Alors que les inquiétudes liées à la propagation de l’épidémie de coronavirus gagnent certains adultes, risquent-elles d’atteindre également les enfants ? Faut-il anticiper et leur en parler ? Les réponses de Florence Millot, psychologue pour enfants et adolescents.

Les enfants peuvent entendre le mot «coronavirus» aux informations, surprendre des conversations de «grands» mentionnant le virus, ou encore croiser des personnes avec un masque chirurgical sur le visage. Jusqu’à maintenant, le nouveau coronavirus Covid-19 restait cantonné au monde des adultes, mais avec sa propagation en Europe et l’inquiétude ambiante qui l’accompagne, il commence à investir un peu plus la réalité des plus petits. Dimanche 1er mars, le ministère de l’Éducation nationale a annoncé la suspension jusqu’à nouvel ordre des voyages scolaires à l’étranger et en France, dans des zones identifiées comme «clusters» (un foyer de cas groupés, NDLR), et les écoles de 12 communes de l’Oise et du Morbihan sont fermées.

Faut-il discuter du sujet avec eux pour éviter stress et angoisse ? Oui, selon la psychologue pour enfants et adolescents Florence Millot, mais à l’unique condition que sa progéniture pose des questions. Pour la professionnelle, il s’agirait surtout de dédramatiser un «problème du monde» éloigné des réalités de l’enfant et qui, par conséquent, ne le touchera probablement pas. En cas d’interrogations, voici les conseils pratiques à appliquer pour informer sans angoisser.

Madame Figaro. – Les enfants entendent parler du coronavirus depuis plusieurs semaines, comment reçoivent-ils l’information, que se passe-t-il dans leur esprit ?
Florence Millot.-
Il faut déjà faire la différence entre le petit enfant, avant 7 ans, et le plus grand, entre 9 et 15 ans. On dit du premier qu’il est «autocentré», cela signifie que la seule chose qui lui importe, qui l’intéresse, est lui – sa sécurité – et son environnement – ses parents. La vraie crainte du petit enfant est que son père ou sa mère meure. Toutes ces images et informations liées au coronavirus, il les reçoit ainsi «de loin», et il n’est pas naturel pour lui de se questionner. Rien ne sert alors de leur en parler s’ils ne s’interrogent pas. Les plus grands quant à eux ont malheureusement accès aux mêmes réseaux sociaux que nous. S’ils en parlent, s’ils posent des questions, l’objectif sera alors de les aider à faire le tri parmi les informations auxquelles ils sont confrontés.

En vidéo, coronavirus : comment bien se laver les mains

Les enfants, surtout les petits, ne pâtissent donc pas du climat ambiant qui peut se révéler anxiogène ?

Ça, c’est ce que nous croyons en tant qu’adultes, parce que nous sommes sensibles aux médias. En dehors des enfants qui ont déjà un terrain anxieux, l’enfant ne sera pas perturbé à partir du moment où son parent va bien. Il ne le sera même probablement pas si nous en parlons entre nous, entre amis et qu’ils entendent notre discours. Globalement, il faut savoir que les petits ne s’intéressent pas tant que ça aux conversations d’adultes. Nos propres angoisses liées au coronavirus ne leur seront pas non plus transmises. Certes, les petits sont des éponges à émotions, mais ils ressentent surtout des angoisses diffuses, toujours présentes chez le parent, comme celles liées à un divorce ou au chômage, pas sur une conversation. C’est en anticipant et en donnant trop d’informations aux petits que nous créerons et activerons une peur chez eux qui n’existait pas avant.

Dans le cas où le jeune enfant pose des questions, que pouvons-nous lui dire sans justement créer une angoisse ?
On lui répond quelque chose de très simple en banalisant l’information. On lui explique qu’en ce moment il y a un virus, comme quand il tousse, et que pour s’en protéger, il faut se laver les mains correctement et fréquemment. On peut aussi lui dire qu’il y a toujours des virus partout autour de nous mais que tout le monde ne les attrape pas. S’il demande pourquoi certaines personnes portent des masques, on lui dit qu’il s’agit d’éviter la contagion mais on n’est pas obligé de développer, on ne le fait que lorsqu’il y a une question de l’enfant qui le nécessite. Si des interrogations portent sur des camarades qui reviennent des zones contaminées et ne sont pas à l’école, on «replace l’enfant dans son monde», en disant que lorsqu’on a la grippe ou la varicelle par exemple, on ne va pas en classe, on reste chez soi. Enfin, on peut indiquer que lorsque l’État ne sait pas quoi faire, il demande aux gens de rester chez eux, pour être certain de ne prendre aucun risque.

Concernant les enfants plus âgés, vous dites qu’il est important de les aider à faire le tri parmi les informations qu’ils lisent, entendent. Comment faire concrètement ?
Si l’enfant pose des questions, on le fait parler en lui proposant de faire ce tri ensemble, de savoir ce qui est vrai ou faux dans ce qu’il lit. On peut lui montrer plusieurs articles, lui demander s’il pense que cette vidéo est vraie ou non, par exemple. On élargit aussi le sujet de manière contextuelle, on lui fait prendre de la hauteur, du recul, en lui demandant s’il sait comment on attrape un virus, quelles sont les solutions pour s’en protéger, ou s’il connaît d’autres virus dans le monde. Pour relativiser, on peut aussi lui rappeler que les virus et épidémies ont toujours existé. Sauf qu’aujourd’hui, on en parle toute la journée.

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