Certains estiment que bon nombre d’affections dermatologiques expriment un mal-être, un conflit intérieur ou des angoisses non exprimées. D’autres prétendent que la psyché n’a rien à voir : trouver la bonne crème suffit. Et si la vérité était entre les deux.
« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », « Quel sens donner à mes démangeaisons ? », « Je suis mal dans ma peau, donc forcément elle réagit » …
Dans les soirées entre amis et sur les forums internet, la tendance est à tout « psychologiser » afin de donner un sens aux dysfonctionnements de notre corps. Du mal de dos au mal de tête, en passant par le mal de ventre, chacun essaie de trouver une explication.
Et comme la peau reflète nos peurs et nos embarras – sous forme de pâleur ou de rougeurs -, les symptômes qu’elle affiche font l’objet d’interprétations. On les relie volontiers à des traumatismes de l’enfance ou à des évènements récents.
À l’inverse, la plupart des dermatologues négligent l’aspect psychosomatique. Pour eux, tout est strictement biologique et ne peut se traiter qu’à l’aide de médicaments. Pour le Pr Laurent Misery, chef du service dermatologie du CHU de Brest et auteur de Votre peau a des choses à vous dire (éd. Larousse), la réalité est plus nuancée : beaucoup de maladies de peau « ont des intrications psycho-dermatologiques ».
La peau communique avec le cerveau
« La peau et le cerveau sont liés anatomiquement et fonctionnellement. Ils ne cessent de communiquer et leurs interactions sont multiples », explique le Pr Misery.
Des informations sensorielles, détectées par des capteurs cutanés du toucher, sont transmises depuis la peau jusqu’au cerveau. Nos petites cellules grises donnent elles aussi des informations à la peau. Elles influencent son système de défense face aux agressions extérieures – son immunité -, ses capacités de réparation, sa production de sébum, etc…
La peau est donc malade quand le système nerveux est perturbé. En modulant la cicatrisation et l’inflammation, ce dernier « intervient donc dans de nombreuses maladies cutanées, surtout celles qui ont une part inflammatoire », souligne Laurent Misery.
Psy ou pas psy ?
Notre enveloppe corporelle est une cible privilégiée des perturbations biologiques induites par le stress. Un choc affectif peut ainsi générer une pelade par exemple. Et une montée d’adrénaline avant un examen ou un entretien d’embauche fait parfois fleurir un bouton de fièvre (herpès labial) sur le visage.
Mais le stress n’est pas pour autant la cause de ces maladies : il est un facteur aggravant ou déclencheur des poussées. Cela a été fort bien été démontré avec l’eczéma. Cette pathologie, qui apparaît en général vers l’âge de trois mois, a une origine génétique et environnementale. Mais ses signes cutanés sont exacerbés par le stress. Un stress même mineur peut générer une poussée dans les 24 heures.
Il en est de même pour le psoriasis, une maladie « due à des anomalies de l’immunité sur un terrain génétique particulier », soutient le Pr Misery. Le stress est un facteur révélateur à l’origine des poussées. S’il est permanent, il peut aggraver la pathologie ou entretenir sa chronicité.
Le prurit est parfois psychogène
Selon le Pr Misery, les démangeaisons résultent de maladies cutanées dans 90% des cas : gale, mycose, varicelle, psoriasis, etc… « Mais dans 10% des cas, il n’y a pas de problème de peau et pas de lésions cutanées à l’origine du prurit », affirme l’expert.
L’envie irrépressible de grattage peut alors résulter d’une accumulation de toxines, d’un déséquilibre endocrinien ou de l’effet secondaire indésirable d’un médicament. Il peut aussi révéler une carence en fer, une neuropathie (comme une sclérose en plaques), une maladie sanguine (Hodgkin par exemple).
Seuls quelques prurits proviennent strictement de troubles psychiques. On parle alors de prurit psychogène. « Ce diagnostic doit être posé après élimination de toute cause organique », estime le Pr Misery. Pas facile compte-tenu de la multiplicité des origines possibles.
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