• Le désir dans un monde où tout est possible
  • La sexualité, pas du tout une priorité

Le sexe est omniprésent dans notre société contemporaine et cette visibilité en est même un des traits distinctifs.

Sur les écrans publicitaires dans le métro, sur les bus, dans la rue, des corps dénudés s’imposent aux regards. Porno, sites de rencontres, sex-toys, envois de « nudes » : en tant qu’offre, il semble n’avoir jamais été si accessible.

Avec une telle promesse d’accès illimité, on pourrait s’attendre à un rush comme au buffet ouvert d’un restaurant. Mais ce n’est pas si simple. Tout le monde ne se rue pas dessus et des indicateurs tendent même à montrer une certaine modération chez celles et ceux pour qui on s’y attend le moins.

Plus de quatre jeunes sur dix (43%) n’ont pas eu de relations sexuelles au cours des douze derniers mois, selon un baromètre de l’Ifop réalisé pour Sidaction. En moyenne, les 15-24 ans interrogés ont déclaré 1,3 partenaire l’année écoulée.

Trois ans avant, ils en annonçaient 1,9. Ces résultats rejoignent une tendance observée sociologiquement dans plusieurs pays occidentaux depuis quelques années : les jeunes d’aujourd’hui font moins l’amour que celles et ceux de la génération précédente. Des études creusent diverses pistes pour l’expliquer : temps d’écran qui grignote la rencontre physique « in real life« , stress, image dégradée de la sexualité véhiculée par le porno…

Sursollicitée, la libido de la génération Z n’en sort pas toujours indemne. Pour le documentaire No Sex1 consacré à l’abstinence sexuelle, Didier Cros s’est plongé dans le rapport à la sexualité de ses contemporains. « Notre époque produit un paradoxe : nous vivons dans une société de services, dans une sorte de supermarché de la rencontre et du sexe. D’un côté nous avons gagné en liberté, de l’autre nous avons transformé le sexe en produit comme un autre. Et ce n’est pas parce que la société nous dit que tout est possible, tout est permis, que nous sommes plus à l’aise avec notre sexualité. Cet aspect a été oublié en cours de route. »

Le désir dans un monde où tout est possible

Comment rencontre-t-on l’autre ? Comment se rencontre-t-on soi-même ? Comment trouver l’harmonie avec sa sexualité ? Nous sommes toujours seuls pour répondre à ces questions existentielles. « Dans la mesure où tout est désormais possible, je ne peux plus me mentir. Où suis-je là-dedans ? Qu’est-ce que je veux vraiment ? Il me semble que ces questionnements s’accompagnent aussi de beaucoup d’angoisses et j’ai senti une certaine fragilité chez les jeunes », ajoute le réalisateur.

Entre injonction à la performance et ultralibéralisation des relations, les jeunes adultes tâtonnent. Lina a 20 ans, de grands yeux bleus et de longs cheveux blonds bouclés. L’été dernier, pendant ses vacances en Italie, elle a rencontré un « magnifique » Brésilien. Amours éphémères. De retour à Paris, elle a bien entendu raconté son histoire à ses copines. Puis elles ont discuté d’autre chose.

« Dans ma vie, mes ami·es et ma sœur arrivent en premier, j’y suis très attachée, j’ai grandi avec eux, raconte cette jolie étudiante. Le sexe est bien derrière, c’est le dernier truc auquel je pense. »

Entre les sorties avec ses copain·ines, sa double licence à la fac et le baby-sitting, son emploi du temps déborde : « Je dois étudier, travailler pour gagner de l’argent, voir mes potes. Un mec me prendrait 50 % de mon temps, ce n’est pas possible. »

La sexualité, pas du tout une priorité 

Faire des rencontres via Tinder pour gagner du temps, justement ? « Certaines copines le font. Mais franchement, je trouve les mecs sur les applis ridicules. Ils posent torse nu pour montrer leurs abdos, j’en suis gênée pour eux. »

Mireille, sa grande amie d’enfance, acquiesce : « La sexualité n’est pas du tout une priorité dans notre quotidien. » Le sentiment qu’elles placent au-dessus de tous les autres est l’amitié.

L’été dernier aussi, la jeune femme a eu une belle relation avec un Italien sur une île grecque : « C’était bien, mais c’était les vacances, ça ne rentre pas en ligne de compte dans ma vie de tous les jours. »

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