Si le dicton dit que que l’habit ne fait pas le moine, la bande d’Uchronia prouve qu’il en est autrement de la décoration. Une fois la porte des nouveaux bureaux de la joyeuse troupe passée, il paraît évident que nous sommes bel et bien en présence de ce collectif pluridisciplinaire qui multiplie les projets haut en couleur dans la capitale (restaurants, boutiques, appartements privés…) et pratique avec aisance le pas de côté dans un univers souvent saturée de sages tendances.
Il était une fois Château Uchronia
Situé sur les hauteurs de Montmartre, le nouveau terrain de jeu d’Uchronia est à l’image de sa réputation taillée en un temps record : foisonnante, expérimentale, colorée et collaborative. Baptisé Château Uchronia, pour son agencement en tour sur 5 petits étages aux multiples pièces, le lieu prend des airs de mini village au fil de sa découverte. Entre ces quatre murs, la dizaine de membres de l’équipe apporte son savoir-faire, sa vision, son rôle à jouer pour donner forme à cette esthétique de l’uchronie chère à Julien Sebban, l’initiateur de cette aventure. « Ici, on vient tous de formations et milieux assez différents. L’idée de collectif comme celle de pluridisciplinarité ouvrent des portes, déjà à nos clients mais aussi aux personnes qui vont avoir envie de travailler au sein de l’agence, explique t-il avec entrain. L’idée c’est d’abattre les barrières« .
Sur le papier, Uchronia est née en 2019 lorsque le trentenaire de retour à Paris après avoir voyagé aux quatre coins du globe fonde l’agence éponyme et rassemble plusieurs talents dans son sillon. Dans les faits, Uchronia remonte à sa vie estudiantine. Après quelques années passées sur les bancs de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris, sous la houlette de l’architecte Odile Decq, lasse d’un enseignement hexagonal restrictif, il enchaîne trois ans à l’Architectural Association School of Architecture de Londres et goûte à la liberté d’expression propre au système anglosaxon. « Cette école m’a tout appris » confesse Julien Sebban en ajoutant « être plus en en phase avec l’état d’esprit anglo-saxon ».
L’idée de collectif comme celle de pluridisciplinarité ouvrent des portes (…) L’idée c’est d’abattre les barrières.
Uchronia, une bande à part experte en espaces singuliers
Savoir ce qui lui convient ou non, prendre la tangente généralement loin des sentiers battus dès que l’aventure n’est pas à la hauteur de ses ambitions, devient très vite sa manière de concevoir ce métier qu’il perçoit comme sans frontières. Ses années d’études de Londres à Sydney lui permettent de peaufiner sa thèse, pour ne pas dire son obsession, devenue support créatif et philosophie esthétique : l’uchronie. Quand on l’interroge sur ce néologisme, il le qualifie en priorité « d’état d’esprit », « d’une utopie naissante dans l’espace », « un espace éphémère à l’architecture mouvante ». A l’image de ces bureaux investis il y a peu où lui et ses compagnons de travail accueillent futurs clients comme visiteurs curieux : des espaces mouvants pour ne pas dire émouvants tant la physionomie des lieux retranscrit l’esthétique fantasque et fantastique de ses locataires. Des pièces riches en couleurs vives et matériaux, amassant foule d’objets cultes (ou pas) et meubles récupérés de différents projets. Un joyeux fourre-tout où la scénographie semble avoir été façonnée pour être support à l’échange, pour toucher au passage le moindre matériau qui vous tombe sous la main : un plastique recyclé pour une future table basse, un miroir de stuc de marbre… « Ici c’est un peu le bordel » admet le créateur peu enclin à garder les pièces qu’il déniche expliquant tout sourire « qu’il faut que ça circule ».
Forest, le restaurant-refuge du Musée d’Art Moderne de Paris signé Uchronia
Du genre partageur, passeur de savoirs et désireux de changer l’image d’une profession où l’architecte est tout puissant, Julien Sebban bouscule les codes d’une discipline qu’il veut à tout prix ouverte à tous les savoirs, dénuée du poids absolu du bon goût. Son langage protéiforme et toujours festif dans ses formes et nuances sélectionnées, il l’expérimente à vitesse éclair avec des projets variés et toujours remarqués pour leur capacité à écrire des espaces hors temps et forcément à contre-temps des tendances. Créée en 2019, son agence fait sensation coup sur coup avec le restaurant-rooftop écoresponsable Créatures sur le toit des Galeries Lafayette avec l’ami et chef Julien Sebbag, puis avec Forest, un restaurant-refuge aux accents brutalistes au coeur du Musée d’Art Moderne de Paris. En mars dernier, c’est la sphère déco toute entière qui s’emballe pour le Café Uchronia, structure éphémère composée spécialement pour le Salon Maison&Objet. Un espace haut en couleurs et en ondulations, réinterprétation chimérique du mythe de la terrasse parisienne.
Un collectif sur la vague d’un design durable
Innovants et avant-gardistes, qu’il s’agisse de conception d’appartements privés ou de boutiques et restaurants dédiés au grand public, les lieux composés par le collectif ont comme unique point commun de ne ressembler à aucun autre, de paraître étrangement échappés d’un rêve psychédélique tout en ayant incroyablement les pieds sur terre. Car derrière la vision d’espaces à la physionomie toujours stupéfiante s’esquisse en arrière plan une véritable conscience éthique qui n’est aucunement une tocade propre à l’instant nécessairement écoresponsable. Julien Sebban a toujours tenu à prendre en compte la dimension durable de son travail d’architecte et designer. Une notion apprise au contact des créatifs londonniens, plus en avance que les français avec cette culture. « J’aime spécifier avec qui on travaille, mettre en avant le savoir-faire des artisans sélectionnés, confie t-il. Il faut que les gens aient conscience que l’on a un savoir-faire de dingue à Paris notamment ».
Uchronia Wave, la première collection autoéditée du collectif
Uchronia Wave, la première collection autoéditée du collectif, en est un parfait exemple. Hommage aux savoir-faire français, cette série de tables basses et fauteuils en stuc marbre, raku et résine propose un nouveau récit du travail de la main. Le créateur y explore son leitmotiv favori celui de la vague et de sa force figurative à se mouvoir et émouvoir dans l’espace. « Je suis obsédé par la vague, j’adore les formes courbées, c’est chaleureux, apaisant, tandis que les formes angulaires sont stressantes à mes yeux. La vague correspond à l’ambiance que j’ai envie d’avoir chez moi » se justifie t-il. Ces pièces tout en courbes « cartonnent » oute-Atlantique explique le trentenaire tout sourire. « Le succès des tables « Cookie » et « Peanut » notamment sur les réseaux sociaux a été une vraie surprise, un challenge amusant à gérer avec nos artisans » raconte t-il encore étonné de la capacité d’Instagram à promouvoir un certain design, lui le lecteur accumulateur de magazines graphiques comme la revue américaine des années 90 Nest. Une publication considérée comme à part dans la galaxie de la presse spécialisée liée au design et à l’architecture, on y retrouvait aussi bien du graphic design que des reportages d’intérieur complètement insolites. « Je m’inspire beaucoup de ce type de références que l’on ne trouve plus nulle part ailleurs aujourd’hui, notamment pour un prochain projet hôtelier dans le XVII ème ».
Une esthétique comme nulle part ailleurs, voilà qui résume bien l’esprit créatif de cette bande à part qui est partout en cette rentrée ponctuée de rendez-vous aux charmes pluridisciplinaires. A l’Orfèvrerie Lappara, durant la Paris Design Week, l’équipe a dévoilé son envoûtante expo Stolen Objects from the Sea. Alors que la sphère design s’emballe pour les NFT, Uchronia a souhaité plus que jamais mettre la réalité sur le devant de la scène avec une scénographie où les nouvelles pièces exposées évoquent à la fois protection des fonds marins, travail de la main made in France et développement durable. Prochainement Uchronia présentera son très attendu travail pour deux boutiques Sonia Rykiel, une marque dans laquelle Julien Sebban retrouve des valeurs qui lui sont chères. Une aventure à suivre de près…
L’expo Stolen Objects from the Sea à l’Orfèvrerie Lappara durant la Paris Design Week
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