Quel est le rapport des hommes à la fidélité ? Le mieux c’est encore de poser la question aux principaux intéressés. Des volontaires ont accepté de répondre sans faux-semblants aux questions que leur moitié peuvent se poser?
Quatre hommes sur dix* reconnaissent avoir été infidèles au moins une fois dans leur vie. Cela fait déjà beaucoup, et sans compter les autres : tous ceux qui n’avoueraient jamais, même avec un pistolet sur la tempe. De là à en déduire que l’infidélité masculine est une fatalité, il n’y a qu’un pas qu’on ne veut pas franchir.
Pourtant, certains voient là une sorte de prolongement de la condition d’homme, aussi naturelle qu’un sexe en érection. Triste. Certes, ils reconnaissent, et les experts le confirment, que leur penchant à la nouveauté et à l’aventure facile est indiscutable. Mais justement. Ils n’en savent que mieux ce que résister veut dire, et même, pour certains, ce que signifie ne pas (plus) ressentir la tentation.
Pour en savoir un peu plus, on a réuni des volontaires qui ont accepté de se livrer, conscients de l’impact de leur témoignage sur toutes ces femmes inconnues qui allaient les lire. C’est à partir de ces confessions et du décryptage de quelques spécialistes de la question que nous avons étudié les raisons qui poussent certains à remettre en cause le concept même de monogamie.
Le sexe, un ingrédient fondamental de la fidélité ?
« Moi je ne crois pas du tout à l’amour platonique. Je pense même que c’est un truc de pervers ! Comme tous les hommes, j’ai des pulsions et j’ai besoin de faire souvent l’amour. Pas que l’amour, d’ailleurs, mais aussi sentir le corps de l’autre au quotidien, toucher et être touché, recevoir de la tendresse physique. Lorsque ma femme et moi sommes au diapason pour nos besoins sexuels, je ne suis jamais tenté d’aller voir ailleurs. Dès que cela coince de ce côté-là, que je la sens charnellement absente, loin, j’y pense… même si je ne passe pas forcément à l’acte », témoigne Martin, 45 ans.
Bien que passablement désespérante à différents points de vue, cette déclaration a le mérite d’être sincère et assez représentatif de ce qui vient spontanément à l’esprit de la plupart des hommes interrogés lorsqu’on leur demande ce qui les rend fidèles : le sexe. Régulier qui plus est. Pas forcément le kamasutra chaque soir. Mais un regard sexué sur eux. Passons sur les requêtes potaches de certains qui rêvent sans complexe d’une fellation chaque matin au réveil – et la marmotte ? – et notons que l’autre pilier de leur fidélité, c’est la nouveauté, le changement, la surprise.
Alain, 48 ans, résume clairement ce fantasme : « Rencontrer une femme unique et versatile, avec qui cela ne soit jamais pareil au lit. Celle-là, tu n’as pas envie de la tromper puisqu’en couchant avec elle, tu couches déjà avec une autre. »
Si cette logique peut paraître déroutante, le psychanalyste Pascal Couderc (qui n’en est pas moins homme) la comprend parfaitement : « Culturellement, l’idée de passer sa vie avec la même personne et de ne faire l’amour qu’avec elle est complètement has been. Les couples qui parviennent à être fidèles sont donc ceux qui réussissent à cultiver le changement et à créer de l’altérité dans le même. »
Une certaine image de la famille
« Depuis que j’ai deux fils, je suis irréprochable, confie Nicolas, 34 ans. Mes enfants, j’ai envie de les voir grandir et de passer le plus de temps possible à leurs côtés. Je mentirais si je disais que je ne fantasme pas de temps en temps. Mais cela serait stupide de mettre en danger ma petite tribu et d’être privé de mes gosses à cause d’une incartade. J’ai une certaine image de la famille, un vieux rêve d’enfant, peut-être. Il en faudrait beaucoup pour que j’y renonce », poursuit-il.
Avec la paternité, c’est tout l’un ou tout l’autre. Le cliché qui veut que le futur père (ou le père délaissé) devienne volage n’est pas qu’un cliché. Mais la force du désir de construire et la révélation du bonheur d’être père sont pour beaucoup les plus fortes. Pour peu qu’en devenant mère on n’arrête pas d’être femme. Et surtout de les regarder en hommes.
Comme le souligne le psychanalyste Jean-Michel Hirt, « les hommes sont nombreux à être déboussolés par la paternité. Soudain leur femme devient mère, réveillant en eux l’interdit de l’inceste. Et puis ce corps, qui était leur royaume exclusif, devient aussi celui de l’enfant, via l’allaitement. Si on ajoute le fait que certaines mères le deviennent à 150 % et vont se consacrer quasi exclusivement à leur progéniture pendant deux ou trois ans… »
La peur de tout perdre
« Quand tu es avec quelqu’un avec qui tu te sens bien, que tu as décidé de t’engager pour un bout de chemin ensemble, tu réfléchis à deux fois avant de faire une connerie. Moi je suis fidèle parce que je n’ai pas envie de tout perdre, du jour au lendemain, juste parce que j’avais le sang chaud un soir et que je n’ai pas été capable de résister à la tentation », résume Julien, 29 ans. Si sa confession n’est pas des plus glamour, elle met pourtant le doigt sur un des ressorts essentiels de la fidélité masculine.
Comme le résume Jean-Michel Hirt : « Le désir de l’homme est très immédiat, il obéit à une mécanique où l’excitation engendre l’érection. Etre fidèle revient donc à contredire son anatomie, ce qui présuppose d’effectuer un vrai travail sur soi, de renoncement. » Si ce renoncement volontaire peut être lié à la peur de tout perdre, il est parfois agrémenté d’altruisme, comme en témoigne Saïd, 38 ans : « Je n’ai pas envie de faire de la peine à ma compagne, parce qu’elle me fait confiance. Etre infidèle, ce serait la trahir. »
On notera au passage que les raisonnements de Saïd et de Julien présupposent que la femme trompée finira forcément par l’apprendre : une perspective qui semble refreiner bien des ardeurs. Tandis que Julien demande confirmation : « Ils finissent tous par se faire choper, non ? », Alain approuve du chef : « Avec Internet, les portables, la géolocalisation et les textos, il devient impossible de tromper sa femme. » Drôle de retournement : les nouvelles technologies seraient-elles, au final, les nouveaux remparts de la fidélité ?
30 %des Français (hommes et femmes confondus) ont déjà trompé leur conjoint(e). 75 % des « infidèles », ne le regrettent pas. Les soirées (dans plus de 50 % des cas), les déplacements professionnels et les vacances sont les moments les plus propices à l’infidélité. 37 % vont vers l’adultère pour retrouver les premiers instants magiques d’une relation. Plus de 50 % trompent leur conjoint avec une personne inconnue. (Source : TNS-Sofres, mai 2009.)
Valoriser l’autre
« Ma fidélité est toute relative, avoue Rémi, 43 ans. Mais je ne trompe jamais ma femme, et je ne suis même pas traversé par cette idée, lorsque je me sens sûr de son désir pour moi. Quand elle me regarde avec les yeux brillants, c’est énorme ! Je me souviens d’une fois, on était pourtant jeunes et j’étais du genre insatiable. Elle était partie en voyage pendant deux mois. Mais j’étais si certain de son désir que j’ai tenu le coup sans problème. En fait, c’était une épreuve aussi bien pour elle que pour moi. Oui, j’avais envie… d’elle ! Et je l’ai attendue. »
« Miroir, mon beau miroir… » Le besoin narcissique d’être sûr de plaire et d’être désiré touche les hommes au moins autant que nous. « Confrontés à des femmes de plus en plus autonomes, les hommes ont besoin d’être rassurés sur leur virilité, et sont capables d’être infidèles juste pour se prouver qu’ils peuvent (encore) plaire », souligne Pascal Couderc.
Trop de problèmes
« Moi, les embrouilles, les conquêtes, les mensonges, rien que d’y penser cela m’épuise d’avance. Je crois que je n’aurais pas l’énergie pour être infidèle. Et puis ma femme a des atouts qui me manqueraient si je m’éloignais. Non seulement on fait délicieusement l’amour ensemble, mais elle fait presque aussi bien… la cuisine ! Je n’en trouverais jamais une autre qui me comble autant », reconnaît Marc, 44 ans, en toute sincérité.
Eh oui… Ce n’est pas qu’une plaisanterie. Il semblerait bien que le confort soit un puissant vecteur de fidélité pour ces messieurs. Dans la série « être infidèle, très peu pour moi, j’ai trop la flemme », Julien avoue sans ambages : « J’ai tellement de boulot que j’ai surtout envie de me retrouver le soir peinard sur le canapé. Pour tromper sa femme, il faut déjà avoir du temps. »
Du temps, de l’énergie et un peu de curiosité. Car, comme le résume Saïd : « Les mecs infidèles, c’est la nouveauté qui les fait triper. Mais moi, la nouveauté ne me dit rien. Donc je ne vois pas pourquoi j’irais me démener pour un coup d’un soir. Mais je dis peut-être ça parce que je suis vraiment nul au lit la première fois ! » Réaliste. Mais la palme du pragmatisme revient sans aucun doute à Frédéric, convaincu que « l’hiver rend fidèle » et qu’en toute saison « tromper revient à multiplier les sources d’emmerdement ».
Etre heureux en couple vaut toutes les infidélités du monde
« Moi je n’ai aucune envie d’être infidèle, parce que, ma femme, je la trouve belle, intelligente et drôle. On est ensemble depuis qu’on a 17 ans et je ne suis toujours pas lassé. Je suis conscient de la chance que j’ai par rapport à d’autres hommes : je suis si heureux avec elle que je n’ai pas de manque à combler. »
Cette formidable déclaration d’amour, qu’on doit à Didier, 42 ans, nous permet enfin d’évoquer ce qui paraît être le meilleur rempart à l’infidélité : une alchimie amoureuse, subtil mélange de (bon) sexe, de (bonne) volonté, de confort, de désir, de liberté, auquel vient s’ajouter, selon lui, « ce petit truc en plus qui fait qu’il y a des femmes qu’on ne trompe pas ». Le portrait-robot de cette perle rare dépend évidemment de chacun. Pour Pascal, 37 ans : « C’est celle avec qui tu ne t’ennuies jamais. Qui étanche en permanence ta soif de curiosité, et avec qui la routine n’existe pas ».
Pour Alain : « C’est une femme qui te résiste, qui garde sa part de mystère, que tu ne possèdes jamais complètement. » Comme le souligne Pascal Couderc, « les couples qui durent sont ceux qui arrivent à se nourrir en permanence de ce qu’ils font séparément. En ce sens, les femmes autonomes, qui n’ont pas besoin de leur homme, vont avoir plus de facilité à les garder. » En d’autres termes, l’important c’est de rester deux. Deux êtres jamais acquis l’un à l’autre, qui forcément continuent à s’attirer.
Jean-Michel Hirt rappelle, quant à lui, que « même si les hommes sont capables d’éprouver du plaisir sans sentiments, la jouissance procurée lors d’un rapport sexuel avec une femme qu’on aime est absolument inégalable ». De là à en déduire que, quand ils disent que c’est le sexe qui les rend fidèles, les hommes nous parlent d’amour…
- Quels sont les signes astro les plus infidèles ?
- Peut-on (vraiment) rester fidèle toute sa vie ?
(*) Source : Ipsos 2010
Article publié dans Marie Claire Magazine, juillet 2013
Source: Lire L’Article Complet