Écrire un mail, faire une recherche Google ou charger son téléphone polluent. Mais comment faire autrement ? Quelques réflexes permettent d’alléger son empreinte carbone au quotidien… et de s’alléger tout court. Les conseils de la spécialiste Inès Leonarduzzi, CEO de Digital for the Planet.

Cliquer sur «nouveau message», taper quelques lignes sur son clavier, «envoyer»… L’action paraît si anodine qu’on en oublierait presque qu’elle nécessite de l’énergie. Sauf qu’environ 230 milliards de mails sont ainsi envoyés chaque jour dans le monde, et qu’un mail doté d’une pièce jointe d’un méga octet – assez lourde, donc – consomme autant d’énergie qu’une ampoule allumée pendant une heure. Ajoutez à cela les 4 milliards de recherches internet effectuées chaque jour, les 6 à 7 milliards de vidéos visionnées et les 7 millions de tweets postés quotidiennement, et voilà que l’on ponctionne les ressources de la planète sans même y penser.

«On se comporte avec le numérique comme avec le plastique il y a vingt ans, sans se poser de questions», alerte Inès Leonarduzzi, fondatrice de Digital for the planet. Cette ONG devenue une entreprise promeut des usages du numérique à impact carbone réduit. «Les navigations Internet quotidiennes mondiales consomment pourtant près de 4 millions de mégawatt-heure et produisent 3 millions de tonnes d’équivalent CO2 par jour, rappelle la jeune femme. Trouver une adresse de restaurant sur Google ou regarder une story sur Instagram tranquillement assis sur son canapé ne sont pas des actes neutres. «Dès que l’on produit une action sur internet, l’information circule à travers des câbles jusqu’à des serveurs logés dans des centres de stockage de données, explique Inès Leonarduzzi. Tout cela consomme énormément d’électricité mais aussi d’eau pour refroidir les serveurs. Il faut avoir cela en tête pour prendre conscience qu’un simple email a déjà un impact.» Comment réduire son empreinte carbone sans jeter son ordinateur à la poubelle ? En renonçant à quelques – mauvaises – habitudes.

1-Débranchez vos appareils…

… dès qu’ils sont chargés. Comme tout le monde, vous avez probablement l’habitude de laisser votre téléphone portable et votre ordinateur en charge toute la nuit, soit entre 6 et 8 heures chaque jour. «Sauf que le chargeur d’un téléphone ne cesse jamais de pomper de l’électricité, même lorsque la batterie est pleine, explique Inès Leonarduzzi. Cette énergie ne sert à rien, elle est tout bonnement perdue.» La seule solution est de débrancher votre chargeur dès que votre tablette, téléphone ou ordinateur portable est à 100%. Même chose pour votre box internet, généralement branchée 24h/24 : «ensemble, une box et un téléviseur consomment en moyenne 200 kilowattheure par an, soit autant que 7 ordinateurs portables utilisés 6 heures par jour pendant un an pour des journées de travail de 6 heures. En éteignant sa box le soir ou le matin, on économise entre 60 et 140 kilowattheure par an». C’est bon pour l’environnement, mais aussi pour vos factures.

2-Nettoyez votre boîte mail

Une publicité, des messages de spam, une newsletter que vous n’avez jamais ouverte et un collègue qui vous écrit «café dans 5 minutes ?» : votre boîte de réception déborde de mails inutiles. Un logiciel anti-spams et un tri efficace permettent d’y voir plus clair et de supprimer bon nombre de ces messages qui polluent la planète autant que l’esprit. Le site Cleanfox, spécialement conçu dans cette optique, vous aide à le faire en quelques clics.

3-Choisissez les bons outils

Même s’il règne en maître dans la plupart des organisations et des open spaces, le mail est rarement le meilleur moyen d’échanger entre collègues, surtout lorsqu’il s’agit de partager des documents. «Imaginons un rapport envoyé à tout un service, précise Inès Leonarduzzi. L’auteur du document en a une copie, qu’il met en pièce jointe d’un mail, et il l’envoie à 30 personnes. Cela fait déjà 31 copies d’un seul document. Chacun des destinataires reçoit le mail et télécharge la pièce jointe : on arrive à 61. Un outil collaboratif comme Slack permet au contraire de poster le document une seule fois. Même si 30 personnes le téléchargent ensuite, on a divisé le nombre de copies par deux.» Même s’ils ne sont pas imprimés sur du papier, les documents numériques polluent, au même titre que les autres déchets. Alors, au moment du déjeuner, écrire un mail à vos voisins de bureau pour proposer un déjeuner au restaurant n’est peut-être pas la meilleure option. Se parler, c’est bien aussi !

4-Limitez les pages visitées

S’ils manquent parfois de précision, des moteurs de recherche comme Ecosia ou Lilo allient navigation internet et protection de l’environnement. Le premier plante un arbre chaque fois que vous effectuez 45 recherches. Le second, lui, vous propose de distribuer des fonds à des projets sociaux ou écologiques. L’étape suivante vers une navigation verte est simple : moins votre activité en ligne génère de pages, mieux c’est. On recommande par exemple de taper l’adresse d’un site web dans la barre d’URL pour accéder directement au site, sans passer par la page de résultats Google. Ensuite, levez les yeux : combien d’onglets avez-vous ouvert ? Combien en avez-vous vraiment lu ? «Un onglet représente environ 5 grammes d’équivalent carbone, rappelle Inès Leonarduzzi. D’où l’intérêt de les fermer. En plus, les pages se rafraîchissent automatiquement et consomment ces 5 grammes à chaque fois.» Souvent négligés, les favoris sont pourtant précieux pour garder des pages internet sous le coude sans les laisser ouvertes pendant des heures.

5-Revenez au bon vieux disque dur

Jongler entre votre smartphone, votre tablette et vos deux ordinateurs et y retrouver tous vos documents, contacts, photos… L’idée contestable du confort moderne se fait parfois au détriment de la planète. «On a l’impression que les clouds sont immatériels, mais il s’agit bien de faire voyager des données, de générer du trafic, souligne Inès Leonarduzzi. Plus on stocke sur le cloud, plus on sollicite la bande passante qui a besoin d’énergie pour fonctionner.» Pour l’éviter, il faut accepter de revenir quelques années en arrière et d’enregistrer au maximum ses fichiers sur son ordinateur ou sur un disque dur externe. Pas toujours simple, mais déconnecter du travail en quittant le bureau ne peut pas non plus vous faire de mal.

6-Valorisez vos appareils

«Si on veut s’acheter un nouveau smartphone, essayons au moins de le faire durer le plus longtemps possible», encourage Inès Leonarduzzi. Outre les portables écologiques et éthiques de la marque Fairphone, des entreprises comme Recommerce ou Back Market commercialisent des téléphones reconditionnés. Ces portables utilisés, remis à neuf puis revendus permettent de limiter la production de déchets et de valoriser ces machines complexes, qui contiennent nombre de métaux rares. Certains consommateurs sont encore frileux, craignant de racheter un appareil en mauvais état. Mais la filière est précieuse quand on sait que peu de téléphones sont recyclés en France, d’après Inès Leonarduzzi : «seuls 1% des portables hors d’usage sont collectés et correctement recyclés, le reste est jeté, souligne-t-elle. Et c’est sans compter le nombre de téléphones qui dorment dans les tiroirs des Français.» Un gâchis quand on sait que 78% des téléphones récupérés par la filière agréée sont recyclés ou réutilisés, d’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Le problème se situe en amont, au moment de la collecte des appareils hors d’usage. Une bonne part d’entre eux est envoyée vers des pays émergents, en dépit du droit international. En 2017, 44,5 millions de tonnes de Déchets d’équipements électroniques et électriques (DEEE) en provenance du monde entier ont ainsi été envoyées au Ghana, dans une énorme décharge à ciel ouvert. L’économie circulaire et la valorisation des déchets sont encore loin. Raison de plus pour s’y mettre vite.

Source: Lire L’Article Complet