En grande surface ou chez son primeur, vaut-il mieux opter pour une barquette de clémentines bio récoltées au Maroc ou non bio mais récoltées en France ? Réponse de deux experts.

Le 22 octobre 2018, la revue Jama Internal Medicine publiait les résultats d’une grande étude française sur près de 70.000 personnes (1), menée par des chercheurs du centre de recherche en épidémiologie et statistiques de la Sorbonne et relayée par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Cette étude associe la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique avec une baisse de risque de deux cancers. D’accord, mais, si d’un côté, les fruits et légumes bio sont supposés être bons pour la santé, ils le sont bien moins pour la planète quand ils font le tour du globe avant de rejoindre nos assiettes. Quant à l’agriculture locale, elle est, certes produite à deux pas de chez nous, mais ne garantit pas l’absence de pesticides. Deux paradoxes qui accentuent le flou déjà présent dans la tête du consommateur. On en parle avec Christophe Brusset, ancien industriel de l’agroalimentaire et auteur de Et maintenant, on mange quoi ? (2) et Philippe Pouillart, enseignant-chercheur en pratique culinaire et santé à l’Institut polytechnique UniLaSalle à Beauvais.

En vidéo, les fruits et légumes les moins contaminés par les pesticides

La vérité sur le bio qui vient de loin

L’agriculture biologique est une méthode de production agricole favorable à l’environnement, à la santé des agriculteurs et des consommateurs. «Elle évite les pesticides, les engrais, les produits chimiques et tout ce qui peut être néfaste pour la santé», résume Philippe Pouillart. «Un mode d’agriculture qui a tout bon» donc, résument les deux experts. Excepté, quand ces mêmes fruits et légumes bio viennent du bout du monde. Ils perdent alors tout leur intérêt.

«D’une part, précise Philippe Pouillart, le label bio n’est pas une certification universelle, ses règles ne sont pas les mêmes partout dans le monde. Le bio argentin par exemple n’a rien à voir avec le bio français ou européen.» D’autre part et même «bio», dès lors que les fruits et légumes sont conditionnés pour voyager aux quatre coins du globe, ils sont récoltés bien avant d’arriver à maturité. «Ils sont donc moins riches en vitamines et en nutriments que s’ils avaient été cueillis au dernier moment», informe le chercheur. Sans compter l’addition salée de leur bilan carbone, quand la démarche de base se veut écologique.

Quid de l’agriculture locale ou « raisonnée » ?

Autant de raisons, qui pourraient nous pousser à nous tourner vers une agriculture exclusivement locale. Exemptés de transports, les fruits et légumes locaux sont récoltés à maturité et sont donc riches en vitamines et en nutriments. Leur bilan carbone, lui, est également bien plus léger. Sauf que, bien-sûr, «ce n’est pas parce que l’agriculture est produite localement qu’elle va être épargnée de pesticides, d’engrais ou de produits chimiques, souligne Christophe Brusset. Il existe de l’agriculture intensive locale».

En cas de dilemme cornélien entre bio qui vient de loin et local non-bio, Philippe Pouillart suggère donc de miser sur ce qu’il appelle le «local raisonné». Le problème ? «Il faut être extrêmement vigilant. On peut tout et rien mettre derrière la mention « local raisonné » étant donné qu’il n’existe aucun label officiel pour l’encadrer. C’est un flou artistique», expliquent Philippe Pouillart et Christophe Brusset. Leur solution : «éviter les intermédiaires, être et rester en contact direct avec les producteurs et consommer des fruits et légumes bio et locaux. Selon eux, il s’agit en fait de deux dynamiques complémentaires qui n’ont de sens que si elles sont réunies». En grande surface ou chez son primeur, on évite donc autant la barquette de clémentines bio récoltées au Maroc que celles non bio récoltées en France (si l’on a un doute).

(1) Étude publiée par le 22 octobre 2018 par la revue Jama Internal Medicine sur l’Association entre la fréquence de consommation d’aliments biologiques et le risque de cancer.
(2) Et maintenant on mange quoi ? par Christophe Brusset, Éditions Flammarion, 304 pages, 19 €.

Cet article, initialement publié le 22 novembre 2018, a fait l’objet d’une mise à jour.

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