Passionnée, subversive et bouillonnante, ces autrices féministes à la plume aigue et inspirante ont été écartées, plus encore, oubliées par l’Histoire.

Voici l’occasion de (re)découvrir avec ses plumes talentueuses et engagées.

"Un chant écarlate" de Mariama Bâ

Mariama Bâ fit sensation en 1979 quand parut Une si longue lettre, son premier roman-manifeste qui pensait la condition féminine du point de vue de la femme africaine.

L’auteure et militante féministe sénégalaise publia ensuite Un chant écarlate, fiction implacable qui, sortie l’année de sa mort, en 1981, n’eut jamais droit à une édition française avant 2022.

On s’y passionne pour les amours de Mireille, fille de diplomate français, et d’Ousmane, Dakarois de modeste extraction, qui vont ferrailler contre les conservatismes des leurs. Jusqu’à ce que des amertumes émergent – racisme inconscient chez elle, misogynie voilée chez lui.

Mêlant style un peu suranné et grande finesse d’analyse, ce chant d’amour et ses dissonances vous serrent le cœur.

Un chant écarlate, Éd. Les Prouesses, 22 €.

"Chair vive" de Grisélidis Réal

On dirait le nom d’une héroïne mythologique. Grisélidis Réal est pourtant un vrai État civil, celui d’une Suissesse née bourgeoise et calviniste en 1929 mais qui s’éleva contre les bienséances.

Elle se prostitua pour nourrir ses enfants, deala, fit de la prison et tira de cette vie romans et vers bravaches, en français et en allemand, où se révèlent des cassures et révoltes.

Ses poésies complètes, rassemblées pour la première fois en recueil, brûlent ainsi de toute part – « Étincelez et transgressez tous les veto / Marchez sur toutes les routes interdites / Piétinez et violez nos défenses maudites », écrit-elle dans son Hymne à mes enfants.

Parmi ses plus grandes fans, Nancy Huston, qui signe la truculente préface de l’ouvrage ainsi que Reine du Réel. Lettre à Grisélidis Réal (éd. Nil, 16 €).

Chair vive, Éd. Seghers, 17 €.

"Corregidora" de Gayl Jones

C’est Toni Morrison, éditrice défricheuse dans sa jeunesse, qui découvrit Gayl Jones en 1975, romancière noire d’alors 26 ans dont le premier opus, Corregidora, paraît pour la première fois chez nous.

La langue, les ébullitions, la crudité du texte s’avèrent inoxydables et son héroïne, éternelle. Ursa, blueswoman des cabarets du Kentucky, porte en elle, malgré la puissance qui l’habite et qu’elle chante, toutes les oppressions : un mari jaloux et violent, dont les coups lui font perdre son enfant ; un ancêtre esclavagiste portugais, dont elle porte le patronyme Corregidora, qui violait sa femme, sa fille et bien d’autres.

Ursa se livre alors à une guerre intime, entre reconquête de soi, conjuration des malédictions et apprivoisement des fantômes.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Madeleine Nasalik. Corregidora, Éd. Dalva, 21 €.

Cet article a initialement été publié dans le magazine Marie Claire numéro 837, daté juin 2022.

  • Marion "Joe" Carstairs, une pionnière et icône lesbienne oubliée
  • Non, les mouvements féministes d’aujourd’hui ne sont pas plus radicaux que ceux d’hier

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