• Proposition socialiste : un congé de 13 jours par an ne pouvant excéder deux jours par mois
  • Proposition écologiste : une base de 13 jours par an à moduler selon ses besoins, renouvelable dans les "cas graves"
  • Secret médical, discrimination à l’embauche : le congé menstruel divise
  • De la nécessité de reconnaître la souffrance des femmes

Tandis que le 16 février dernier, l’Espagne adoptait officiellement le congé menstruel – une première en Europe -, seulement quelques entreprises françaises (et une municipalité, celle de Saint-Ouen en Île-de-France) en ont mis un en place pour leurs employées et agentes. 

Mais certains élus poussent pour inscrire ce congé dans notre Code du travail. Comme le rapporte L’Express, « en France, pas moins de trois textes ont récemment été déposés. Les deux premiers viennent des socialistes, un des députés et l’autre des sénateurs. Le troisième a été écrit par les écologistes et rendu ce vendredi 26 mai ».  

“Les deux propositions de loi prévoient l’instauration pour les salariées et agentes de la fonction publique, victimes d’endométriose ou de règles douloureuses, d’un congé menstruel de 13 jours par an, sans jour de carence et sous réserve de la présentation d’un certificat médical”, précise également Le Figaro

Proposition socialiste : un congé de 13 jours par an ne pouvant excéder deux jours par mois 

Au PS (Parti socialiste), le député de la 8e circonscription d’Ille-et-Vilaine, Mickaël Bouloux, et la députée de Seine-Saint-Denis, Fatiha Keloua Hachi, sont à l’origine d’un texte rédigé à partir de consultations avec “des associations féministes, des syndicats, des entreprises, des experts du milieu médical”, relaye Ouest-France

Son but : “faire entrer le congé menstruel dans notre Code du travail et lever le tabou autour des cycles menstruels et de leurs conséquences physiques et mentales”, peut-on lire dans le texte composé de huit articles, mis à disposition sur le site de l’Assemblée Nationale. 

Via ces lignes, les députés PS prévoient, “pour les personnes souffrant de menstruations incapacitantes”, un arrêt maladie délivré par un médecin ou une sage-femme, de “treize jours maximum valable un an, pour une durée ne pouvant pas excéder deux jours par mois” et “sans délai de carence”. 

La proposition prévoit également de permettre aux salariés et agents publics souffrant de dysménorrhée de demander à être en télétravail. Une possibilité qui “ne pourra pas supplanter le droit au congé menstruel”.

Par cette proposition de loi, il est également question de mettre fin au tabou des règles en entreprise, notamment en suggérant que « les entreprises inscrivent dans leur règlement intérieur les mesures matérielles leur permettant de prendre en compte la santé menstruelle des salariées comme, par exemple, l’installation de sanitaires avec point d’eau ou encore la mise à disposition de protections hygiéniques ». 

Enfin, les députés PS incluent à leur proposition des jours de congé spéciaux en cas de fausse-couche (sans en préciser le nombre). 

Proposition écologiste : une base de 13 jours par an à moduler selon ses besoins, renouvelable dans les « cas graves »

Du côté des écologistes, le texte déposé à l’Assemblée nationale le 26 mai dernier est porté par les député.es Sandrine Rousseau, Marie-Charlotte Garin et Sébastien Peytavie. 

Là aussi, les élus proposent une base de 13 jours par an, mais sans limite de jour posés par mois (sans carence et intégralement pris en charge par l’assurance maladie). La salariée « pourra, si elle le souhaite, utiliser plusieurs jours sur un mois”, confirmait Sébastien Peytavie au micro de France Bleu le jour de la présentation du texte. 

Et une caractéristique particulièrement soulignée dans cette proposition est celle de la confidentialité. “Le système est assez simple : une femme qui se retrouve avec des règles incapacitantes va voir son généraliste ou un médecin spécialiste ou une sage-femme. Elle se retrouve avec un certificat qui lui permettra de couvrir les 13 jours de congés. On veut utiliser le même système que pendant le Covid. Une fois que vous aviez un test positif, vous alliez sur le site de la CPAM qui générait un arrêt maladie. Cela permet de garder l’anonymat”, précisait le député.

« Dans les cas les plus graves, sans préciser lesquels, le texte prévoit un renouvellement de l’arrêt ‘dans les mêmes conditions’, une fois par an, par le médecin. Les élus proposent également de rendre accessible le recours au télétravail en cas de douleurs menstruelles », souligne France Info, qui a pu consulter le texte en question. 

Comme les députés PS, les écologistes appuient pour promouvoir la santé menstruelle au travail, ainsi que pour lutter contre les discriminations en lien avec les menstruations, notamment en inscrivant « dans le droit du travail et le code général de la fonction publique que l’état de santé menstruelle et gynécologique ne peut faire l’objet d’aucune discrimination dans la vie professionnelle« , et ce, « en matière de recrutement, formation, rémunération ou d’évolution de carrière ».

Secret médical, discrimination à l’embauche : le congé menstruel divise 

Car dès les prémices de la discussion autour du congé menstruel, plusieurs voix se sont élevées, soutenant que la mise en place d’un tel dispositif pouvait favoriser les discriminations. 

« En fait, ce que cette loi dit, c’est qu’il est normal que certaines femmes aient d’intenses douleurs, et que la solution, c’est de rester à la maison et ne rien faire. C’est à la société de mieux prendre en charge les femmes, investir dans la recherche pour faire cesser ces douleurs », explicite Fabienne El Khoury, porte-parole de l’association Osez le féminisme, à l’annonce de l’adoption du congé menstruel en Espagne, au micro de France Info.

« Lorsqu’on embauche une femme, l’employeur se pose la question de la maternité, du congé maternité, des congés enfants malades, de la flexibilité des horaires de leur salariée… On risque de retrouver ces problématiques dans le congé menstruel qui va revenir régulièrement », appuyait également Delphine Tharaud, enseignante-chercheuse à l’université de Limoges, spécialiste des questions d’égalité et de discriminations, auprès de France 3 Paris Île-de-France.

De la nécessité de reconnaître la souffrance des femmes 

Cependant, pour Alexandre Lamy, avocat spécialisé dans le droit du travail interrogé par Le Figaro, la proposition de loi des écologistes est « intelligente ». « Ce mécanisme indirect, extérieur à l’entreprise, permet effectivement d’écarter le risque de discrimination. La salariée n’a plus besoin de manifester son droit d’arrêt à l’employeur, mais passerait par le biais d’Ameli pour être arrêtée ». 

Enfin, dans un communiqué partagé à la presse le 26 mai, la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM) félicite ces avancées, tout en nuançant. « Mettre en place un congé menstruel c’est reconnaître la souffrance de ces femmes, c’est reconnaître que la dysménorrhée peut avoir des conséquences significatives. Mais ce congé menstruel n’a de sens que si la dysménorrhée est prise en charge dans sa globalité : consultations dédiées, explorations, traitement médicamenteux adapté, ceci afin d’améliorer la qualité de vie. L’idée d’un congé qui puisse s’adapter à un besoin physiologique est donc un progrès incontestable ».

Quoiqu’il arrive, si le débat est ouvert, il faudra encore attendre pour, peut-être, voir ce congé instauré en France. Selon les informations du Parisien, le député Sébastien Peytavie a rencontré jeudi soir le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester au sujet de la proposition de loi portée par les écologistes.

« D’autres rencontres avec l’exécutif doivent intervenir dans les prochaines semaines, assure l’entourage du député. Les députés de la majorité présidentielle vont aussi discuter bientôt du texte. ‘Je fais inscrire ce sujet en débat dans notre réunion de groupe’, indique Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. ‘Je veux qu’on prenne une décision collégiale sur ce type de sujet pour apporter la bonne réponse, poursuit-elle. Soutien aux entreprises ? Mobilisation surtout sur la recherche de l’endométriose ? Congés supplémentaires ? etc.' », cite le quotidien. 

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