• Ni femme fontaine, ni incontinente
  • Retenir sa jouissance par crainte du jugement
  • Toutes les femmes éjaculent, si on appuie au bon endroit

Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : l’éjaculation féminine n’a rien à voir avec les femmes fontaines. Elle existe bien, et a pour origine les glandes para-urétrales, appelées les glandes de Skene, jumelles de la prostate masculine.

La différence majeure ? « Ces glandes pèsent entre 2 et 5 grammes, alors que la prostate chez l’homme pèse 25 à 30 grammes », explique Samuel Salama, gynécologue obstétricien et sexologue.

C’est cette différence qui expliquerait le décalage entre la quantité de sperme sécrétée par l’homme (3 à 5 ml) et celle émis par les glandes de Skene (moins d’un ml) lors d’une éjaculation. « Il s’agit d’un liquide blanchâtre qui contient comme chez l’homme de l’antigène prostatique spécifique, du zinc et des phosphates. On a donc bien une éjaculation féminine, mais qui en condition non-expérimentale est quasiment invisible », explicite Samuel Samala.

Beaucoup plus visibles et un peu plus connues, les émissions fontaines peuvent représenter jusqu’à 300 ml. « Dans la littérature des années 90, tout a été mélangé, on parlait d’éjaculation féminine, de squirting, de femme fontaine. Ce terme français a été inventé en 1984 par Frédérique Gruyer dans son livre Ce paradis trop violent (Ed. Robert Laffont), où elle parle de l’orgasme et des femmes fontaines. Il y a très peu d’études sur l’éjaculation féminine, c’est une petite subtilité. Ce qui est connu et vécu, ce sont les femmes fontaines », confirme Samuel Samala.

Ni femme fontaine, ni incontinente

 Ainsi, dans l’imaginaire collectif, l’éjaculation féminine désigne généralement le phénomène de fontaine, ou à défaut une perte d’urine. « J’ai remarqué que je faisais fontaine en me masturbant, et je me suis dit que c’était horrible, que j’étais incontinente ! Je peux vraiment faire une flaque, et c’est la même sensation que quand tu urines après t’être retenue. Je pensais donc que je me faisais pipi dessus à chaque fois que je jouissais », se souvient Lise, 30 ans.

Pour Samuel Samala, le phénomène « n’est absolument pas lié à de l’incontinence urinaire ou per-coïtale« , mais les émissions viennent bien de la vessie. « Elles contiennent de l’urée, de la créatinine, et de l’acide urique, exactement comme l’urine », explique-t-il.

Depuis qu’elle a compris ce mécanisme, Lise tente de se vider la vessie avant ses rapports sexuels. « Parfois, quand les sécrétions sont importantes, ça sent l’urine et j’ai donc commencé à être psychorigide. Ça me dégoute un peu. Avec un partenaire c’est toujours beaucoup moins important que lorsque je suis seule, mais même en me vidant la vessie, je peux faire fontaine », témoigne-t-elle.

Retenir sa jouissance par crainte du jugement

Lise est ce que l’on nomme une femme fontaine autonome, c’est-à-dire qu’elle peut faire fontaine avec n’importe quelle stimulation. Pénétration vaginale ou anale, stimulation du clitoris, ou des tétons : les sensations sont intégrées au niveau du cerveau, qui va ensuite permettre la libération des émissions.

« Dans le cortex orbito-frontal, il y a la zone du ‘Qu’en dira-t-on’, de la pleine conscience. Si une femme se pose trop de questions, il ne se passera rien. Pour atteindre l’orgasme, il faut laisser monter toutes ces sensations et débrancher cette zone. C’est le lâcher prise », décrypte Samuel Samala.

Et si elle affirme « ne pas être gênée » face à de nouveaux partenaires, Lise se souvient tout de même de rapports au cours desquels elle a « senti [son] plaisir stagner à un point de frustration qui [l’]empêche de [se] lâcher, et donc de jouir ».

« Pas parce que je me dis que c’est dégueu, mais bon… l’autre jour, j’étais très proche pendant un cunnilingus, mais je n’ai pas réussi. Je me dis que si j’arrivais à me laisser aller dans ces moments-là, peut-être que l’orgasme serait incroyable », s’interroge-t-elle.

C’est certainement la zone du contrôle sociétal de la miction de son cerveau qui lui aura joué des tours. « Depuis qu’elles sont petites, on apprend aux femmes qu’elles ne peuvent pas uriner n’importe où, qu’il faut absolument trouver un endroit propre, discret, et décent. Mais certaines femmes parviennent à désactiver ce contrôle de la miction. On se retrouve alors avec une contraction des muscles détrusor (couche de muscle de la paroi de la vessie, ndlr), de la vessie, qui entraîne une expulsion en jet long et puissant », explique ainsi Samuel Samala.

Toutes les femmes éjaculent, si on appuie au bon endroit

Si le gynécologue affirme que « toutes les femmes sont fontaines », c’est parce qu’il suffirait « d’appuyer au bon endroit » pour déclencher ces émissions. On parle alors de femmes fontaines dépendantes, car une stimulation sur la paroi antérieure du vagin est nécessaire. Au niveau du point G : « le confluent de plusieurs organes : le clitoris, l’urètre, la prostate et le vagin. C’est, en fait, le complexe clitorido-urètro-prostato-vaginal », précise le Dr. Samala.

Si ce point névralgique procure beaucoup de plaisir, il « joue aussi sur le sphincter inférieur de la vessie, ce qui entraîne mécaniquement des écoulements ». « Il n’y a pas de particularité anatomique, mais juste le fait d’appuyer au bon endroit. L’orgasme arrive, ou pas, parce qu’il y a du lâcher prise, du plaisir voluptueux et différent de la stimulation clitoridienne externe ou de la pénétration vaginale avec les mouvements d’entrée et de sortie », résume-t-il.

Toutes les femmes peuvent donc faire fontaine en trouvant la bonne manière de se toucher, mais y parvenir n’est pas une fin en soi.

« On peut avoir une vie sexuelle parfaitement épanouissante sans être femme fontaine. Ce n’est pas le Graal ! Il n’y a pas de normalité en matière de sexualité. L’essentiel est d’être bien et de ne pas courir constamment dans la surenchère », conclut-il.

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