Des boutiques fleurissent dans toutes les villes. L’occasion de faire le point sur cette substance qui n’en finit plus de faire parler d’elle pour toutes sortes de pathologies…
Tout le monde en parle, difficile donc de passer à côté ! On le retrouve au rayon tisane, mais aussi en bonbons, en boisson, ou encore en crème de beauté dans des échoppes dédiées. Concrètement, le CBD (abréviation de « cannabidiol ») est l’une des nombreuses molécules que l’on trouve dans le cannabis.
C’est le cas aussi du THC (tétrahydrocannabinol), mais celui-ci est classé comme une drogue à cause de son effet psychoactif qui modifie la perception des choses et de l’accoutumance qu’il peut engendrer. Laurent Chevallier, médecin nutritionniste et botaniste, a répondu à nos questions.
France Dimanche : Le CBD vendu en boutique est-il vraiment exempt de THC ?
Laurent Chevallier : Les deux molécules sont issues de la même plante. Normalement, on a le droit de vendre du CBD s’il y a moins de 0,2 % de THC dans le produit. Le problème, c’est que cette concentration peut varier selon de nombreux paramètres, dont la culture elle-même, la nature du sol, le degré d’ensoleillement… On n’est jamais très sûr sans analyses de laboratoire.
FD : Est-ce pour cette raison que les pharmaciens n’en vendent pas ?
LC : Oui, car ils redoutent que leurs fournisseurs n’arrivent pas à respecter le taux légal. Ils risquent le pénal en cas de concentration trop élevée de THC lors d’un contrôle ! Cette situation est très ennuyeuse, car le pharmacien est la personne la plus à même de dispenser des conseils, c’est le premier recours santé. Les commerciaux qui proposent leurs produits dans des boutiques dédiées au CBD ne sont généralement pas suffisamment formés pour le faire : ils vendent et leurs recommandations peuvent être peu ou mal adaptées. On est dans une situation assez surprenante. Il faut que la réglementation avance.
FD : Rencontrez-vous des patients qui prennent du CBD ?
LC : Certains me demandent conseil, ce qui me met dans une situation très inconfortable. Je dis juste qu’on ne sait pas. Mais je sais que certains en prennent, notamment contre les douleurs spastiques (raideurs musculaires avec contraction accrue). Une patiente m’affirme que lorsque son fils lui apporte du CBD espagnol, elle ne sent pas d’effets, contrairement à celui qui vient de Suisse. Le souci, c’est qu’il n’existe aucune exigence en termes de qualité et que la libre circulation des marchandises fait qu’on a le droit d’importer ces produits en France sans suffisamment de précaution.
En chiffres 65 % des Français connaissent le CBD. 1 sur 5 en a déjà consommé pour lutter contre le stress et l’anxiété. Enquête Ifop pour Atelier populaire, juin 2022
FD : On parle d’effets relaxants, antidouleur, bénéfiques pour le sommeil, qu’en est-il en réalité ?
LC : Il pourrait y avoir des effets sur la douleur, l’anxiété, la dépression, mais aussi de protection du cerveau et de ralentissement de la prolifération de certaines tumeurs… Mais même si de nombreuses études internationales vont dans ce sens, rien n’est encore admis officiellement en France. Des réflexions et analyses sont en cours : il faudra attendre 2023 pour les premiers résultats chez nous et une éventuelle utilisation officielle. Aujourd’hui, sur le plan légal, on ne peut pas revendiquer d’indications thérapeutiques. On connaît seulement ses effets positifs sur l’épilepsie, d’ailleurs un médicament existe déjà.
FD : Est-ce le prochain traitement miracle ?
LC : On a déjà eu des produits miracles par le passé. L’aspirine, issue du saule blanc et de la reine-des-prés, qui a révolutionné la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Les inhibiteurs de la pompe à protons, qui ont permis de diminuer les inflammations de l’estomac, les œsophagites, les ulcères. Les traitements anticancéreux tirés de l’if et de la pervenche de Madagascar. Je crois que le CBD peut être classé dans la même catégorie, avec beaucoup d’indications potentielles mais qui doivent encore être validées.
Différent du CBD, le cannabis thérapeutique est utilisé dans les soins palliatifs et contre la sclérose en plaques
FD : Quelle est la différence entre le CBD et le cannabis thérapeutique ?
LC : Pour le cannabis thérapeutique, il s’agit de médicaments réalisés avec plusieurs molécules issues de la plante, dont du THC, et des dosages adaptés. Il peut et est pour partie également synthétique, fabriqué en laboratoires. Aujourd’hui, en France, on a le Marinol, qui est donné dans les soins palliatifs contre l’anxiété et les douleurs. Un autre médicament, déjà distribué dans d’autres pays, le Sativex, a reçu son autorisation de mise sur le marché mais n’est pas encore commercialisé. Il pourra être prescrit dans le cadre de la sclérose en plaques.
FD : Est-ce que l’engouement des Français pour le CBD ne devrait pas pousser à aller plus vite ?
LC : Quand j’écoute mes patients qui en prennent, certains me parlent d’un mieux-être et, effectivement, je constate une inadéquation entre les besoins des gens, ce qu’ils font et la réglementation… Il est temps que l’on prenne mieux en compte le CBD – je ne parle pas du cannabis récréatif – et que l’on encadre sa consommation par des professionnels de santé.
LE CANNABIS ET SES MULTIPLES MOLÉCULES
Cette plante contient du CBD, du CBG (cannabigérol), du THC (interdit), mais aussi des terpènes, qui sont les huiles essentielles du cannabis. Certains sont réputés dynamisants (sativa), d’autres plus relaxants (indica).
4 petites marques françaises qui montent
MANGATA : En pleine pandémie et suite au constat des bienfaits du CBD sur ses proches et lui-même, Ilan Deutsch, entouré d’experts et de médecins, décide de se lancer. Point fort Centré sur l’essentiel, cet autodidacte commercialise trois sortes de produits issus d’une agriculture naturelle et bio : des huiles contre l’anxiété, un baume anti-inflammatoire et récupérateur (40 €), et des bonbons (29 €), fabriqués en Pays de la Loire.
ATELIER POPULAIRE : Créée en 2018 par un collectif d’entrepreneurs engagés, la société Atelier populaire est une manufacture de cosmétiques bio basée à Paris (19e ). Point fort Une belle ligne de produits au CBD, avec des huiles, un sérum pour le visage, et un déodorant solide (14,90 €), idéal pour les suées dues aux pics de stress.
EVIELAB : En 2019, après deux ans de formation aux États-Unis, Xavier Suid lance ses microperles à laisser fondre sous la langue. Il est récompensé du prix du meilleur produit aux CBD Awards 2020.
MINDOLOGY : Les formulations ont été réalisées avec des naturopathes afin de marier CBD et plantes médicinales, et un accompagnement est offert avec des séances en ligne de sophrologie, d’hypnose… Point fort Des infusions (12,99 €) et des huiles sublinguales (32 € ou 45 €) aux bénéfices affichés : Bonne journée, Bon courage ou Bonne nuit !
Julie BOUCHER
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