“Un matin, j’ai compris que je ne contrôlais plus rien : mon heure de réveil, mon café fraîchement coulé en arrivant dans la cuisine, mon planning du jour affiché sur un écran connecté : poussé par le besoin de gagner du temps, je laissais Google tout gérer pour moi”, raconte Julien, cadre quinquagénaire. Comme lui, plus d’un Français sur deux (53 %) avoue qu’il aimerait ralentir son rythme, selon une enquête Harris Interactive de janvier 2018. Profiter de moments de vie sans stress : 83 % des sondés déclarent aimer prendre leur temps pour faire les choses. Utiliser un hachoir manuel pour couper ses herbes, choisir de pétrir son pain plutôt que de le confier à un robot ménager, l’heure est venue de reprendre la main, au sens propre comme au figuré.

Il ne peut pas y avoir de joie profonde dans l’agitation.

Et si nos rythmes de vie réclamaient de décélérer ? Comme le rappelle Joël Figari, philosophe et essayiste : “La vitesse, au sens de rapidité, a toujours été considérée comme un avantage dans la société. Dans le mythe de Prométhée, elle permet aux animaux les plus petits de ne pas se faire dévorer par les plus grands, grâce à leur capacité à courir plus vite.” Dans nos vies où l’heure est constamment à l’urgence, la lenteur est donc un moyen de reprendre le dessus, d’agir au lieu de réagir, de prendre le contrôle pour mieux vivre sans se sentir hors jeu. Comme le souligne le sociologue Frédéric Lenoir : “La joie ne peut exister que s’il y a une présence au monde, une attention aux êtres et aux choses. Il ne peut pas y avoir de joie profonde dans l’agitation.” 

Un style de vie qui prend le temps 

Preuves de cette envie de reprendre le contrôle sur le quotidien, les quincailleries et autres drogueries – ces lieux hybrides dans lesquels on trouvait autrefois tout le nécessaire à l’équipement d’un ménage -, ont de nouveau le vent en poupe partout en France. Comme la Trésorerie, ouverte en avril 2014 à Paris qui connaît un succès grandissant couronné par l’ouverture d’une seconde adresse, ou comme Maison Empereur, la plus vieille quincaillerie de France située à Marseille depuis 1827. Cette boutique à l’ancienne, qui déploie sur 1 300 m2 des ustensiles de cuisine, d’art ménager ou de la coutellerie, est même devenue une adresse incontournable du touriste de passage dans la capitale phocéenne ! Après avoir raillé le travail ingrat de l’entretien du foyer, les Français redécouvrent donc le plaisir de chouchouter leur intérieur sans forcément attendre de résultat express.

Oubliées les longues listes d’ingrédients chimiques, vive les formules allégées et les recettes d’antan que l’on peut fabriquer soi-même comme les kits de lessive “bio”. Et si des spécialistes comme Starwax ou Pure Pills ont fait des formules simples d’autrefois leur cheval de bataille, des marques moins attendues sur ce secteur font sensation comme Diptyque qui vient de lancer sa gamme de produits d’entretien à base d’ingrédients naturels en flacons de verre rechargeables. Qui aurait parié que l’on s’enthousiasmerait un jour sur un produit vaisselle à l’odeur de fleur d’oranger ? Sûrement pas nos grands-mères…

Le retour de la mécanique 

Reprendre le pouvoir sur les objets : voilà finalement ce dont il est question derrière cette volonté de ralentir le rythme. En parallèle du développement fulgurant de la domotique et des appareils connectés, un mouvement vers les ustensiles mécaniques s’amorce bel et bien. Fini la dépendance électrique (le contexte économique donne d’autant plus de sens à ce choix) : Brabantia propose désormais un pèse-personne avec une pédale que l’utilisateur actionne pour créer l’énergie nécessaire à la pesée, tout comme Seb a récemment lancé un hachoir manuel, dont on active les couteaux en tirant sur une corde.

Avec sa toute nouvelle “essoreuse”, constituée d’un filet en coton doublé d’un sac en tissu, Cookut nous invite à reproduire le geste oublié de nos aïeux qui secouaient la salade. Même les produits technos s’y mettent, à l’instar du dernier clavier de Logitech, dont les touches mécaniques, hautes et larges, rappellent en tout point celles des machines à écrire d’antan, bruit compris. À croire, que comme pour la mode, la vie de nos objets n’est qu’un éternel recommencement. Et demain alors ? Prêts pour le retour du téléphone à cadran ?

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Reportage issu du Marie Claire Maison n°535 – Septembre 2022

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