La greffe de rein est un traitement de suppléance qui permet à une personne en insuffisance rénale de gagner en qualité et en espérance de vie. Marie-Julia Ziliotis, néphrologue au centre hospitalier général de Rambouillet apporte son éclairage.

Avec l'intervention de Marie-Julia Ziliotis, néphrologue.

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Greffe de rein, qu’est-ce que c’est ?

La greffe de rein est l’implantation d’un rein issu d’un donneur, décédé ou vivant, chez un patient qui souffre d’une insuffisance rénale terminale.

Dans quels cas doit-on avoir recours à la transplantation rénale ?

La greffe est un traitement qui change la vie, elle améliore considérablement la qualité et les conditions de vie de la personne qui reçoit le rein.

Lorsque les reins ne fonctionnent plus assez pour assurer la vie dans des conditions acceptables on peut avoir recours à la dialyse (péritonéale ou hémodialyse) ou à la greffe de rein qui sont toutes deux des technique de suppléance (les traitements de suppléance interviennent lorsque les reins ne sont plus capables de filtrer les déchets du sang).

Une greffe de rein peut être réalisée jusqu’à un âge avancé si le patient ne présente pas de contre-indications, et si anatomiquement ses vaisseaux et sa vessie sont accessibles.

Il est possible d’avoir recours à une greffe préemptive, avant la mise en dialyse, pour certains patients. Elle est surtout réalisée chez les jeunes patients, et elle est souvent possible lorsqu’elle est réalisée avec un donneur vivant.

Le bilan pré-greffe : quelles sont les conditions pour recevoir un rein ?

Le bilan pré-greffe est réalisé à partir du moment où l’insuffisance rénale arrive au stade terminal. Il comprend de nombreux examens dont des bilans biologiques, la vérification et mise à jour de la vaccination, une échographie cardiaque, une radiographie thoracique, une échographie rénale et des consultations néphrologique, chirurgicale, anesthésique et psychologique ou encore psychiatrique.

Néphrologue, urologue et anesthésistes du centre de transplantation se concertent chaque mois pour inscrire les gens sur la liste nationale d’attente gérée par l’Agence de biomédecine.

Les patient.es sont ensuite mis sur liste active et peuvent être appelés, ou inscrits en contre-indication temporaire. Pour ceux-là, il n’y a pas de contre-indication formelle mais ils sont inactivés temporairement, car les greffer les mettrait en danger.

Les contre-indications formelle et les contre-indications temporaires pour une greffe de rein

Les contre-indications formelles : un cancer actif, une maladie infectieuse non contrôlée, une maladie cardio-vasculaire ou respiratoire rendant une anesthésie générale très risquée, une obésité majeure.

Les contre-indications temporaires : une plaie, un syndrome infectieux, une situation à clarifier, des stents à poser…

Quel est le délai d’attente après l’inscription sur la liste de l’Agence de biomédecine ?

En Île-de-France, il est de deux à trois ans. Ce temps d’attente dépend des lieux, dans certaines régions de province cela peut être beaucoup plus rapide.

L’Agence de biomédecine a mis en place un calcul de points. Les critères sont l’ancienneté, le groupe sanguin ou encore l’immunisation. Il y a parfois des situations d’urgence comme des personnes que l’on ne peut plus dialyser et passent donc en receveurs prioritaires.

Si les enfants ont priorité par rapport aux adultes, les équipes médicales favorisent en général un donneur apparenté.

Donneur vivant, donneur décédé… Qui peut donner un rein ?

« Aujourd’hui, le problème majeur en France est le nombre de donneurs. Nous n’en avons pas suffisamment par rapport au nombre d’inscrits sur liste » déplore Dr. Ziliotis. Il y a de plus en plus de dons de la part de donneurs vivants.

Toute personne qui peut prouver qu’elle a une relation d’intimité avec la personne qui reçoit peut être donneur vivant. La loi française est stricte sur ce lien qui existe et doit être prouvé. « Et dans ce cadre-là, on n’accepte pas les femmes jeunes qui n’ont pas encore eu d’enfant ; on ne prélève pas quelqu’un qui a des pathologies sous-jacentes. Dans ce don, on ne prend pas seulement en compte la santé du receveur, mais aussi du donneur. Il faut que celle-ci soit absolument préservée », poursuit la néphrologue.

Il n’est pas encore possible d’être donneur pour une personne que l’on ne connaît pas. D’autres pays le font et face au manque de donneurs décédés c’est désormais une question qui se pose en France. Cela peut être mis en place en un « don domino » : si deux couples, l’un des sujets du couple a besoin d’un rein, le ou la conjoint.e n’est pas compatible mais est compatible avec le conjoint d’un autre couple dont le conjoint est compatible avec le sujet d’un autre couple…

Les donneurs en France

Aujourd’hui en France, il y a une diminution des donneurs décédés, les familles refusent souvent. Parler du don d’organes est important car il permet d’apporter une vie meilleure aux patients. La néphrologue encourage la sensibilisation, “C’est un don de vie, pour les patients le greffon est un cadeau. On respecte les organes, les donneurs, les familles.”

Les étapes de l’opération : disponibilité, test de compatibilité, induction

Lorsqu’un rein est disponible pour un.e patient.e, il est appelé pour qu’il se rende à son centre. « On contacte aussi le néphrologue référent pour vérifier qu’il n’y a pas de problème, on vérifie aussi que le bilan est bien à jour, toujours dans l’idée de ne pas mettre le donneur en péril », détaille Dr. Ziliotis.

Au centre, une prise de sang est faite afin de réaliser un test de compatibilité : les anticorps du receveur sont mis en contact avec des ganglions prélevés chez le donneur, ce test permet de savoir s’il n’y a pas de danger suraigu de rejet. Si le « cross match » indique une bonne compatibilité, le patient est préparé pour l’intervention.

Avant la greffe on commence l’immunosuppression par voie intraveineuse, appelée l’induction, c’est une médecine adaptée aux besoins du patient.

Combien de temps dure l’intervention d’une greffe de rein et comment se passe-t-elle ?

L’opération est relativement rapide puisqu’elle dure entre 1 et 3 heures. L’équipe médicale prélève le rein du donneur dans sa totalité avec sa capsule, les vaisseaux et une partie de l’uretère (le tuyau qui relie le rein à la vessie).

Ensuite il est transféré chez le receveur. Il est implanté dans une fosse iliaque (la zone qui est en bas à gauche ou à droite de l’abdomen), qui n’est pas la position anatomique du rein mais une zone accessible chirurgicalement. On implante la veine sur la veine iliaque, l’artère sur l’artère iliaque et l’uretère est relié à la vessie.

Quel est le suivi postopératoire ?

Une fois greffé, le receveur entre selon le centre hospitalier, en soins intensifs ou en réanimation. Il retourne ensuite en néphrologie, pour une durée totale d’hospitalisation allant de 7 à 15 jours. Deux prises de sang quotidiennes sont réalisées.

Lorsque le patient rentre chez lui, il doit faire des prises de sang deux fois par semaine. Il est ensuite vu en consultation une fois par semaine et au bout d’un mois, celles-ci sont espacées. À partir de 6 mois, certains centres font de biopsie du greffon pour voir s’il est possible d’arrêter certains immunosuppresseurs. Au bout d’un an, ils sont suivis tous les trois mois par un néphrologue ou tous les 6 mois avec un centre de greffe.

Il y a un traitement à vie, tant que le greffon fonctionne.

Quelle est la durée de vie d’un rein greffé ?

L’objectif est une moyenne de survie de 12 ans du greffon, mais cela va dépendre du greffon implanté. “Il peut y avoir de grands écarts types, j’ai vu des patients avec un greffon depuis 26 ans”, précise la néphrologue.

Lorsque le greffon commence à dysfonctionner, une nouvelle greffe est à nouveau considérée et une dialyse est très généralement mise en place en attendant.

Quelle vie après une greffe de rein ?

L’objectif est un retour à la vie quotidienne normale, une greffe améliore la qualité de vie des patients, ça améliore aussi leurs conditions socio-économiques (il est difficile d’avoir une activité quotidienne normale en dialyse).

On peut reprendre une vie normale, il n’y a pas de contre-indication : la seule réserve est de ne pas prendre de risques de blesser le greffon, comme par exemple dans les sports de combat…

Une femme peut tomber enceinte, il faut toujours se concerter avec le néphrologue pour trouver un accord. Les grossesses se passent généralement mieux en greffe qu’en dialyse.

Quelles sont les complications possibles ?

– Les infections, après la greffe, des traitements sont donnés pour les prévenir.

– La réactivation de certains virus

– Les infections urinaires, pulmonaires.

– Le risque de survenue de cancer : un bilan postgreffe annuel pour surveiller. Une femme va par exemple avoir son bilan gynécologique obligatoire, dermatologique et les dépistages colo-rectal. Le risque est infime par rapport aux bénéfices de la greffe. Et il faut savoir qu’une dialyse maintient en vie mais augmente aussi certains risques cardio-vasculaires.

Qu’est-ce qu’un rejet ?

L’introduction dans l’organisme d’un organe qui n’a pas le même ADN est perçue comme une agression. Le corps se protégeant et déclenche une réaction de type immunitaire, c’est le phénomène de rejet. Le risque est permanent, c’est pourquoi il est contenu par la prise de médicaments immunosuppresseurs qui limitent l’action du système immunitaire.

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