La bonne question. – Peut-on passer entre les mailles du filet et éviter la prise de poids post arrêt du tabac ? Décryptage.

Vous venez peut-être d’arrêter de fumer et vous ne seriez d’ailleurs pas la seule. Mardi 26 mai, le baromètre annuel de Santé publique France note une baisse du tabagisme d’une ampleur inédite en France depuis les années 2000. Le phénomène est surtout significatif chez les femmes entre 2018 et 2019, avec une diminution de 28,9 % à 26,5 % du nombre des fumeuses (au quotidien ou occasionnelles). Si vous n’en n’êtes pas encore là, peut-être y songez-vous de plus en plus sérieusement. En plus du manque, vous craignez certainement de subir la tant redoutée prise de poids post arrêt du tabac. Et pour cause. D’après son expérience, la diététicienne tabacologue Anahita Mohtadji estime qu’elle est «la première cause de rechute, chez les femmes qui arrêtent de fumer». Mais est-elle réellement tapie dans l’ombre ? Peut-on y échapper ? Avant de vous nourrir exclusivement de pommes Golden pour vous en prémunir, quelques explications s’imposent.

En vidéo, les erreurs à éviter lorsque l’on arrête de fumer

Une prise de poids pas systématique… mais très courante

Première information à retenir : il n’y a aucune fatalité. Selon les spécialistes, la prise de poids n’est pas systématique, «un tiers des fumeurs ne prend en effet pas de poids et 5 % […] vont même perdre un peu», peut-on lire sur le site tabac-info-service.fr. Heureusement nous direz-vous. La démarche de l’arrêt est assez difficile en soi, s’il faut en plus garder un œil sur la balance, le dénivelé de la randonnée commence sérieusement à augmenter.

Si l’histoire n’est pas courue d’avance, gardez tout de même bien en tête que certains facteurs favorisent les kilos supplémentaires lors du sevrage. Dans une étude franco-britannique publiée en 2012 dans la revue scientifique British Medical Journal, et menée notamment par le professeur de psychiatrie et d’addictologie Henri-Jean Aubin, dans 80 % des cas, la prise de poids post arrêt du tabac est en moyenne de 4 à 5 kilos. Dans un cas sur dix, elle peut être de 10 kilos et plus. Toujours d’après l’étude, les personnes les plus à risques sont celles qui consomment plus de 15 cigarettes par jour et qui ont une activité physique réduite, les femmes en sous-poids ou en restriction alimentaire.

La faute à la nicotine

Pour comprendre pourquoi tout futur ex-fumeur s’expose au phénomène, il faut bien saisir la façon dont le tabac agit sur le corps et surtout, la place qu’a pris la nicotine. D’abord, «cette dernière a tendance à augmenter le métabolisme de base, autrement dit, un fumeur dépense plus de calories qu’un non-fumeur», indique David Youssi, tabacologue. La suite est simple : quand la nicotine disparaît de l’organisme, le fumeur dépense moins de calories. S’il ne change rien à son alimentation et à son activité physique, il prend du poids.

Ensuite, la nicotine agit dans notre cerveau, plus particulièrement sur certains neuromédiateurs : «Elle stimule la dopamine (l’hormone du plaisir, de la motivation), la noradréline (l’hormone de la concentration, de la mémoire), et enfin la sérotonine (l’hormone de la sérénité), explique Laurence Benedetti, médecin nutritionniste et tabacologue. Quand on arrête de fumer, la stimulation de la dopamine diminue et entraîne une fatigue qui nous donnera envie de manger. Quand celle de la sérotonine diminue, on sera irritable et plus enclin à pencher pour les sucreries.»

Au quotidien, le fumeur ne s’en rend probablement plus compte, mais la cigarette est un véritable coupe-faim. «Au lieu de grignoter à 11 heures, certains fument, par exemple. En arrêtant le tabac certains pourront avoir plus de difficultés à arrêter leur repas, ce qui pourra entraîner une prise de poids», ajoute la diététicienne tabacologue Anahita Mohtadji.

La redécouverte du goût

Pour trouver les autres fautifs, il faut se pencher sur les conséquences de l’arrêt du tabac. Par exemple, la cigarette ruine lentement mais sûrement nos papilles gustatives. Bonne nouvelle, le goût revient en quelques jours une fois la rupture consommée. Mais méfiance : «Comme on a plus d’appétence à manger, on peut aussi avoir tendance à forcer sur la nourriture», rappelle le tabacologue David Youssi. Sans oublier que la cigarette est une béquille, un rituel, un automatisme pour les fumeurs. «C’est tout un rythme journalier qui est imposé par le tabac. Le fait d’arrêter est déstabilisant. La gestuelle ne se faisant plus, on peut être tenté de s’occuper en grignotant», ajoute le professionnel.

Les astuces pour limiter la casse

Sans surprise, sur l’autel de la prise de poids post arrêt du tabac, hommes et femmes ne sont pas égaux. Notre masse musculaire étant moins importante, nous dépensons de base moins de calories que nos compères. Le tribut payé sera plus lourd. Ensuite, tout dépendra du nombre de cigarettes fumées. Plus petit est le nombre, moins grand est le risque de grossir.

Ceci étant dit, les spécialistes s’accordent à dire qu’il est possible de s’en protéger. Selon David Youssi, la préparation de l’arrêt et l’accompagnement sont déterminants. À noter également qu’un sous-dosage en nicotine est souvent responsable de la prise de poids. La diététicienne tabacologue Anahita Mohtadji souligne quant à elle l’importance «de vraiment s’observer et d’observer ses sensations alimentaires. Vérifiez si votre faim augmente, si vous avez des difficultés à vous arrêter de manger, ou si vous grignotez. Durant les repas, prenez du temps et mangez en pleine conscience. Pensez aussi à porter plus d’attention aux plaisirs de la vie. Si fumer en était un, il faut le trouver ailleurs.»

Bien sûr, l’activité physique est indispensable. Pour les non-sportifs, inutile de s’astreindre à une rigueur sportive et de s’ajouter une difficulté supplémentaire. Le principal est de bouger le plus possible, de marcher, d’aller au travail à vélo…

Le podcast à écouter

En termes d’alimentation, veillez à faire trois repas par jour pour éviter les grignotages. Choisissez vos aliments avec soin et misez sur leur qualité nutritionnelle pour rassasier votre corps : «Évitez le plus possible les sucres rafinés, préférez les féculents complets pour bénéficier de leurs fibres. Ne passez aucun repas sans légume et pas un jour sans fruit», indique le Dr Laurence Benedetti. La professionnelle recommande également de boire beaucoup d’eau et de les préférer riches en magnésium, ce dernier régule l’humeur.

Enfin, adaptez votre alimentation à votre rythme biologique. La médecin nutritionniste conclut : «La dopamine (l’hormone du plaisir) diminue en fin de matinée, c’est pour cette raison que l’on a envie de grignoter. Pour lutter contre, optez pour des protéines au petit déjeuner. En fin d’après-midi, la sérotonine (l’hormone de la sérénité) diminue, préparez-vous une collation composée d’un laitage et d’un fruit frais.»

* Initialement publié en novembre 2018, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

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