C’est un discours enflammé que ne renierait pas la CGT. Pour annoncer que les 160.000 acteurs syndiqués d’Hollywood se mettaient en grève, jeudi, un visage connu s’est avancé au micro pour dénoncer la « cupidité » des studios : celui de Fran Drescher, présidente du puissant syndicat des comédiens SAG-AFTRA, la « Nounou d’enfer » de la célèbre sitcom des années 1990, co-créée avec son mari de l’époque. Avec déjà, une certaine idée de la lutte des classes.

C’est la première fois depuis plus de 20 ans que les acteurs se mettent en grève. Ils se joignent aux scénaristes, mobilisés depuis deux mois, pour le premier double mouvement depuis 1960, qui survient en pleine révolution du streaming. Jeudi, le contrat avec l’association des producteurs (AMPTP), qui regroupe notamment les studios (Disney, Fox, Warner Bros, Paramount), les chaînes de télé et les plateformes Internet (Netflix, Amazon, Apple TV) est arrivé à échéance. Sans qu’un accord ne soit trouvé pour revoir à la hausse les droits résiduels du streaming ou encadrer l’utilisation de l’image et de la voix des acteurs à l’heure des intelligences artificielles génératives.

« En danger d’être remplacés par la machine »

« Si nous ne résistons pas maintenant, nous serons tous en danger d’être remplacés par la machine, les grosses entreprises se soucient davantage de Wall Street que de vous et de vos familles », a lancé « Fran », le poing levé. Si son rire est connu par tous les Américains nés avant le milieu des années 1980 et leurs parents, la présidente de la SAG ne rigole plus. Les studios « plaident la pauvreté, disent qu’ils perdent de l’argent alors qu’ils donnent des centaines de millions de dollars à leurs PDG, c’est une honte », insiste-t-elle.

Dans son collimateur, le patron de Disney, Bob Iger, vient de renouveler son contrat pour plus de 27 millions de dollars annuels, et a dénoncé comme un parent exaspéré les demandes « déraisonnables » des syndicats, le tout à la descente de son jet privé à l’occasion d’un sommet annuel de milliardaires dans l’Idaho. Le président de Warner Bros Discovery (HBO), David Zaslav, symbolise également les crispations, en assurant qu’il faut que le secteur se serre la ceinture alors qu’il a touché 246 millions de dollars en 2021 grâce à un généreux package de stock-options lors du mariage entre les deux géants des médias.

Une militante anticapitaliste

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Dans une Nounou d’enfer, elle secouait comme une tornade le quotidien feutré d’une riche famille new-yorkaise. A 65 ans, Fran Drescher se retrouve aujourd’hui catapultée sur le devant de la scène d’un bras-de-fer qui pourrait mettre Hollywood à l’arrêt pour plusieurs mois. Elue présidente de la SAG-AFTRA en 2021, elle donne régulièrement de la voix sur les réseaux sociaux à coups de légendes « STOP CAPITALISM GREED » (« Arrêtons la cupidité du capitalisme »).

Après une bataille acharnée contre l’acteur Matthew Modine (le savant-fou « papa » d’Eleven dans Stranger Things), Drescher a œuvré pour unifier les deux principales factions de la guilde des acteurs, qui a voté à 98 % pour autoriser la grève en cas d’échecs des négociations. Jeudi, elle a prévenu les studios : « Nous sommes les travailleurs et nous sommes unis. Nous vous demandons de partager les profits car vous n’existeriez pas sans nous. Vous êtes du mauvais côté de l’histoire. » La lutte finale a commencé.

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