Si nous passons quasiment un tiers de notre vie à dormir, il n’en demeure pas moins que nous manquons parfois cruellement de sommeil. Tour d’horizon des indices laissés par l’organisme sur l’état de nos nuits, avec l’éclairage de professionnels.

«En l’espace d’un siècle, nos nuits ont considérablement diminué», se désespère le Dr Philippe Beaulieu, médecin du sommeil. Selon une étude de Santé Publique France parue en 2019, un tiers des Français dorment moins de 6 heures par nuit. Si l’on ferme moins longtemps l’œil, nos nuits sont également souvent peu réparatrices. Certaines personnes accumulent une dette de sommeil sans vraiment s’en rendre compte et en subissent les conséquences néfastes. Comment savoir si nos nuits sont de bonne qualité ? Philippe Beaulieu, médecin du sommeil à l’hôpital Henri-Mondor à Paris, co-auteur du livre Dormir sans médocs ni tisanes (1), et la chronobiologiste Claire Leconte nous aident à repérer les signaux d’alarme envoyés par notre corps.

En vidéo, 5 signes qui montrent que vous en êtes en dette de sommeil

Vous êtes au ralenti

Se lever d’un bon pied n’est pas seulement une expression. Selon le médecin du sommeil Philippe Beaulieu, il est nécessaire d’évaluer cette sensation de pleine récupération dès le réveil. «En temps normal, le petit degré résiduel de somnolence passe très vite, il suffit de se mettre en action pour le constater», explique le spécialiste. Si ce n’est pas le cas, la nuit a sûrement été mauvaise et ses effets se ressentent rapidement. «Il se produit un ralentissement généralisé dans tout le corps, surtout au niveau physique : on a plus de mal à marcher ou à monter les marches», décrit la chronobiologiste Claire Leconte.

Vous avez besoin d’eau chaude

Quand on a du mal à sortir de sa couette, la douche apparaît comme le meilleur remède à la paresse. Sauf qu’une fois dans la cabine, l’eau chaude est si agréable que l’on traîne volontiers. «Notre horloge biologique fonctionne de manière à ce que la température centrale s’élève au fur et à mesure que nous nous réveillons, précise la chronobiologiste Claire Leconte. Après une insomnie, ce processus s’enclenche moins rapidement le matin et on va avoir besoin d’eau chaude pour tout remettre en route».

Vous vous endormez dans la journée

Il est 9 heures 30 et vous bâillez déjà. «Le bâillement est un mécanisme d’action/réaction par rapport au cerveau qui réagit en fonction de notre environnement : l’ennui, la faim ou le sommeil», observe la chronobiologiste Claire Leconte. Si vous vous décrochez la mâchoire plusieurs fois de la journée, en dehors des repas et des réunions, ne cherchez plus : votre corps réagit face à une intense fatigue. Les spécialistes du sommeil appelle cela une «somnolence diurne excessive».

«Quand on accumule des nuits de mauvaise qualité, le corps ne récupère pas sur le plan physique et psychique, constate le Dr Philippe Beaulieu. Résultat, on a du mal à maintenir l’éveil pendant la journée et il peut nous arriver d’avoir des attaques de sommeil où l’on s’endort complétement si on ne pratique pas une activité stimulante, lors d’un voyage en train, d’une réunion, d’une séance de cinéma».

Votre ventre réclame du gras et du sucre

Justement, en parlant de chouquettes, vous reprendriez bien un carré de chocolat pour accompagner votre pause café. «Un sommeil perturbé entraîne un déséquilibre de sécrétion des hormones qui contrôlent l’appétit», rapporte le Dr Philippe Beaulieu. Dans le meilleur des mondes, on se jetterait sur des salades et des légumes mais, malheureusement, c’est le combo gras/sucres qui nous séduit toujours. «Le sucre améliore notre capacité attentionnelle», remarque la chronobiologiste Claire Leconte.

C’est bien là son seul avantage, mais il est de courte durée et favorise à terme des maladies comme le diabète de type II. «Des études américaines ont démontré que l’épidémie d’obésité aux États-Unis viendrait non seulement de la malbouffe, mais aussi du déréglement des rythmes biologiques», souligne le médecin du sommeil.

Ce que révèlent vos positions de sommeil

L’analyse d’Olga Ciesco : on a tendance à s’étaler quand on se sent à l’aise, en sécurité. Quand on prend de plus en plus de place, la position peut aussi traduire un sentiment de domination.

L’analyse d’Olga Ciesco : nous faisons face à notre environnement. Il n’y a aucune crainte, aucune agressivité, on ne se cache pas. On ne ressent pas le besoin ni l’envie de se créer une bulle de protection de l’extérieur.

L’analyse d’Olga Ciesco : sans être hermétique à l’environnement, on lui tourne tout de même le dos pour être concentré sur son lit et son sommeil. Soit on se protége de la lumière ou du bruit, soit on adopte la position parce que l’on ne dort pas chez soi et que cela ne nous plaît pas. On peut choisir la position pour mieux dormir.

L’analyse d’Olga Ciesco : souvent, nos mains touchent quelque chose pour obtenir immédiatement un effet tranquillisant, déstressant. Ici, l’objet agit comme un doudou, comme s’il s’agissait d’une personne.

Vous avez mal à la tête

Dry January oblige, vous avez fait l’impasse sur le mojito hier soir au profit de litres d’eau gazeuse. Pourtant, ce matin, c’est comme si le lave-vaisselle tambourinait contre votre tempe. «Le manque de sommeil excite un ensemble de nerfs et de neurones au niveau du cerveau qui peuvent provoquer un mal de tête assez gênant», note la chronobiologiste Claire Leconte. Pour y remédier, la chercheuse recommande de s’octroyer une dizaine de minutes de repos dans le calme et à l’abri de la lumière.

Vous avez des courbatures

Votre dernier jogging remonte à la semaine dernière mais voilà, vos muscles ischios-jambiers ne sont pas de cet avis. Une mini foulée pour attraper le bus et vous grimacez. «La nuit tout le corps se met au repos pour regénérer ses tissus. En revanche, si les muscles ne se relâchent pas, forcément, les tensions musculaires de la veille vont persister jusqu’au lendemain», assure le médecin du sommeil Philippe Beaulieu.

«Chez les personnes anxieuses, ce raidissement peut parfois provoquer un blépharospasme, autrement dit une contraction répétée et invonlontaire de la paupière», ajoute la chronobiologiste Claire Leconte.

Vous êtes tête en l’air

Chaque jour, notre cerveau emmagasine des milliers d’informations. À la nuit tombée, ce dernier n’est pas inactif, bien au contraire : il sélectionne, trie et classe le moindre souvenir. Néanmoins, la fatigue accumulée freine cette mécanique bien huilée. «Les troubles du sommeil ont des conséquences négatives sur notre capacité de concentration, signale le Dr Philippe Beaulieu. Et sans cette attention soutenue, on oublie plus facilement ce que l’on vient de lire ou d’entendre».

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Vous êtes à cran

Vous n’auriez peut-être pas du vous resservir une deuxième fois au dîner. Mais les pâtes à la carbonnara ne sont pas les seules choses qui vont être digérées au cours de la nuit : vos émotions aussi. «Les rêves sont une soupape de sécurité importante pour évacuer tout notre inconscient pendant le sommeil paradoxal», détaille la chronobiologiste Claire Leconte. Lorsque vous êtes en guerre contre Morphée, cette digestion risque d’être fortement altérée. «L’auto-contrôle de nos émotions est dépendant de notre bonne forme, assure la chronobiologiste Claire Leconte. Sans cette dernière, tout est exacerbé, la sensibilité comme l’agressivité».

(1) Philippe Beaulieu est le coauteur de Dormir sans médocs ni tisanes (Éd. Marabout) avec le Dr Olivier Pallanca, 192 p.,19,90 €.

*Initialement publié en 2020, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

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