Cédric Jimenez est réalisateur, producteur, scénariste et ancien mannequin. Né à Marseille, il a grandi dans les quartiers Nord avant de partir pour New York et enfin Paris. Sa première signature concernait un documentaire, Who’s the boss, avec comme sujet central un certain JoeyStarr. C’est en 2012, qu’il décide de se lancer dans la réalisation avec pour commencer Aux yeux de tous, un film composé d’images de surveillance et de webcam, avant de rentrer dans la cour des grands avec le film La French dans lequel jouent Jean Dujardin, Gilles Lellouche et Benoît Magimel. En 2020, son film Bac Nord réuni plus de 2 200 000 spectateurs, il sera même césarisé par les lycéens ainsi que six nominations aux Césars.
Ce mercredi 5 octobre 2022, sort son nouveau film Novembre, en partenariat avec franceinfo. Un long-métrage qui retrace les cinq jours qui suivent les attentats du 13 novembre 2015 et l’enquête de la sous-direction anti-terroriste.
franceinfo : Encore un focus réaliste, précis sur la brigade anti-terroriste pendant les cinq jours d’enquêtes qui ont suivis les attentats du 13 novembre 2015. C’était il n’y a pas si longtemps, un sujet qui fait mal, tant le sang versé et les vies volées ont marqué le monde entier. Pourquoi ce film ?
Cédric Jimenez : Quand j’ai reçu le scénario, j’étais un peu fébrile. Je ne savais pas trop ce que j’allais dire. Et le sujet, comme vous le dites, est hypersensible. J’avais une petite appréhension et c’est en lisant le scénario, son point de vue, sa pudeur, son intelligence, ce qu’il a raconté que vraiment, j’ai décidé de me mettre au service du film. Je me suis dit : il faut absolument que je fasse ce film car je pensais qu’il apporterait quelque chose qu’on ne connaissait pas à cet événement terrible. Et donc j’ai voulu me mettre à son service.
Devoir s’effacer pour justement laisser place à ce qui fait mal, montrer aussi les rouages du système. C’est incroyable comme c’est précis, d’ailleurs, vous avez beaucoup travaillé avec des professionnels. On découvre énormément d’éléments à travers ce film qui est vraiment comme un docu-fiction.
Sur le plan démocratique, c’est une enquête qui est très compliquée à mener parce qu’évidemment il faut laisser de côté ses émotions, la colère, etc. Et rester dans la procédure. Donc ils nous ont beaucoup orientés là-dessus, mais pas que, ils nous ont aussi orientés sur la façon dont ils l’ont vécu, eux.
Moi, ça me questionnait beaucoup de comprendre comment un être humain arrive à garder la tête froide, comment il arrive à gérer la fatigue, à prendre les bonnes décisions dans des événements aussi tragiques.
à franceinfo
Ce film ne parle pas de religion mais vous rendez hommage aux femmes à travers Sonia, qui est cette personne que l’on peut qualifier d’héroïne et grâce à qui, on a réussi à identifier les commanditaires. Vous la remettez vraiment au centre du film. C’est aussi un hommage que vous souhaitiez lui rendre ?
Bien sûr, c’est évident qu’elle est l’héroïne du film, l’héroïne de La France car grâce à elle, on a retrouvé justement ces deux terroristes. Et sans elle, peut-être qu’on parlerait de plus de victimes. Donc je pense que sa vie a changé quand elle a rencontré Abdelhamid Abaaoud, malheureusement. Ne pas aller voir la police aurait été un risque de récidive et aller la voir, c’était évidemment la décision que sa vie change à jamais.
Aujourd’hui, elle a changé d’identité, elle est sous haute-protection policière effectivement, on peut la remercier parce qu’elle a même mis sa vie en jeu pour essayer de s’en sortir.
Elle l’a totalement sacrifiée donc on peut plus que la remercier.
Vous avez grandi dans les quartiers Nord de Marseille. Quel type d’élève étiez-vous ?
Je n’étais pas mauvais élève. J’étais un élève très indiscipliné, donc j’ai fait assez peu d’études. Mais je n’étais pas un si mauvais élève. J’aimais apprendre, mais je n’aimais pas rester en classe. Je n’aimais pas les horaires de cours, donc j’avais un vrai problème avec la discipline.
Tous vos films sont très pédagogues, c’est-à-dire que vous nous apprenez des choses, vous expliquez au spectateur comment ça fonctionne. Vous avez toujours eu cette pédagogie ?
C’est vrai que j’ai toujours besoin d’expliquer pourquoi c’est juste, pourquoi ce n’est pas juste. Quelles sont les complexités dans certaines situations avant de les juger, alors peut-être que j’ai eu un déficit de compréhension par moments, que je me suis senti jugé à des endroits où j’aurais préféré qu’on me comprenne. J’ai peut-être développé ça dans mon cinéma, peut-être.
Vos réalisations en général, et plus précisément ce film Novembre, ne sont-elles pas finalement avant tout un travail de mémoire ?
Pour Novembre, oui, je pense. C’est un événement tellement important que la génération à venir ne va pas forcément s’en souvenir puisqu’ils ne l’auront pas vécu. Donc laisser des traces de ça me paraît très important et que pour Novembre, on parle de mémoire, mais de façon générale, je dirais plus que c’est une volonté de comprendre plus que de mémoire.
Comment fait-on pour rester debout, alors ? Parce que, on ne va pas se mentir, vous encaissez beaucoup d’émotions.
Oui, c’est vrai. C’est très intense et l’intensité peut être positive, négative et c’est vrai que par moments, j’ai bien envie de ne rien faire, de me reposer, de me dire que tout est plus léger, mais ce sont les choix que je fais.
Je suis quelqu’un de passionné et je pense que je m’ennuierais très vite si jamais je n’avais pas toute cette intensité autour de moi.
à franceinfo
Vous avez eu des retours des familles des victimes ?
En fait, on en a eu, mais indirectement. On a voulu laisser aussi le film ouvert et laisser le choix aux gens de venir voir le film car ce n’est pas à nous de préempter quoi que ce soit. On ne se sentait pas du tout légitime à être porte-parole. On l’a fait avec le cœur et avec tout le respect et l’humilité qu’on a mis dans le film et maintenant, on veut simplement le partager.
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