Parmi les visiteurs ce lieu, il y a ceux qui ne jurent que par son architecture, et ceux qui traversent les pièces d’exposition au pas de course jusqu’à la distillerie et ses précieux alambics, pour s’assurer que la liqueur maison n’a pas changé sa recette depuis 1510. La Bénédictine, la “Benec” pour les Fécampois, c’est à la fois le nom de ce superbe palais qui se dresse en plein centre-ville de l’ancienne cité des Terre-Neuvas, et le nom de la liqueur à base de 27 plantes et épices, fabriquée en son coeur depuis toujours et aujourd’hui vendue à l’export à 90 %.

Des destins culturels et industriels à jamais liés 

“À l’étranger, son succès ne s’est jamais démenti, sourit sa directrice Olivia Gérardin. Aux débuts de son histoire, les Romanov et les Hohenzollern étaient déjà des amateurs de la Bénédictine et, aujourd’hui, en Asie du Sud-Est, il est de tradition pour les jeunes accouchées d’avaler un shot à 43 degrés pour avoir plus d’énergie !” Pas sûr que ce soit à cet usage qu’ait pensé le moine bénédictin Dom Bernardo Vincelli en l’élaborant au XVIe siècle, presque quatre cents ans avant que le négociant en vins normand Alexandre Le Grand n’en retrouve la trace dans la bibliothèque de l’extravagante bâtisse qu’il fit construire entre 1883 et 1898. Grâce à cet élixir apothicaire rapidement transformé en liqueur apéritive et digestive (la recette associe, entre autres, la myrrhe, le genièvre, l’écorce de citron, la cardamome et la vanille au safran qui lui donne sa teinte dorée), les destins industriels et culturels de la Bénédictine seront liés à jamais.

Un héritage au service du présent

“Les outils de production, comme les foudres ou les alambics, sont là depuis le début, poursuit Olivia Gérardin. La Bénédictine, c’est un héritage auquel les Fécampois sont attachés, mais grâce au « spiritourisme », nous amenons de nouveaux visiteurs à découvrir cette merveille architecturale.” Et une visite qui se termine par un cocktail Monk Swizzle à La Verrière, le bar récemment inauguré dans l’enceinte du palais, c’est l’assurance d’avoir envie d’y revenir…

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L’impressionnante entrée du palais Bénédictine

Le vitrail de la salle du Dôme

Pour honorer leur père disparu alors que le palais est inachevé, les enfants du négociant en vins Alexandre Le Grand font réaliser ce vitrail. L’histoire de la liqueur Bénédictine et les idées précurseurs du fondateur y sont relatées

La majestueuse salle des abbés

Créée en hommage aux 16 principaux prélats en charge de l’abbaye de Fécamp, la salle des abbés a été pendant de nombreuses années le théâtre des conseils d’administration de la société Bénédictine et de fastueuses soirées. Elle donne sur le péristyle, où débute la visite de l’édifice.

La salle Renaissance

Ses colonnes, son plafond composé de multiples caissons et sa frise à rinceaux sont une évocation du style Renaissance à la française et en particulier des salles des châteaux de la Loire, dont proviennent certaines pièces de ferronnerie exposées.

Une fontaine forgée façonnée par Ferdinand Marrou

Situé près de la distillerie, le jardin privé de la résidence des Le Grand abrite une fontaine forgée, œuvre de Ferdinand Marrou, célèbre ferronnier d’art rouennais. Au centre, la statue de Dom Vincelli, le moine à l’origine de la recette de 1510, qui inspirera Alexandre Le Grand lors de l’élaboration de sa liqueur.

Vue sur le péristyle depuis la salle gothique

Les alambics de cuivre martelé de la distillerie du palais

La conception de la liqueur étant un savoir-faire unique jalousement gardé, les instruments ont été réalisés spécifiquement pour cette recette. De nos jours, elle est toujours élaborée dans les alambics de cette distillerie, dont les plus anciens datent de 1888 et continuent d’être exploités.

L’Oratoire

Son plafond, dessiné par l’architecte Camille Albert, est une évocation des vestiges du jubé (espace qui sépare le choeur de la nef) de l’abbaye de Fécamp, détruit en 1802. On y distingue des motifs de fleur de chardon et au fond, un vitrail faisant référence au style gothique flamboyant que l’on retrouve dans l’église abbatiale.

Vue depuis le jardin privé de la maison de la famille Le Grand

En arrière-plan, le campanile du clocher et, à droite, la distillerie.

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Reportage issu du numéro 537 de Marie Claire Maison – Novembre 2022

Texte : Adeline Suard

Photos : Vincent Thibert

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