Ce lundi 12 septembre, le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, invité de France Info, a affirmé que l’éducation à la sexualité est l’une des priorités de son cabinet pour cette année, tout en faisant le point sur les rumeurs de cours sur les théories du genre.

  • Loi de 2001
  • Comment l'enseigner ?
  • Contenu des cours
  • Pourquoi si peu d'heures en France ?
  • Dans les autres pays

[Mise à jour du 13 septembre à 13h06] L'éducation sexuelle à l'école fait partie des dossiers prioritaires et hautement sensibles du ministère de l'Éducation nationale pour la rentrée. Alors que le président du parti Reconquête, Eric Zemmour, a dénoncé dimanche, que des cours sur les théories de genre allaient bientôt être dispensés dans les écoles, le ministre Pap Ndiaye a affirmé lundi 12 septembre au micro de France Info que "l'éducation sexuelle n'a rien à voir avec la théorie du genre". Il n'y aura finalement pas de cours sur le genre dans les programmes scolaires, contrairement à ce que prévoyait le ministère dans sa circulaire de rentrée. "Ce que nous allons promouvoir, et il s'agit de respecter la loi, c'est l'éducation à la sexualité", a déclaré dernièrement Pap Ndiaye. Et pour cause, aujourd'hui en France, la loi de 2001 relatif à l'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées, est mal appliquée. "Un rapport de l'inspection générale montre qu'il y a de grandes variations selon les écoles, les classes, les territoires. Nous devons donc améliorer cette situation pour des objectifs de santé publique, faire reculer les grossesses précoces ou lutter contre les maladies sexuellement transmissibles ; et des objectifs plus généraux qui sont liés aux discriminations, à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la lutte contre les LGBTphobie, à une meilleure égalité entre filles et garçons", a expliqué le ministre à nos confrères. 
Dans le détail, selon un rapport du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes publié en 2016, 11,3 % des lycées parmi les 695 interrogés déclarent n'avoir mis en place aucune action ou séance en matière d'éducation à la sexualité au cours de l'année scolaire 2014-2015. Un chiffre qui passe à 4 % dans les collèges et à 25 % dans les écoles élémentaires. Une autre enquête datant de 2022 menée par l'association Nous Toutes avait également mis en exergue cette réalité. D'après leurs données récoltées auprès de 10 938 personnes, "les répondant·e·s ayant suivi au moins 7 années de collège et lycée ont reçu en moyenne 2,7 séances d'éducation à la sexualité pendant toute leur scolarité", au lieu des 21 obligatoires. 

Education sexuelle à l'école : que dit la loi de 2001 ? 

Trois séances par an. Voici ce que prévoit la loi de 2001 (confirmée par la circulaire du 17 février 2003) à propos de l'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées. "Par groupes d'âge homogène, ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines", souligne l'article L312-16 de la loi. 

Dans la réalité, cela fait peu d'heures pour informer les enfants et les ados sur les rapports amoureux, la "première fois", la masturbation, les différentes méthodes contraceptives, la mise en place d'un préservatif, les risques de contracter une IST ou encore les problématiques du sexisme. D'autant plus, "qu'aujourd'hui, cette loi n'est pas appliquée partout alors que l'information à la sexualité semble indispensable", s'étonnait Israël Nisand, ancien président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). lors d'une conférence sur La protection des enfants et adolescents contre la pornographie en juin 2018. 

Que prévoit aujourd'hui le gouvernement ?

Afin de freiner ces disparités et de rendre accessible l'éducation sexuelle à tous, le ministère de Pap Ndiaye prévoit pour l'heure des "fiches pratiques", rédigées en collaboration avec des experts, et destinées aux professeurs pour leur donner des clefs d'enseignement de cette matière. "Nous constatons que si ces cours sont mal appliqués, c'est parce que les enseignants ne sont pas suffisamment informés, ne sont pas à l'aise et n'ont pas à leur destination les bons supports pour les aider. Le ministre souhaite armer les professeurs pour qu'ils puissent promouvoir l'égalité filles/garçons", a indiqué le ministère. Le gouvernement compte aussi sur les différentes ressources mises à disposition pour informer et aider les professeurs à trouver la pédagogie adéquate. C'est le cas notamment du portail Education à la sexualité disponible sur le site Éduscol. 

Education sexuelle à l'école : qu'apprend-on vraiment pendant ces cours ?

Les cours d'éducation sexuelle sont prévus dès la primaire afin de contribuer "à l'apprentissage d'un comportement responsable, dans le respect de soi et des autres", précise le site de l'Education nationale. Mais finalement, on y apprend quoi ? À savoir qu'actuellement il n'existe pas de programme à proprement parler. "L'éducation à la sexualité ne constitue pas une nouvelle discipline : elle se développe à travers tous les enseignements, notamment les sciences de la vie et de la Terre, l'enseignement moral et civique, l'histoire-géographie, le français, et dans le cadre de la vie scolaire", détaille le site du ministère. En pratique, "les temps consacrés à l'éducation à la sexualité incombent au professeur des écoles. Ces temps sont adaptés aux opportunités fournies par la vie de la classe ou de l'école." Ces cours, distillés tout au long de l'année scolaire, se déroulent en général sous la forme de débats et sont orchestrés par les questions des élèves auxquelles les enseignants doivent répondre de manière adaptée à leur maturité. En effet, "les jeunes enfants se posent énormément de questions, même si le concept de la sexualité reste flou", assure le psychologue Samuel Comblez dans son livre La sexualité de vos ados : en parler, ce n'est pas si compliqué (Editions Solar). Les questions du respect de l'autre, de la perception de son corps, du lien à l'autre, de la tendresse, du partage ou encore, des limites (savoir dire non…) sont abordées. Dans ces cours, on y parle des différences entre les filles et les garçons, du fonctionnement de son corps, de ce qu'on appelle l'amour ou de ce qui est permis ou pas… Il ne s'agit donc pas vraiment d'éducation à la sexualité, mais des temps de parole qui invitent les écoliers à dialoguer, échanger et poser des questions sur leurs doutes. 

À partir du collège jusqu'au lycée, il s'agit plutôt d'une mise en pratique des notions que l'ado a intégrées plus tôt. Les intervenants (à savoir que ces séances sont organisées par une équipe de personnes volontaires et formées comme les professeurs, les conseillers principaux d'éducation ou les infirmières…) doivent apporter aux élèves des informations objectives, des connaissances scientifiques, favoriser les comportements responsables (prévention, protection de soi et des autres…) et répondre aux questions de santé publique, notamment celles sur les IST, sur l'accès à la contraception ou sur les relations entre hommes et femmes, le désir, le sexisme, l'homophobie, les différentes orientations sexuelles, l'IVG, la pornographie ou encore les violences sexuelles (voir les différentes thématiques ci-dessous). C'est aussi l'occasion de développer l'esprit critique et de faire connaître les ressources d'informations, d'aide et de soutien dans l'établissement et à l'extérieur (planning familial, centre de dépistage…). La durée des séances et la taille des groupes sont adaptées à chaque niveau de scolarité.

Pourquoi si peu d'heures consacrées à l'éducation sexuelle en France ?

Pourtant obligatoire, l'éducation à la sexualité est loin d'être une priorité dans les programmes scolaires.

L'éducation sexuelle se résume aujourd'hui à quelques heures dispensées dans l'année, quand elle ne se cantonne pas au chapitre sur la reproduction du cours de sciences naturelles. Cela reste trop peu. Pourquoi ? Les séances d'éducation sexuelle ne sont devenues obligatoires qu'après la réforme de 1998, mise en place Ségolène Royal, ministre de la famille de l'époque. Si certains enseignants ont été formés à cette occasion, tous n'ont pas été préparés à donner des cours d'éducation à la sexualité. Que ce soit par manque de temps ou par déficit de connaissances, ces cours sont, depuis, loin d'être une priorité dans l'enseignement. Et course aux programme oblige, les professeurs ne sont pas toujours prêts à "sacrifier" des heures de cours pour traiter les questions liées à la vie affective et sexuelle ! Par ailleurs, tant que l'éducation à la sexualité ne sera pas reconnue comme une matière à part entière, mais abordée la plupart du temps en surface à travers tous les enseignements (approche actuellement centrée sur la biologie et sur la reproduction notamment en SVT, ou dans l'apprentissage de la citoyenneté en enseignement moral et civique, voire en histoire-géo), elle restera négligée. Et beaucoup d'enfants et d'adolescents continueront de retenir de la sexualité que les aspects biologiques, sanitaires ou pathologiques (lutte contre les MST ou le VIH, la contraception…). 

Comment ça se passe dans les autres pays ?

La France est-elle en retard par rapport aux autres pays ? Comment enseigne-t-on l'éducation sexuelle aux enfants chez nos voisins ?

  • La Belgique aborde la vie sentimentale et sexuelle dès la fin de la primaire lors des ateliers "d'Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle" (EVRAS). En effet, depuis la loi mise en place par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2012, tous les établissements scolaires sont dans l'obligation d'intégrer dans leurs programmes plusieurs animations sur le thème des sentiments, des désirs, des changements physiques, de la virginité, de l'identité de genre ou encore de la pornographie. La contraception est quant à elle abordée à partir de 14 ans. 
  • Au Royaume-Uni, toutes les écoles dispensent des cours d'éducation sexuelle aux enfant à partir de 4 ans. Ces cours sont bien entendus adaptés à leur jeune âge. Jusqu'à la fin de l'école primaire, on y aborde la construction de relations sociales saines. Puis au collège, l'accent est davantage mis sur les relations amoureuses, les questions liées à la vie intime, l'utilisation de son image sur le web, le consentement sexuel…
  • En Suède, l'éducation sexuelle est obligatoire depuis 1955 ! Dès l'âge de 7 ans, les élèves peuvent poser des questions aussi bien sur la prévention, que sur la lutte contre les stéréotypes et les discriminations ou sur le plaisir sexuel. La méthode suédoise combine des cours magistraux, des débats, des visionnages de films, des exercices de discussion et des travaux en groupe. La Direction nationale de l'enseignement scolaire (Skolverket) a d'ailleurs mis à disposition des enseignants, du matériel de référence agrée par l'Etat pour l'éducation sexuelle : L'Atlas sexuel des écoles, le Lilla Snoppboken ("le livre du zizi") ou le dessin-animé éducatif intitulé "Sexe à la Carte". 
  • Dernier exemple : la Suisse a un programme d'éducation sexuelle très précis. Dès la 4e année de primaire (vers 7-8 ans), les écoliers assistent à plusieurs séances d'éducation à la sexualité (les parents sont d'ailleurs invités à la première pour qu'ils comprennent ce qui va être abordé). Et à partir de 14 ans, ils reçoivent systématiquement quatre heures d'éducation sexuelle chaque année, puis deux heures supplémentaires peuvent être dispensés pour approfondir telle ou telle thématique. 

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