Après deux semaines d’audience et la convocation de 700 personnes, le jury du procès Harvey Weinstein se composera de sept hommes et cinq femmes. Une composition liée à la défense du producteur déchu.
Sept hommes et cinq femmes. Vendredi 17 janvier, c’est dans une atmosphère tendue que la composition du jury qui décidera du sort de Harvey Weinstein, accusé d’agression sexuelle et de viol, a été finalisée. À l’issue de deux semaines d’audience au tribunal de Manhattan, qui auront vu passer près de sept cents personnes convoquées, le juge d’État James Burke a validé les douze jurés, en charge de l’issue de ce procès ultramédiatisée et emblématique du mouvement #MeToo.
Le jury sera finalement constitué de sept hommes et cinq femmes : six hommes blancs et un noir, deux femmes noires, deux blanches et une hispanique. Pour autant, la sélection n’a pas été une mince affaire. À plusieurs reprises, la procureure Joan Illuzzi-Orbon s’est plainte au juge que la défense cherchait à «écarter systématiquement» les jeunes femmes blanches du jury, le profil de la plupart des victimes du producteur déchu. Pour les avocats de Harvey Weinstein, cette théorie ne tient pas la route. Si la défense a mis de côté certains profils et épuisé les vingt récusations péremptoires (sans justification obligatoire) qui lui étaient allouées, c’est bien parce qu’il s’agit de constituer le panel le plus impartial possible. La sélection «n’a franchement rien à voir avec la race ou le sexe», assure la redoutée Donna Rotunno, qui a accepté de défendre le puissant producteur hollywoodien aux 81 Oscars. Comme l’indique le New York Times, les procès se jouent bien souvent lors de la composition du jury. Dans ce contexte, les avocats des deux parties multiplient les manœuvres pour valider des jurés qu’ils pourraient davantage convaincre.
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Des manœuvres de la défense
Néanmoins, les avocats de l’ancien magnat d’Hollywood ont cherché tant bien que mal à disqualifier quiconque avait été victime d’agression sexuelle ou connaissait quelqu’un qui l’avait été. D’après Buzzfeed News, une femme a été exclue du jury pour l’image de couverture de son profil Facebook, photo de l’une des Marches des femmes organisées après l’élection de Donald Trump accompagnée de la légende «Si vous n’êtes pas révolté, c’est que vous ne prêtez pas assez attention». Une autre jurée potentielle a, de son côté, été écartée à cause d’un livre qu’elle a écrit sur les femmes au travail et de ses relations dans le monde du divertissement.
Selon Margaret Bull Kovera, professeur au «John Jay College» de l’université de New York, les manœuvres de la défense contre des jurées blanches sont logiques. Et pour cause, la grande majorité accusatrice de Harvey Weinstein sont des femmes blanches et appartiennent «à un certain statut social». «On pourrait penser que de telles femmes pourraient éprouver de la sympathie à l’égard des plaignantes», analyse l’universitaire dans les colonnes du New York Times.
« Elle a menti sous serment »
Après plusieurs jours de bras de fer, les douze jurés comprennent entre autres un travailleur social, un homme d’affaires de l’Upper East Side, un gardien de sécurité d’East Harlem, le directeur associé d’une société d’investissement, un cadre bancaire, un père marié de deux enfants, le cofondateur d’une start-up, un comptable fiscaliste, mais aussi un avocat dont la sœur est procureure fédérale à Chicago.
L’une des deux femmes blanches du jury est écrivaine. Sa sélection a déclenché une mini-polémique : la défense l’accuse notamment d’avoir omis de mentionner qu’elle allait publier, cet été, un roman qui évoque l’histoire de jeunes femmes cibles de prédateurs sexuels. Les avocats de la défense ont réclamé qu’elle ne soit pas sélectionnée au motif qu’elle n’avait pas révélé les détails de son livre dans son questionnaire. «Elle n’a pas été honnête au sujet du thème du livre», a déclaré Damon Cheronis, un autre conseil de l’ancien producteur d’Hollywood. Puis d’ajouter : «Elle a menti sous serment.» Malgré tout, le juge James Burke l’a tout de même retenue. Une «décision aberrante», a indiqué Donna Rotunno. Dans la foulée, la défense a même déposé un recours en annulation du procès, mettant en avant les «incohérences et les mensonges» de cette jurée.
La menace d’une condamnation à perpétuité
En attendant, le juge Burke le répète : «Ce procès n’est pas un référendum sur le mouvement #MeToo.» «Ce n’est pas un référendum sur le harcèlement sexuel. Ce n’est pas un référendum sur les droits des femmes. La seule question pour vous est de décider si l’accusé a commis certains actes, qui constituent un crime particulier, et de déterminer si les faits ont été prouvés ou non», a-t-il tenu à rappeler au jury.
Accusé de harcèlement ou d’agression sexuelle par plus de 80 femmes, Harvey Weinstein ne sera cependant jugé à New York que pour deux faits présumés : une agression sexuelle et un viol. L’Américain de 67 ans risque la perpétuité en cas de condamnation. Son procès ultra-médiatisé doit entrer dans le vif du sujet ce mercredi 22 janvier avec les plaidoiries d’ouverture, et se terminer le 6 mars.
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