Les vrais jumeaux sont-ils plus fusionnels que les faux jumeaux ? Ont-ils des caractères plus proches ? Entre patrimoine génétique partagé ou environnement commun, lequel de ces facteurs est plus déterminant que l’autre ? Plongée au cœur du mystère de cette relation si singulière entre les jumeaux.
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Ce sont des vrais ? Impossible de passer à côté de cette question quand on parle d’un couple de jumeaux. Il existe deux catégories : les jumeaux monozygotes ou dit « vrais jumeaux » et les jumeaux dizygotes dit « faux jumeaux ». Dans les pays anglo-saxons, on leur préfère un terme plus imagé : jumeaux « identiques » pour les monozygotes et jumeaux « fraternels » pour les dizygotes. Les jumeaux monozygotes correspondent à un tiers des naissances gémellaires. Quelles sont les différences entre ces deux types de couples gémellaires ? Au-delà des différences biologiques, Fabrice Bak, docteur en psychologie, auteur de « Jumeaux » (ed. Solar) et membre du comité scientifique de la Fédération Jumeaux et plus, nous éclaire, entre fantasme et réalité, sur les relations entre les jumeaux.
A l’origine des cellules
Les jumeaux dizygotes proviennent de deux ovocytes, fécondés par deux spermatozoïdes. Pendant la grossesse, les fœtus se développent dans deux poches séparées, avec chacun leur placenta. Ils peuvent être de même sexe ou de sexe différents. D’un point de vue génétique, les jumeaux dizygotes ne sont pas plus différents que des frères et sœurs.
Quant aux jumeaux monozygotes, ils sont issus d’un seul œuf qui s’est scindé en deux dans les 14 jours après la fécondation. Ces enfants partagent le même patrimoine génétique, c’est pourquoi ils ont une grande ressemblance physique.
Un don de télépathie, vraiment ?
Dans l’imaginaire collectif, on est baigné d’histoires exceptionnelles de jumeaux qui auraient communiqué à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Quand l’un des jumeaux est malade, des manifestations physiques se déclareraient chez l’autre. Monozygote ou dizygote, « il n’y a pas de télépathie chez les jumeaux« , affirme Fabrice Bak. « C’est comme un vieux couple, ils ont toujours vécu ensemble et peuvent savoir d’instinct si l’autre va bien. » Ce phénomène de télépathie a même fait l’objet de recherche. « La CIA a étudié la transmission de pensée« , raconte Fabrice Bak. « Elle avait le projet d’envoyer un jumeau sur le front de l’Est qui devait envoyer des informations à son frère resté aux Etats-Unis. Mais ça n’a pas fonctionné.«
Malades en même temps ?
« Les monozygotes sont plus souvent malades en même temps« , note Fabrice Bak. « Etant donné qu’ils partagent le même patrimoine génétique, si l’un attrape une maladie, comme la varicelle, il y a plus de risques que son jumeau l’attrape à son tour. » Mais heureusement, il n’y a pas de fatalité, cela dépend du degré d’héritabilité de la maladie. Si on prend une maladie comme le diabète du type 2, dans le cas des jumeaux monozygotes, le taux de concordance est compris entre 80 et 90%. Pour les jumeaux dizygotes, cela tombe entre 16 et 40%.
Construction de l’identité : plus tard chez les monozygotes
La construction de l’identité est plus complexe chez les jumeaux monozygotes. « On constate qu’ils se reconnaissent dans un miroir plus tard que les autres« , constate Fabrice Bak. Alors que cette étape survient autour de 18 mois chez la plupart des enfants, il faut attendre 6-7 mois de plus chez les monozygotes. En effet, en plus de réaliser qu’il est différent de sa mère et de tous les autres (le fameux stade du miroir), l’enfant doit aussi comprendre que l’image reflétée n’est pas son jumeau et qu’il a la même image que son co-jumeau.
Fusion gémellaire : une étape plus longue
Jusqu’à 2 ans, les jumeaux sont dans une phase de fusion gémellaire tout à fait naturelle. Les jumeaux sont considérés comme une entité unique dans les soins qu’on leur apporte. A partir de 2 ans, ils vont entrer dans une phase de complémentarité, où l’entourage va leur attribuer des caractéristiques propres. Or « cette étape de fusion gémellaire peut se prolonger plus longtemps chez les jumeaux monozygotes sans que ce soit problématique« , constate le psychologue.
Des caractères proches ?
« Les jumeaux monozygotes ont des caractéristiques émotionnelles plus proches que celles des dizygotes « , constate Fabrice Bak. Cela dépend aussi du sexe des enfants. Chez les dizygotes de même sexe, les caractères peuvent être plus proches que pour les jumeaux de sexe différent. Cependant, on remarque que les jumeaux sont souvent qualifiés avec des caractères opposés : on dit l’un calme, l’autre agité, ou encore l’un introverti, l’autre extraverti. Cela peut s’expliquer par l' »effet de couple« , phénomène mis en avant par René Zazzo. Ayant étudié une centaine de jumeaux, il a remarqué que chacun s’affirmait par l’autre et par rapport à l’autre. Comme dans un couple où chacun se partage les tâches.
Langage des jumeaux : un mythe ?
L’existence d’un langage cryptophasique propre aux jumeaux a été étudiée par des chercheurs russes. Ils l’ont constaté chez un couple de jumeaux qui vivaient en autarcie, et qui étaient restés au stade de la fusion gémellaire. « Le langage des jumeaux, c’est assez rare« , note Fabrice Bak. « Parfois, ils utilisent quelques termes en commun mais c’est tout.«
Ce qui est établi, en revanche, c’est un retard dans l’acquisition du langage chez les jumeaux. En effet, si le langage s’acquiert par la communication avec les adultes, les jumeaux échangent entre eux. Cette différence d’acquisition est légèrement plus marquée chez les monozygotes et chez les garçons. Un retard qui s’estompe généralement à la fin de la troisième année. « Il ne faut pas comparer le développement des jumeaux avec celui des non-jumeaux« , prévient Fabrice Bak. « Ils ont souvent un retard et un décalage de maturation, car ils ont une étape supplémentaire à franchir dans le développement pour passer les différentes étapes de la gémellité : fusion, complémentarité, autonomie.«
Niveau scolaire : des similitudes ?
Des jumelles qui ont eu la même moyenne, à 0,1 point près au baccalauréat ? Ces infos insolites fleurissent généralement dans les médias début juillet quand les résultats de l’examen tombent. « Pour un seul couple de jumeaux, il y en a 4650 à qui ce n’est pas arrivé« , temporise le psychologue. D’après une étude de 2012 publiée dans Science, des scans de jumeaux ont mis en avant des corrélations génétiques sur les tailles de cerveau, ainsi que des corrélations de QI chez les jumeaux monozygotes. Mais tout dépend des relations interpersonnelles de chacun qui conduisent inévitablement à des différences.
A lire : « Jumeaux, 25 histoires pour faire de la gémellité une force », Fabrice Bak, ed. Solar
Pour plus d’informations : Fédération Jumeaux et plus
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