Quelques heures après le décès de l’ancienne star NBA, le dimanche 26 janvier, la reporter Felicia Sonmez a tweeté un article portant sur les accusations de viol formulées à l’encontre du basketteur en 2003. Elle avait alors été suspendue de son poste. Le quotidien a cependant annoncé qu’il réintégrait la journaliste, le mardi 28 janvier.
La nouvelle a bouleversé la planète entière. Kobe Bryant, quintuple champion NBA de 41 ans, est décédé dans un accident d’hélicoptère survenu le dimanche 26 janvier. Son décès a, par ailleurs, eu des répercussions inattendues. Y compris pour la journaliste Felicia Sonmez, qui a tweeté, dans les heures suivant la mort du sportif, un article daté d’avril 2016. Intitulé «La dérangeante affaire de viol de Kobe Bryant : les preuves ADN, l’histoire de l’accusatrice, et la demi-confession», le texte sur les accusations portées à l’encontre du basketteur était à l’époque paru sur le site du Daily Beast.
Fustigée par les internautes pour cette publication jugée déplacée, la journaliste du Washington Post a même fait l’objet d’un hashtag : #FireFeliciaSonmez (comprenez, #VirezFeliciaSonmez). La reporter spécialisée en politique internationale a répondu à la polémique dans une série de tweets.
« S’il vous plaît, arrêtez »
«Eh bien, ÇA m’a ouvert les yeux, a-t-elle écrit. Aux 10.000 personnes (littéralement) qui ont commenté mon post et m’ont envoyé des mails contenant des menaces de violences et de mort, s’il vous plaît prenez un moment et lisez l’histoire – qui a été écrite il y a plus de trois ans, et pas par moi. Chaque personnalité publique vaut que l’on se souvienne d’elle dans son ensemble.»
Felicia Sonmez s’était exprimée sur la polémique suscitée par son tweet sur Kobe Bryant.
Avant d’ajouter : «Même si cette personnalité publique est aimée et que cet ensemble est troublant. La rage et les menaces proférées par ces personnes à mon égard (je n’ai même pas écrit l’article mais l’ai trouvé complet) en disent long sur la pression que les gens subissent pour rester silencieux dans ce type d’affaire.» Si ces tweets ont depuis été supprimés, la reporter avait été suspendue de ses fonctions au Washington Post, révélait la directrice de la rédaction, Tracy Grant.
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«La journaliste spécialisée en politique internationale Felicia Sonmez a été placée en congé administratif, pendant que le Post examine les tweets sur la mort de Kobe Bryant, pour savoir s’ils ont enfreint la politique de la rédaction en matière de réseaux sociaux», expliquait cette dernière dans un communiqué paru le mardi 28 janvier. Felicia Sonmez a, quant à elle, partagé dans les colonnes du New York Times le mail que lui a envoyé Martin Baron, le rédacteur en chef du média, après la publication de son tweet. «Tweeter cela c’est faire preuve d’un vrai manque de jugement, lui a-t-il écrit. S’il vous plaît, arrêtez. Vous portez atteinte à cette institution en faisant ça.»
Menaces de mort et insécurité
Victime de menaces de mort, Felicia Sonmez a vu l’adresse de son domicile révélée sur les réseaux sociaux. Le syndicat des journalistes du Washington Post, NewsGuild, a depuis demandé au quotidien d’assurer les frais liés à la sécurité de la journaliste. «Felicia a reçu une salve de messages violents, y compris des menaces qui contiennent l’adresse de son domicile (…), peut-on lire dans une lettre du syndicat, adressée à Martin Baron et Tracy Grant, et signée par 200 journalistes. Felicia a dû quitter sa maison par peur pour sa sécurité et n’a pas reçu assez de conseils de la part du Post pour savoir comment se protéger.»
Les reporters ont admis que la journaliste avait mal choisi son moment pour reprendre l’article sur Kobe Bryant. «La perte d’une figure si aimée, et de tant d’autres vies, est une tragédie, ont-ils ainsi nuancé. Mais nous croyons qu’il est de notre responsabilité, en tant que rédaction, de dire au public la vérité entière, telle que nous la connaissons – au sujet de personnalités et d’institutions populaires et non populaires, aux bons comme aux mauvais moments.» La missive souligne également que cela n’est pas la première fois que le Post cherche «à contrôler la manière dont Felicia parle des problèmes de violences sexuelles».
«Felicia elle-même a survécu à une agression et l’a courageusement raconté il y a deux ans», ont-ils ajouté, avant de demander à la rédaction d’assurer la sécurité de la journaliste et de publier un communiqué condamnant les abus à l’encontre de ses reporters. Les signataires ont également exigé le retour de Felicia Sonmez, et qu’on lui fournisse «toute ressource dont elle aurait besoin pour affronter cette expérience traumatisante». «J’attendais un retour de flamme, a quant à elle confié la principale intéressée. Je peux comprendre qu’il soit difficile pour les gens de lire ça, mais c’est aussi difficile, j’imagine, pour tous les survivants d’agressions sexuelles du pays de voir ces accusations effacées (…).»
Un appel entendu
Depuis, le Washington Post a annoncé que la journaliste avait réintégré la rédaction, le mardi 28 janvier. «Après un examen interne, nous avons déterminé que, si nous considérons les tweets de Felicia inopportuns, elle n’a pas directement et clairement enfreint notre politique en matière de réseaux sociaux», a déclaré Tracy Grant dans un communiqué. La directrice de la rédaction a également formulé ses regrets d’avoir évoqué publiquement la suspension de Felicia Sonmez.
Des accusations datant de 2003
L’histoire évoquée par Felicia Sonmez date de 2003. Une jeune femme de 19 ans avait alors accusé Kobe Bryant, 27 ans à l’époque, de l’avoir violée au Lodge & Spa de Cordillera, dans le Colorado. Un an plus tard, l’affaire avait été classée sans suite, car l’accusatrice, fustigée par les médias, refusait de témoigner devant le tribunal. Si elle avait intenté un procès civil au joueur de basketball, elle avait finalement accepté d’abandonner les poursuites après les excuses du sportif devant la Cour.
Selon le Daily Beast, Kobe Bryant avait admis avoir eu des relations sexuelles avec la jeune femme, mais nié qu’elles aient eu lieu sous la contrainte. Un inspecteur de police rapportait que les tests effectués par la victime présumée à l’hôpital démontraient une «pénétration génitale traumatique», «non-cohérente avec un rapport consenti». L’affaire avait été classée sans suite en mars 2005, sans que les termes de l’accord entre le joueur et la jeune femme ne soient révélés au public.
*Cet article initialement publié le 28 janvier 2020 a fait l’objet d’une mise à jour.
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