Les parents traversant un deuil périnatal peuvent se sentir seuls et démunis face à cette épreuve. Voici des conseils d’experts et des témoignages, pour les aider surmonter la perte d’un bébé.

Restez informée

Briser le tabou, petit à petit. Le taux de mortalité périnatale était de 10,2 pour mille en 2019, d’après une étude publiée en juillet 2021 par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Une statistique qui montre que le problème est plus courant qu’on ne le pense. Sont concernés les parents dont les enfants sont nés sans vie, ont perdu la vie à partir de 22 semaines d’aménorrhée, ou sont décédés dans les sept jours après l’accouchement. « En 2019, le taux de mortalité néonatale précoce s’élève à 1,7 pour 1 000 naissances vivantes« , rapporte l’Insee à propos de ces derniers cas. S’il n’existe aucun manuel pour surmonter cette épreuve intime –ou tenter de mieux vivre avec–, certains gestes, rituels et habitudes peuvent aider les parents à faire leur deuil.

Célébrer son existence pour mieux faire le deuil

Si chacun suit son rythme et ses émotions propres, rencontrer le bébé peut apporter la catharsis nécessaire à l’amorce d’un processus de deuil. Que ce soit pour les parents, les grands-parents, ou les frères et sœurs. Achim Trenkle, dont un enfant est mort en 2008 des suites d’une prééclampsie soufferte par son épouse, anime des groupes de parole au sein de l’association Nos tout-petits d’Alsace. Il a eu une heure pour « se séparer » de sa fille, alors que les médecins sauvaient sa femme. Puis une infirmière de réanimation a eu un « geste très humain » une semaine plus tard : « Je voulais absolument qu’elle voie notre fille donc, en dehors de tout protocole, elle est allée la chercher à la morgue.« 

Marie-José Soubieux, auteure de Deuil périnatal et groupe de parole pour les mères (à publier le 24 mars 2020 aux éditions Erès), pense aussi qu’il est important de donner un prénom au bébé, de l’inclure dans son livret de famille comme un décret le permet depuis 2009, puis de l’inscrire à l’état civil depuis novembre 2021. « Elle s’appelait Ava Luna. C’est important qu’elle soit dans notre livret de famille. Elle a une existence réelle« , confie Achim Trenkle à ce propos. Au moment de répondre à la question « Vous avez combien d’enfants ? », il inclut d’ailleurs Ava Luna dans son décompte.

Adopter des rituels pour surmonter la perte de son bébé

Des obsèques peuvent aussi être organisées pour rendre hommage au bébé, avec ou sans ses proches. Pour l’occasion, Achim Trenkle avait écrit « un mot en deux langues » pour ses proches de France et de son pays d’origine, dans lequel il avait « raconté les huit mois et demi d’Ava, ce qu’elle a fait avec [eux]« . Si la force manque pour orchestrer l’événement soi-même, la mairie de Paris organise tous les premiers mardis ouvrés de chaque trimestre des cérémonies commémoratives au cimetière du Père Lachaise, auxquelles parents et proches peuvent assister quand ils le souhaitent. Un moment de recueillement salutaire, autant pour les parents endeuillés la veille, que ceux qui ont vécu ce drame des dizaines d’années plus tôt.

Tous les ans, des dates peuvent plonger les parents endeuillés dans une certaine mélancolie. Certains vivent pleinement cette tristesse, comme Achim Trenkle qui « se réveille à 3h45 chaque 19 mars » et dont « les angoisses montent » deux semaines plus tôt. D’autres peuvent ritualiser ces moments, comme le conseille Marie-José Soubieux : « À chaque date d’anniversaire, il faut arriver à faire exister l’enfant. L’entourage aura tendance à oublier. » On peut envoyer des faire-parts, organiser un lâcher de ballons, ou encore se recueillir autour d’un arbre planté en hommage au bébé, par exemple.

Deuil périnatal : une parole salvatrice

Au long-terme, pour vivre son deuil, il faut d’abord s’accorder du temps. Pour Marie-José Soubieux, prendre son congé de maternité ou paternité est « absolument indispensable« . Ensuite, il est préconisé de se livrer, à son rythme. Pour la pédophychiatre et l’animateur de groupes de paroles, se réunir avec des personnes au même vécu est salvateur. Ce dernier a participé à un groupe de parole tous les mois, pendant deux ans. « C’est un moment que vous attendez avec impatience, le seul endroit où on vous comprend, on ne vous juge pas, vous pouvez pleurer« , déclare-t-il. Et il n’est jamais trop tard : « Tôt ou tard, ça sort. Un autre papa qui avait perdu des jumeaux il y a dix ans, voulait animer des groupes de paroles. Il a assisté à plusieurs, et même après dix ans il en avait encore besoin. » Consulter un psychiatre en privé et/ou en couple est aussi solution.

Pour les plus pudiques, il est aussi possible de tenir un journal, d’écrire ses pensées, ou de se confier sur les réseaux sociaux. C’est ce qu’a fait Pauline Lavaud, auteure du roman Neuf mois, neuf jours et aux commandes du compte Instagram du même nom. Dans une interview à Psychologies en 2019, elle est revenue sur cette libération de la parole autour du deuil périnatal : « L’idée n’est pas non plus de faire peur à tout le monde. Mais le cacher est encore pire. Les parents ont alors l’impression d’être seuls au monde. Lorsqu’on découvre que finalement, ce n’est pas le cas, on se sent moins seuls.« 

Sources :

Stabilité de la mortalité périnatale entre 2014 et 2019, publié en juillet 2021, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Insee.

Cimetière du Père-Lachaise : le deuil périnatal, mis à jour le 19 juin 2021, paris.fr.

Deuil périnatal : « Mon fils a vécu 9 jours », 15 octobre 2019, Psychologies.

Source: Lire L’Article Complet