qui étaient prêtes à mettre le feu sur la nouvelle saison. » Il était temps, le feu de la révolte couvait lui aussi sous les braises, une quinzaine de communes ayant été victimes des agissements de ces trois individus soupçonnés d’avoir provoqué vingt-trois incendies, pour un préjudice financier de plus de 300 000 euros. Demeure le mystère des motivations d’une famille qui semble se transmettre un héritage peu commun. Pour Stéphanie Aouine, il s’avérerait « qu’à ce stade de la procédure, on puisse quand même relever une passion du feu. […] On n’a pas d’autre explication que celle du jeu, du plaisir de mettre le feu, quelle que soit la nature du feu. » Ce que confirme Pierre-Henri Crémieux, commandant de la gendarmerie de la Charente, interrogé par nos confrères de France Bleu, le 17 mai : « Ils étaient fascinés par les flammes, animés par l’envie de mettre le feu, de satisfaire une pulsion. »
“Ils étaient fascinés par les flammes, animés par l’envie de satisfaire une pulsion.”
Ce trouble du comportement [lire encadré ci-dessous] touche 1 % de la population générale (selon une étude américaine publiée en 2010), mais serait surreprésenté chez les sapeurs-pompiers. On le sait, 90 % des départs de feu sont d’origine humaine, qu’elle soit involontaire ou criminelle, et beaucoup de soldats du feu en sont la cause.
Du jamais-vu
Le profil type du pompier pyromane ? Un homme de moins de 40 ans, fasciné par les flammes, et en mal de reconnaissance sociale. En revanche, une famille entière obsédée par l’idée de jouer avec le feu, voilà qui relève du jamais-vu. D’où a pu leur venir la flamme créatrice ? De l’écoute trop souvent répétée d’Allumer le feu de Johnny Hallyday ? De celle du Fire de Jimi Hendrix ou du Light My Fire des Doors ? Ou d’avoir, plus que de raison, chanté avec les scouts autour d’un feu de camp ? L’enquête le dira.
“La pyromanie est une perversion, pas une maladie mentale”
Pour le psychiatre Pierre Lamothe, expert près la Cour de cassation : « Les pyromanes sont majoritairement des hommes qui ont une fascination pour les flammes. Mais la pyromanie n’est pas une maladie mentale. C’est plus proche de la perversion. La personne qui est en victime vit plutôt cachée, et a tendance à ne pas revendiquer ses actes. Elle jouit, en cachette, du spectacle grandiose qu’offre l’incendie dont elle est à l’origine. Les images de feux de forêt, diffusées l’été par les médias, retiennent l’attention des pyromanes. Ils aiment observer le ballet des Canadairs, ou encore voir le ministre de l’Intérieur arriver sur les lieux. Toute cette agitation est simple à obtenir : il suffit d’une boîte d’allumettes pour la déclencher. » Dans le registre des pyromanes célèbres, il y eut évidemment l’empereur Néron, lui aussi pas forcément tout à fait sain d’esprit, mais qui, à l’inverse de ses anonymes successeurs, ne se cacha pas de ses forfaits (l’incendie de Rome du 18 juillet 64). Tout au contraire, il entendait que cela se sache et qu’on s’en souvienne. L’exception qui confirme la règle ?
Nicolas Gauthier
Source: Lire L’Article Complet