Qu’ils soient davantage pris en compte ou en croissance, les syndromes de souffrance au travail sont de plus en plus dénoncés. Après le célèbre burn-out et son corollaire, le bore-out, les professionnels se penchent aujourd’hui sur le brown-out, cette maladie du désengagement qui fait des ravages dans le monde de l’entreprise.
- Le brown out, c’est quoi ?
- 2. Brown-out : quelles sont les causes ?
- Et les symptômes ?
- Quelles solutions ?
- 5 effets du stress sur la peau
Le brown out, c’est quoi ?
C’est en 2013 que ce syndrome a pour la première fois été nommé par David Graeber, journaliste devenu célèbre pour avoir dénoncé le concept des « bullshits jobs » (les métiers « inutiles ») dans un article publié dans la revue Strike !. Dans son analyse, Graeber évoque alors ces nombreux emplois nés des progrès technologiques et dont la mission, peu nécessaire, provoque chez ceux qui les exercent une perte de sens.
En 2018, François Baumann creuse ce phénomène dans un livre au titre évocateur : « Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens »*. Il y explique qu’à l’origine, le terme de « brown-out », appliqué aux appareils électroniques (sic), évoque la diminution volontaire ou involontaire de l’intensité pour éviter leur surchauffe.
Étendu au monde de l’entreprise, le brown-out est une maladie qui caractérise le désengagement progressif de salariés ne parvenant plus à s’enthousiasmer pour un métier qui leur semble souvent absurde. Contrairement au burn-out, syndrome né d’un trop-plein de taches démultipliées, ou au bore-out, épuisement professionnel par l’ennui, le brown-out n’est pas généré par la quantité des missions confiées mais par leur qualité, ou du moins la vision qu’en ont ceux qui les exercent.
« Maladie du désengagement au travail », le brown-out toucherait 40% des dirigeants américains**. En France, 55% des salariés estiment que le sens au travail s’est dégradé, alors qu’ils placent justement ce critère parmi les plus importants dans leur choix professionnel, et particulièrement les Millenials, qui intègrent tout juste le monde du travail.
« Peut-être peut-on parler ici de désillusion plus que de lassitude, mais dans tous les cas d’un phénomène durable et destructeur pour la société tout entière », souligne François Baumann dans son ouvrage. Alors que le récent boom du télétravail mais aussi la prise de conscience collective de la nécessité de l’utile ont à nouveau rebattu les cartes du paysage professionnel, le brown-out devrait prendre encore de l’ampleur dans les mois et les années à venir.
2. Brown-out : quelles sont les causes ?
Récent, le phénomène du brown-out est intimement lié aux changements de nos vies professionnelles, et notamment à l’émergence des nouvelles technologies. On trouve parmi les professionnels les plus fréquemment atteints par cette pathologie beaucoup de cadres exerçant des métiers liés au management, aux ressources humaines ou à la finance, domaines fortement impactés par l’intelligence artificielle.
En outre, la porosité toujours plus grande entre nos vies professionnelles et nos espaces intimes, via les mails et autres Teams ou Zoom toujours plus intrusifs, nous empêche de recharger correctement nos batteries, et de revenir chaque matin pleins de l’entrain d’une coupure réparatrice et enthousiasmante.
Mais le brown-out peut également survenir dans d’autres cas, et en premier lieu une erreur d’appréciation de départ. Si on a postulé pour un métier qui, finalement, ne correspondait pas à nos attentes ou nos compétences, alors la démotivation le concernant peut subvenir rapidement, sans qu’il y ait besoin de chercher bien loin. Par ailleurs, il arrive de plus en plus souvent que les fiches de poste évoluent. Progresser dans la hiérarchie verticale de l’entreprise inclut fréquemment l’intégration progressive de missions de management, ou d’activités commerciales, finalement pas en accord avec notre envie de départ. Signer pour un poste artistique et se retrouver 70% du temps à remplir des feuilles d’évaluation ou à gérer de l’humain lorsqu’on n’est pas fan peut entraîner un désintérêt progressif pour son emploi, et atteindre notre santé.
Enfin, et contrairement aux générations précédentes, la hiérarchie comporte aujourd’hui rarement plus de quelques niveaux du premier échelon au top management, laissant aux collaborateurs peu de marge de progression la trentaine atteinte. Sans nouveaux challenges, le brown-out et l’épuisement qui l’accompagnent semblent alors assez inévitable, à moins de changer d’entreprise, ou de mettre en place avec sa hiérarchie des mesures réparatrices.
Et les symptômes ?
Les symptômes du brown-out ne sont pas forcément visibles par l’extérieur puisque, quand on en souffre, on demeure néanmoins fonctionnel. Soumis à un management pas forcément impliqué ou peu désireux de se pencher sur le ressenti des équipes, on ne sera donc pas nécessairement sauvé par un tiers (boss, collaborateur…), et l’on pourra dès lors sombrer faute d’avoir été entendu. Du désengagement à l’épuisement, voire à la dépression dans certains cas, il n’y a parfois qu’un pas. Il convient donc de surveiller de près ses propres signes de glissement vers cette fameuse « démission mentale » où le manque d’intérêt rend finalement malade. Pour François Baumann, « faire marche arrière devient, si l’on n’y prend pas garde, très difficile voire impossible à effectuer. Il faut saisir le bon moment. Celui où on est encore conscient de la vague d’ennui qui nous submerge lentement et où une réaction positive est encore possible. »
En 2015, le Telegraph a tenté de lister ces fameux signaux de détresse professionnelle en évoquant :
- une lassitude extrême
- un absentéisme plus fréquent (alors qu’on était toujours sur le pied de guerre, on s’octroie beaucoup plus volontiers des journées de pause parce qu’on se sent las, ou mal physiquement)
- un désintérêt total pour les nouvelles idées. On n’est plus proactif, on ne cherche (surtout) pas à prendre la parole en réunion ni à proposer quelconque changement.
- le sentiment d’un manque de reconnaissance global.
- une perte du sens de l’humour, voire des comportements passifs agressifs.
- une vie personnelle peu à peu impactée par ce désengagement professionnel, un manque d’entrain à l’idée de s’amuser en famille, de communiquer avec son conjoint, au profit de longues heures passées devant les écrans à peine le pas de la porte passée.
Quelles solutions ?
Lorsque notre brown-out est bel et bien le fait d’une mission apparue au fil du temps comme floue, mal définie, une ambiance d’équipe et une relation managériale dégradées, il convient de mettre en place des solutions. Parfois, le simple fait de demander à rencontrer le top management afin que celui-ci explique de façon claire la stratégie d’entreprise, et intègre les équipes au projet collectif, peut suffire à redonner de l’intérêt à des salariés vannés. À échelle plus réduite, les N+1 doivent réfléchir à des événements de team building, afin de redonner au groupe ce sentiment d’appartenance qui donnera à chacun l’envie de porter l’équipe vers un succès collectif, comme dans le sport.
En revanche, si l’on se rend compte que notre désengagement est le fait d’un sentiment bien plus profond et irrémédiable, il conviendra alors de se poser les bonnes questions afin d’envisager une réorientation, devenant alors la seule solution à notre guérison.
François Baumann propose quelques pistes d’auto-évaluation qui peuvent constituer le socle d’une réflexion plus large sur son avenir professionnel :
- Qu’est-ce que j’aime faire ?
- Qu’est-ce que je peux faire ?
- Qu’est-ce que je sais faire ?
- Quel type d’activité garde encore un sens pour moi?
À titre d’exemple :
- Animer des réunions ? Ai-je encore du goût pour ce type d’activité ?
- Suis-je toujours compétent pour résoudre les problèmes techniques que me pose mon travail ?
- Suis-je toujours attiré par les négociations ?
- Le contact avec les autres a-t-il toujours un sens pour moi ?
- Ai-je encore de réelles aptitudes pour transmettre un savoir, pour faire de l’enseignement ?
De ces réflexions menées seul ou à l’aide d’un professionnel (coach, bilan de compétence…) peut souvent émerger la solution. On voit aujourd’hui énormément de salariés de tous domaines (et souvent les plus éloignés) attirés par les métiers de l’artisanat. L’issue peut varier d’un simple recalage à un changement de poste jusqu’à une totale reconversion professionnelle souvent salvatrice. Aujourd’hui, il est rare de rester au même poste toute sa carrière, et c’est tat mieux.
« Il est important de replacer le travail à sa juste place dans notre vie, sans lui donner plus d’importance qu’il n’en a, et sans minimiser non plus son rôle centralisateur et considérable », souligne à juste titre François Baumann. Le brown-out est un signal d’alarme qu’il faut écouter car bien souvent, il est le premier pas pour un nouveau départ, professionnel mais aussi personnel.
* « Brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens », François Baumann, Josette Lyon, 2018.
** Corporate Balance Concepts, 2013.
5 effets du stress sur la peau
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