- La huitième saison de La Villa est lancée ce lundi 3 avril à 18h sur TFX.
- Pour la première fois depuis le lancement de l’émission sous le nom de La Villa des cœurs brisés, l’émission affiche un casting à 100 % composé de candidats anonymes dont certains représentent des identités rares dans ce type de programme. Seule la love coach, Lucie Mariotti, reste.
- « Dans l’histoire de la téléréalité, en incluant des minorités, l’idée était toujours de chercher l’approbation de la majorité hétérosexuelle », rembobine pour 20 Minutes Nathalie Nadaud-Albertini, chercheuse spécialiste de la téléréalité. « On n’est pas juste gay ou trans, on est des personnes à part entière avec […] nos histoires et c’est important qu’on nous entende aussi », insiste Géronimo, l’un des nouveaux visages de ce casting.
« La télé c’est un cycle, insiste Antoine Henriquet directeur de Ah ! Production, qui produit La Villa des coeurs brisés depuis huit saisons. Ce qui fonctionnait il y a cinq ou six ans marche un peu moins bien aujourd’hui et reviendra sans doute dans quelques années. » Pour autant, pas question pour TFX de lâcher le concept, rebaptisé La Villa. Pour la saison 8, lancée ce lundi à 18h, la société de production tente de trouver son nouveau printemps.
Adieu les candidats suivis par des millions de followers et experts en « séquences », ces moments calculés à la mimique près car chaque hurlement ou larme participe à une histoire que les participants veulent raconter d’eux. « Les gens qui ont participé jusqu’à maintenant avaient une présence forte sur les réseaux sociaux », reconnaît Antoine Henriquet. Hors de l’émission, ils étaient épiés pas les médias spécialisés. « Ils portaient des histoires connues et ça manquait de nouveauté à l’antenne. » Pour cette nouvelle édition, la téléréalité recrute quatorze célibataires, malheureux en amour, et 100 % jamais vus à la télé.
Lucie Mariotti, love coach du programme depuis son lancement en 2015, confirme que le rapport des quatorze nouveaux « cœurs brisés » aux caméras était différent. « Quand on fait quelque chose de nouveau, on est hyper spontané, dit-elle, parce qu’on découvre alors que quand on l’a déjà fait mille fois, c’est une répétition… »
Réunis dans une villa au Mexique, ils et elles tentent de trouver une issue à leurs problématiques sentimentales et, si possible, l’amour. La mécanique, bien huilée, est la même qu’avant. Cependant, l’autre nouveauté, c’est que l’émission mise aussi sur des personnalités aux profils différents afin d’évoquer d’autres vécus que celles des personnes cis, c’est-à-dire non trans, et hétérosexuelles.
« Des représentants de la réalité d’aujourd’hui »
« Quand on m’a contacté pour participer à La Villa, je me suis dit que je n’avais rien à perdre et que c’était une façon de montrer qu’on peut participer à une émission, régler une problématique et en même temps passer un message », confie Géronimo. Métis et bisexuel, il évoque son orientation sexuelle dès les premiers épisodes. « Je me suis toujours dit : « Tu n’es pas comme les autres » », confie-t-il à ses camarades.
Jade, autre recrue du programme, insiste sur le fait que les profils du casting rarement vus à la télé ne sont pas pour autant « atypiques ». « Le but c’est de normaliser qui on est. » En tant que femme trans, elle raconte avoir souffert du manque de représentations sur le petit écran. « Quand j’ai commencé ma transition il n’y avait pas de personnes transgenres dans les médias. J’avais l’impression de ne pas être normale, d’être une bête de foire, une rejetée de la société… » Geronimo est d’accord. Il affirme que s’il avait vu, enfant, un programme plus représentatif de la diversité des orientations sexuelles, cela lui aurait permis de « se poser moins de questions ». C’est pourquoi il est fier d’évoquer sa « sexualité libérée » à l’écran.
Lucie Mariotti, qui a participé à la sélection des candidats de cette saison, juge primordial de « donner de l’espace de parole et d’existence aux personnes qui représentent la réalité d’aujourd’hui, la société dans laquelle on vit ». « Aujourd’hui, on offre à ces personnes non pas une tribune car ce n’est pas le propos de la téléréalité mais un espace d’existence. Il était temps », se réjouit-elle.
Finie la quête « de l’approbation hétérosexuelle »
Depuis ses débuts, la téléréalité a intégré des personnes trans ou homos (sans que les termes soient forcément explicitement prononcés) dans ses casting. On se souvient entre autres d’Erwan, candidat trans de la première saison de Secret Story ou de Benoît, gay vainqueur de la quatrième saison du programme. Pour autant, ces personnalités étaient souvent cantonées dans les scénarios des émissions comme dans leurs interactions aux autres candidats aux rôles de « bons copains et copines » ou de « clown ».
« Dans l’histoire de la téléréalité, en incluant des minorités, l’idée était toujours de chercher l’approbation de la majorité hétérosexuelle », note Nathalie Nadaud-Albertini docteure en sociologie de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), spécialiste de la téléréalité.
Dans la saison 5 de Secret Story, Morgane Enselme a pour secret « Mon père s’appelle Brigitte ». Bien que cette formulation soit transphobe, la candidate entendait faire « passer un message », un appel à la tolérance. Comme pour Erwan en saison 1 ou pour Cindy, candidate bisexuelle de la saison 3, transidentité et orientation sexuelle sont d’abord « secrètes ». Avant d’être des réalités vécues par les participants et participantes, ce sont des rouages du jeu. Les candidats gays qui seront ensuite recyclés dans d’autres émissions seront généralement davantage présents pour le show que pour leurs histoires personnelles et sentimentales – contrairement à leurs acolytes hétéros.
Nathalie Nadaud-Albertini a observé un récent tournant dans la manière dont la télévision aborde ces sujets, porté par Louis dans la Star Academy. « Dans une interview [au magazine Têtu], il a refusé de dire s’il était gay ou non. Cette posture est originale parce qu’il n’y a pas l’idée d’aller chercher une approbation. D’une certaine façon, il disait : « Je suis comme ça et je ne vous demande pas de me comprendre, je n’ai pas à me justifier. » » Louis est un staracadémicien comme un autre, il fait ce qui lui plaît et son identité se fond dans le programme sans en être une ficelle.
Des candidats au corps différents recalés
C’est dans ce mouvement que se positionne La Villa sans pour autant « tenter de remplir des quotas ». « Quand on a écouté l’histoire de Jade, on s’est dit que ça collait à l’actualité et que c’était une richesse d’avoir ce genre de profil dans l’émission », reprend Antoine Henriquet. « On n’est pas juste le gay ou la trans on est des personnes à part entière avec nos problèmes, nos traits de personnalité et nos histoires et c’est important qu’on nous entende aussi », insiste Géronimo. Le producteur est fier de présenter un panel de candidats en forme de « photographie de notre société, en pleine évolution ».
Pour autant, lorsqu’on observe la photo de famille de la nouvelle saison de l’émission de TFX, on constate que les normes physiques pèsent encore sur le programme. Les personnes grosses demeurent exclues du renouveau affiché. « Il devait y avoir des personnes avec une apparence physique différente mais elles n’ont pas été validées par la psychologue de l’émission », glisse Lucie Mariotti en ajoutant qu’elle se « serait sentie moins seule dans [son] 44 ». La production déclare ne pas chercher « un type de profil physique à tout prix ».
De leur côté, les candidats assurent avoir participé à un tournage « bienveillant » et sont fiers de contribuer à ce basculement vers une diversité mieux racontée. S’ils appréhendent un peu la diffusion du programme, pour eux, le jeu en vaut la chandelle. « Si personne n’ose s’exposer, qui va le faire ?, demande Jade. Si c’est pour que mes sœurs trans et amis LGBT+ puissent le faire ensuite grâce à moi, ce sera ma plus grande fierté. »
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