Plusieurs applications permettent de simplifier la vie des femmes en calculant pour elles la date de leurs prochaines règles et la période la plus propice pour tomber enceinte. Que faut-il en penser ? Y a-t-il des risques à les utiliser ?

Les calendriers (ou e-calendriers) de suivi du cycle menstruel et de fertilité fleurissent sur Internet, sur l’AppleStore et sur GooglePlay : de Clue à Flo Period Tracker, en passant par « Suivi des règles » ou « Mon ovulation ». Il suffit généralement de saisir la date de début de nos règles et la durée moyenne de nos cycles pour obtenir un calendrier prévisionnel de nos prochaines ovulations et menstruations.

Certaines applications proposent aussi d’enregistrer d’autres informations intimes, comme le suivi de la température ou l’aspect de nos glaires cervicales, quand d’autres offrent des petits plus : conseils ou alertes du type « Ovulation dans 4 jours » ou « Vos règles arrivent demain ».

Un journal de bord à l’efficacité limitée

L’ovulation intervient généralement 14 jours avant les prochaines règles. Comme la durée de vie d’un ovule n’excède pas 24 heures en théorie et que celle des spermatozoïdes dure de 3 à 5 jours en moyenne dans les voies génitales féminines, la période de fertilité commence quatre jours avant l’ovulation et se termine une journée après. Si nos cycles menstruels sont très réguliers, elle est donc facile à prévoir. Mais si nous ne sommes pas réglée comme une horloge, difficile d’estimer le premier jour des règles à venir, et donc la prochaine fenêtre de tir pour maximiser la réussite de notre projet bébé.

Sans précisions supplémentaires, comme la consistance des glaires, « les e-calendriers sont dans ce cas d’une piètre utilité », convient Daniel Epstein, chercheur en optimisation numérique à l’université de Washington. Seules 13% des femmes ont des cycles extrêmement réguliers, de 28 jours systématiquement.

Application « Mon calculateur menstruel »

Non, un calendrier menstruel n’empêche pas de tomber enceinte

Nombre de femmes ont recours aux calendriers pour ne pas tomber enceinte, en prenant soin d’éviter les rapports sexuels lors des jours dits de fertilité. Mais s’il existe une période de fertilité optimale, croire que tous les autres jours du mois sont une période d’infertilité totale est une grave erreur : on peut tomber enceinte à d’autres moments du cycle, même en période de règles !

Quelques spermatozoïdes particulièrement coriaces parviennent en effet à survivre jusqu’à une semaine dans les trompes de Fallope ou dans le milieu utérin. Et il arrive aussi qu’un ovule soit encore fécondable deux jours après l’ovulation. Lorsqu’un de nos cycles est très court (21 jours), on peut ainsi ovuler peu de temps après nos règles (à partir du 6ème jour) et donc tomber enceinte si nous avons fait l’amour durant nos menstruations.

Que deviennent les données personnelles de ces calendriers ?

Ces applications girly brassent toutes les informations données par leurs utilisatrices. Comme beaucoup ne se contentent pas de signaler leurs phases de cycle, mais précisent aussi leur âge, leur poids, leur humeur ou la date de leur dernier rapport sexuel, nombre de données sensibles passent entre les mains des gestionnaires d’appli.

Sont-elles bien protégées ? Selon un rapport sur ces applications féminines* de l’Electronic Frontier Foundation, une association américaine de défense des libertés numériques, « il existe des failles dans la sécurité ».

« La santé des femmes est un gros business qui suscite des convoitises. »

C’est notamment ce que souligne Cooper Quintin, principal auteur de l’étude. Ces applications sont ludiques et utiles dans certains cas, mais il faut rester vigilant car toutes n’ont pas une politique claire de protection des données ». De quoi aiguiser l’appétit des sociétés de marketing et des industriels désireux de diffuser des publicités ciblées (pour des protections hygiéniques, des tests de grossesse…). D’autant que le modèle économique de ces apps -souvent gratuites- repose sur l’utilisation des données collectées ou le ciblage publicitaire. 

Avant de créer un compte de suivi menstruel, on lit donc bien la « politique de protection de la vie privée » de l’app sélectionnée. En outre, on refuse sa synchronisation avec notre appareil photo ou la géolocalisation, et on verrouille nos données avec un solide mot de passe. Ou on opte pour une application open source (comme Periodical) qui ne nécessite pas d’être connecté à Internet et sauvegarde les données en local, et non sur des serveur centraux. 

* www.eff.org/files/2017/07/27/the_pregnancy_panopticon.pdf

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