Cicatrices, boutons, eczéma, psoriasis, cancers… Les scientifiques cherchent par tous les moyens (et trouvent) comment venir à bout de nos affections cutanées. Démonstration.
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La peau est un organe à part. C’est notre première barrière face aux agressions mais aussi notre interface avec les autres. Lorsqu’elle s’abîme, s’enflamme, démange, c’est à la fois douloureux et gênant, esthétiquement et socialement. Pourtant, obtenir un rendez-vous chez le dermatologue exige de la patience (deux mois de délai en moyenne, voire beaucoup plus dans certaines régions). Mais cela demeure le meilleur moyen de détecter à temps les cancers cutanés : plus de 80 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. Heureusement, les scientifiques explorent de nouvelles pistes pour sauver notre peau.
L’IA en renfort dans le dépistage des cancers
Passer à côté d’un mélanome (le cancer de la peau le plus agressif), c’est l’angoisse des médecins, qui les pousse généralement à retirer tout grain de beauté suspect. Or, cela pourrait parfois être évité. Ancien directeur de recherche au CNRS, Bernard Fertil a fondé la start-up Anapix Medical, qui mise sur l’intelligence artificielle : « Notre solution SkinApp, qui s’appuie sur une banque de milliers d’images de mélanomes ou de lésions bénignes, fonctionne un peu comme un deuxième avis. Elle va aider le dermatologue à déterminer s’il doit ou non faire analyser le grain de beauté en question. Des photographies de la lésion sont prises avec un smartphone muni d’un dermatoscope (sorte de loupe avec un éclairage circulaire) et directement envoyées à un algorithme qui propose une décision thérapeutique. Il complète l’examen visuel et l’interrogatoire du médecin, qui restent indispensables. » Ce système aide aussi les généralistes à faire une première évaluation pour savoir s’ils doivent ou non adresser leurs patients aux dermatologues, déjà débordés.
Anapix veut également accompagner les patients dans la surveillance de leurs grains de beauté, en leur proposant une appli smartphone, connectée à un dermatoscope grand public (80 à 100€). « Elle permet notamment de repérer plus facilement « le vilain petit canard », le grain de beauté qui se distingue des autres, car c’est souvent lui qui est dangereux », précise Bernard Fertil. Un projet prêt à être commercialisé, en attente de financement. Google a annoncé travailler au développement de son appli DermAssist, avec le même objectif : détecter si un problème de peau (bouton, grain de beauté…) nécessite ou non une consultation, en utilisant seulement trois photos de la zone concernée prises avec un smartphone. Une façon de désengorger les cabinets !
De nouvelles armes dans la guerre des boutons
Depuis vingt ans, il n’y avait pas grand-chose de neuf à signaler du côté de l’acné, qui touche les adolescents mais aussi de nombreuses femmes adultes : elle ressurgit même parfois après la ménopause ! Les travaux de la biotech SkinDermic annoncent un nouveau souffle. Créée en 2017 par quatre chercheurs issus de la Sorbonne Université, de l’Université de Paris, de l’Inserm et de l’AP-HP, cette entreprise de biotechnologie cherche des traitements innovants contre les maladies de peau infectieuses et inflammatoires. SkinDermic a déposé deux brevets pour soigner l’acné. « Ces molécules anti-inflammatoires sont de nouvelles classes de produits locaux qui permettent de ne pas utiliser de rétinoïdes ni d’antibiotiques », indique le Pr Vincent Calvez, professeur de virologie à l’AP-HP et cofondateur de SkinDermic. Contrairement aux traitements actuels, qui peuvent causer de la sécheresse cutanée ou des taches lors de l’exposition au soleil, elles semblent offrir une bonne tolérance et font actuellement l’objet de tests cliniques. La même équipe travaille par ailleurs sur des candidats médicaments destinés à traiter une forme rare de cancer de la peau, due à un virus : la maladie de Kaposi.
Des probiotiques contre l’eczéma et le psoriasis
Petit rappel : en surface de notre peau et dans nos intestins cohabitent des millions de bactéries et autres micro-organismes (virus, champignons, parasites…). Un savant équilibre que peut perturber un excès d’hygiène qui décape les « bonnes »bactéries, une mauvaise alimentation et la pollution. « Il est désormais démontré qu’il y a un déséquilibre du microbiote digestif (dysbiose) dans des maladies inflammatoires comme l’eczéma ou le psoriasis : chez les personnes atteintes d’eczéma, on remarque que les bactéries staphylocoques dorés prennent le dessus sur les staphylocoques epidermidis. Il y a plutôt une dysbiose du microbiote cutané dans l’acné (avec notamment Cutibacterium acnes qui prolifère) ou la rosacée, et dans le vitiligo, on observe même les deux », note le Pr Thierry Passeron, dermatologue au CHU de Nice.
Reste à trouver comment rééquilibrer le microbiote pour traiter ces pathologies. Si avaler des probiotiques ne semble pas servir à grand-chose, en revanche, agir localement peut s’avérer efficace. « Si on ne peut pas utiliser de bactéries vivantes dans des crèmes, on peut employer des bactéries mortes et les protéines encore présentes dans leur enveloppe aident à réduire l’inflammation », explique le spécialiste. Une étude publiée l’an dernier a confirmé le bénéfice d’une crème hydratante contenant ce type de peptides chez des personnes souffrant d’eczéma, par rapport à une crème placebo. Utiliser localement des bactéries anti-inflammatoires pour traiter l’acné est aussi bien plus intéressant que les antibiotiques, qui aggravent le problème en contribuant à la dysbiose. Les grandes marques de cosmétiques intègrent déjà ce type de bactéries inactivées dans leurs crèmes anti-imperfections ou anti-âge. Car c’est peut être aussi le secret pour échapper aux rides trop marquées en limitant « l’inflamm’aging » (l’inflammation silencieuse).
Dernière piste prometteuse : la transplantation fécale. « Une petite étude publiée dans la revue américaine Science a montré que ce type d’intervention sur le microbiote pouvait améliorer les chances de succès de l’immunothérapie chez des personnes traitées pour un mélanome », s’enthousiasme le Pr Thierry Passeron.
Un film artificiel pour mieux cicatriser
Enfin, c’est un projet un peu fou à la limite de la science-fiction – et il faudra sans doute une dizaine d’année avant de le voir se concrétiser – mais le laboratoire Urgo Medical, spécialiste de la cicatrisation, ambitionne de créer une peau artificielle. Celle-ci pourrait se substituer aux autogreffes de peau nécessaires au traitement des grands brûlés, qui impliquent de nombreuses interventions chirurgicales et de longs séjours à l’hôpital (trente jours en moyenne). Créer une peau artificielle in vitro, qui aurait les même fonctions, permettrait de fermer les plaies et de favoriser la cicatrisation. Le projet Genesis, lancé en avril dernier (en partenariat avec l’AFM-Téléthon, l’Établissement français du sang, le CNRS…), est doté d’un budget de 100 millions d’euros et un laboratoire dédié doit ouvrir en 2022 à Chenôve (Côte-d’Or), avec une quinzaine d’embauches à la clé. Des projets ambitieux à suivre de près !
Psoriasis, des progrès aussi
Cette maladie inflammatoire due à un renouvellement trop rapide de la peau se manifeste par des plaques et des squames sur différentes zones du corps. Elle touche 2 à 3 % de la population.
Un médicament à l’essai. Le programme européen PsoriaCure, lancé fin 2020 pour une durée de trois ans, a pour objectif de mieux cerner et évaluer le mécanisme d’action du candidat médicament TEM1657. Développé par la société Temisis à base d’extraits de plantes, il semble aussi efficace que les corticoïdes pour réguler l’inflammation locale.
Une appli pour mieux vivre la maladie. Comme face à toute pathologie chronique, on se sent parfois abandonné au quotidien. L’association France Psoriasis a développé TAVIE Pso, avec deux dermatologues. Cette application propose des coachings virtuels sous forme de vidéos.
Vive la technologie qui ne donne pas d’urticaire !
Dans le top 5 des motifs de téléconsultation, on trouve les éruptions cutanées (Qare, mai 2020). La plupart des cabines d’officines sont d’ailleurs équipées de dermatoscopes pour aider le médecin à examiner un bouton bizarre, une rougeur qui ne passe pas ou une poussée d’eczéma.
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