Prenez, d’un côté, François Daubinet, chef pâtissier de la maison Fauchon. De l’autre, l’artiste plasticien Hopare. À l’occasion des fêtes de fin d’année, les deux ont décidé de collaborer pour offrir au commun des mortels le gâteau, ou plutôt l’entremets d’exception, qu’il mérite. La composition : un croustillant praliné cacahuète, un biscuit moelleux à la cacahuète torréfiée, un caramel onctueux, une crème brûlée vanille et fève de tonka et une mousse au chocolat 65%. Le tout rangé dans un coffret noir en édition numérotée par Hopare. Un met à la jonction de leurs visions qui met en évidence l’absence de frontière entre gastronomie et oeuvre d’art que François Daubinet a accepté de nous raconter, entre une question sur la pandémie et une autre sur l’avenir de la pâtisserie. 

Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi de faire un “gâteau de Noël”, plutôt que la traditionnelle bûche des fêtes de fin d’année ?

François Daubinet : “Un gâteau-cadeau de noël est une jolie façon d’offrir à ses proches une attention toute particulière pour ces fêtes de fin d’année. Le visuel change de la traditionnelle bûche mais l’esprit reste le même, un moment de gourmandise à partager. Le petit plus est la dimension artistique et unique que nous lui avons donné.”

Justement, en parlant de “dimension artistique”, pourquoi avoir choisi de collaborer avec Hopare ? Comment vous-êtes-vous rencontrés ?

“Je suis, de manière générale, très sensible à l’art urbain et contemporain. Je vais régulièrement à la rencontre d’artistes sur des expositions ou dans leurs ateliers. J’ai eu la chance de rencontrer Hopare en janvier 2020, nous avons été mis en relation par l’intermédiaire de son agent, Stéphanie. J’aime particulièrement son univers, ses peintures et sculptures, et surtout on a eu un super feeling, presque immédiat, ce qui a donné naissance au projet.”

Vous vous êtes donc lancés dans la création de “Fragment”. Quel a été le rôle de chacun ?

“Nous avons tout réalisé ensemble, de la création au développement du projet. Nous avons commencé par couler des blocs en chocolat que nous avons sculpté manuellement. Hopare a dessiné toute la partie supérieure, qui représente son identité, et j’avais en tête le volume que je souhaitais pour un entremets à partager. Une fois que nous avons finalisé la matrice initiale, nous avons fait appel à des amis, la société Mokaya (qui a mis au point une technologie innovante en impression 3D) pour réaliser les moules en silicone alimentaire afin de créer l’intérieur de l’entremets. Et enfin nous avons beaucoup travaillé pour présenter un gâteau régressif mais peu sucré. J’ai fait énormément d’essais pour obtenir les textures et le goût que je souhaitais. Le résultat est à la hauteur de ce que nous avions imaginé. 

Et le nom ?

“‘Fragment’, c’est un morceau de roche et de matière qui a été arraché … on l’imagine facilement extrait d’un mur ou d’une carrière ! Il représente la partie d’une œuvre d’art, c’est un fragment de gourmandise à partager.”

Vous dites avoir beaucoup travaillé pour créer “un gâteau régressif”, pourquoi fallait-il qu’il le soit ?

“Tout simplement parce que c’est ce que l’on aime. Des goûts facilement identifiable et qui donne envie de reprendre une part d’un gâteau gourmand. Fragment est composé d’un croustillant de praliné cacahuète, d’un moelleux à la cacahuète, d’un caramel au beurre salé, d’une crème brûlée à la vanille et fève de tonka et enfin le tout inséré dans une mousse au chocolat noir à 65%. Je pense que les gens ont besoin, plus que jamais, de se faire plaisir et d’apprécier les petits bonheurs du quotidien avec leurs proches. Fragment est un gâteau réjouissant et très gourmand pour ces fêtes de fin d’année.”

Vous évoquez le besoin des gens de se faire plaisir, plus encore pendant la pandémie. Quel est-le rôle de la pâtisserie dans un moment difficile comme celui que le monde traverse ?

“La pâtisserie n’est pas une nécessité, c’est un plaisir. Contrairement à la cuisine, nous n’en avons pas besoin, nous en avons envie ! Dans cette période particulièrement délicate, la pâtisserie joue un rôle primordial dans le bonheur que les gens partagent entre eux, notamment pendant les fêtes de fin d’année, le plaisir de se retrouver autour d’un bon dessert accompagné d’une flute de champagne n’a pas d’égal. C’est pour cette raison que nous maintenons notre évènement éphémère avant Noël. Nous avons ouvert un pop-up store rue de Turenne, où on présente Fragment, son coffret ainsi que tout le projet. Et où nous sommes accompagnés par la maison de Champagne Henriot qui propose un super millésime en dégustation.”

Vous le dites bien, “contrairement à la cuisine, nous n’avons pas besoin de la pâtisserie”. La pâtisserie connaît-elle les difficultés liées à la crise sanitaire ?

“Effectivement, la pâtisserie, comme d’autres secteurs d’activité n’est pas une nécessité et je crois qu’en ce moment les gens se concentrent sur l’essentiel. Dans ce sens, oui le secteur est fortement impacté par la crise sanitaire, mais je crois sincèrement que les professionnels qui savent rebondir, qui font un travail de qualité et qui sont sincères dans leur démarche n’ont pas de soucis à se faire. Les valeurs que l’on véhicule sont plus importantes que jamais, nous nous devons d’être positifs en toutes circonstances.”

Revenons à Fragment. Comment transforme-t-on un plaisir éphémère en objet de collection ?

“La plus grande difficulté de notre métier, c’est de transformer en souvenir impérissable des heures, des jours et des mois de travail qui seront dégustés en quelques minutes seulement ! Une partie de la réponse se trouve dans le coffret, particulièrement qualitatif, avec une reproduction d’une œuvre d’Hopare en vernis sélectif, il est numéroté et signé par lui-même. L’idée est de conserver cette boite pour lui donner une seconde vie. Ensuite il y a l’histoire que l’on raconte, sincère, nous nous sommes beaucoup investit dans ce projet afin d’offrir à nos clients un gâteau-cadeau de noël qui a du sens. Enfin le goût, simple et franc, qui reste gravé en mémoire !” 

Quel est selon vous le lien entre haute pâtisserie et art contemporain ?

“Il y a beaucoup de points communs entre nos professions d’art. Ce sont des métiers manuels, qui nécessite de la dextérité, de l’ouverture d’esprit, de la curiosité et beaucoup de travail pour arriver à créer sans copier.  Nous jouons avec des codes, des couleurs, de la technique mais aussi de la spontanéité, il faut laisser parler son imagination et ses envies. Le tout demande beaucoup d’investissement personnel pour réussir à exprimer ses envies.” 

Cet exercice est-il différent de ce que vous pouvez et avez pu faire dans de grandes maisons ?

“Il est différent puisque personnel, il représente parfaitement la vision de la pâtisserie que je souhaite proposer. Une pâtisserie équilibrée et gourmande, qui sort de l’ordinaire et qui joue avec des codes empruntés à d’autres domaines, particulièrement artistiques ! J’aime la création sur mesure et unique, c’est ce que je souhaite exprimer à travers ce projet.”

Puisque vous évoquez votre vision de la pâtisserie, pouvez-vous nous dire, pour conclure, quel avenir vous envisagez pour la pâtisserie, pour votre secteur ?

 “Une pâtisserie qui a du sens, une pâtisserie raisonnée et qui exprime une identité forte. Les gens recherchent de l’expérience et de la personnalisation. La qualité des matières premières et du travail bien fait sont des pré-requis, il faut amener quelque chose de plus, que l’on ne trouve pas ailleurs ! Par exemple, lors de notre pop-up, nous accueillerons les gens, dans un univers totalement dédié à l’art et à la gourmandise. Afin de faire vivre à nos clients une expérience aboutie, nous proposerons la dégustation de Fragment et Hopare sera en live performance durant les trois jours.”

FRAGMENT – François Daubinet x Hopare

Pré-commande en ligne et retrait entre le 22 et le 24 décembre au Pop-up Store éphémère situé 102 rue de Turenne, dans le 3e arrondissement de Paris. Ou en livraison Paris/Petite couronne jusqu’au 31 décembre 2020 (indisponible les 25 et 26 décembre).

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