- Tom Leeb représentera la France en finale de l’Eurovision 2020, le 16 mai à Rotterdam (Pays-Bas) avec la chanson « The Best in Me ».
- D’ici là, plusieurs épreuves l’attendent entre les haters et les cotes des bookmakers en passant par le marathon promo qui s’annonce.
Chanteur de l’Eurovision et homme politique, c’est parfois le même métier. Si le deuxième a davantage de responsabilités que le premier quant à la destinée de la nation*, voire du monde, tous deux doivent mener une campagne pour glaner le maximum de suffrages en leur faveur.
Tom Leeb, le représentant français de cette année, a en quelque sorte effectué son premier meeting dimanche soir. Après la révélation de la chanson The Best in Me avec laquelle il défendra les chances françaises à Rotterdam (
Pays-Bas) le 16 mai, le chanteur s’est exprimé devant un parterre de journalistes, de fans, mais aussi d’ambassadeurs réunis dans une salle de cocktail au premier étage de la tour Eiffel.
Il s’est avancé derrière un pupitre et a commencé son discours, avec le ton solennel d’un postulant à la présidentielle. « La France a besoin de chansons. La France a besoin d’une victoire à l’Eurovision, et nous sommes là pour la ramener, cette coupe ! », a-t-il lancé, le sourire aux lèvres. Pour tenir la promesse de lendemains qui chantent (ou, du moins, ne déchantent pas trop fort) au concours, Tom Leeb va devoir affronter boules puantes et obstacles en tous genres. Explications.
- Les haters
Tom Leeb peut être plutôt serein, ses adversaires à l’Eurovision seront moins coriaces que ceux d’une personnalité politique briguant un mandat. L’événement musical se veut bon enfant et propice à l’amitié entre les peuples et donc entre les candidats. Officiellement, à Rotterdam, tous les artistes s’adoreront les uns les autres. Officieusement, certains seront sincères. Et, concrètement, il n’y aura guère que les représentants de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie pour, potentiellement, se regarder en chien de faïence, tant les deux pays ont fait de l’Eurovision une vitrine pour exposer leurs différents historiques.
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Tom Leeb devra en revanche se méfier des haters. La communauté des fans de l’Eurovision est capable d’être d’une bienveillance absolue, mais elle se distingue parfois par le sarcasme et l’acrimonie. Lorsque la chanson du Français a fuité en ligne dimanche, de nombreux amateurs du concours ont exprimé leur déception en des termes parfois peu diplomatiques.
Tom Leeb a dit qu’il n’avait « pas eu le temps » d’y jeter un œil. Il a relativisé : « C’est une plateforme sur laquelle les gens s’expriment librement. Il ne faut pas tomber dans ce qui va être dit, que ce soit positif ou négatif ». Pour affronter les fâcheux, le chanteur mise sur la prise de recul. « Je vais faire confiance à qui je suis. A partir du moment où je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, on y va librement, on vit son histoire. »
Alexandra Redde-Amiel, la cheffe de délégation a embrayé : « Notre objectif, c’est Rotterdam, bien sûr qu’il y aura des avis, bien entendu qu’on regardera certaines choses, mais on va rester concentrés. » Notons que les critiques, même les plus virulentes, ne visent pas directement Tom Leeb mais la chanson. Les invectives ad hominem lui sont épargnées, c’est déjà ça de pris.
- La francophonie
The Best in Me a été livrée quasi clefs en main à la France par une équipe suédoise. Le texte d’origine a été signé par
John Lundvik. Seuls ses refrains, en anglais, ont été conservés. Tom Leeb a adapté les couplets en français avec l’aide d’
Amir. « On a trouvé de quoi faire groover, il fallait trouver les mots pour être aussi fluides en français qu’en anglais », explique le chanteur. Il dit commencer à prendre goût de chanter dans sa langue maternelle alors que, jusque-là, ses compositions personnelles étaient dans la langue de John Meyer, Ben Howard, Matt Corby, Bob Dylan ou Neil Young, qu’il cite comme influences.
Après J’ai cherché d’Amir, Requiem d’Alma et Roi de Bilal Hassani, ce sera la quatrième fois en l’espace de cinq ans que la France concourra à l’Eurovision avec un morceau bilingue. Il va donc une nouvelle fois devoir affronter les défenseurs les plus farouches de la francophonie.
Le sénateur de l’Isère et ex-secrétaire d’Etat André Vallini, est de ceux-ci. « Ce qui me choque, c’est que 80 % de la chanson est écrite en anglais. Les instances qui l’ont choisie ont sans doute voulu augmenter les chances de succès de cette chanson, en pensant être à la mode. Or, je pense qu’ils se trompent. (…) Si même au niveau des instances qui sont censées défendre la France et son rayonnement on aboutit à ce genre de capitulation, c’est vraiment désespérant », a-t-il déclaré au Figaro ce lundi.
Sur ce point, Tom Leeb ne devrait pas avoir trop de soucis à se faire. Il y a un mois, face à la presse, Antoine Boiley, le secrétaire général des antennes de France Télévisions, assurait que les « fausses polémiques » sur la place de l’anglais dans les chansons tricolores de l’Eurovision appartenaient au passé. « On a tous compris en France que ce n’était pas un concours de francophonie, mais un concours de chansons auquel la France participe », a-t-il déclaré. La délégation tricolore « assume », et ça, c’est déjà un caillou en moi dans la chaussure de Tom Leeb sur sa route vers Rotterdam.
- Les bookmakers
Si les sondages hebdomadaires évaluent la popularité des politiques, pour les artistes de l’Eurovision, ce sont les cotes des bookmakers qui font office de baromètre. Il se trouve qu’après l’officialisation du morceau candidat, The Best in Me, la cote tricolore a plongé.
Sur Eurovision World, qui compile les cotes de plusieurs sites de paris en ligne, la France est passée de la 18e place dimanche à la 21e place ce mardi. Cela ne veut pas dire que les bookmakers promettent la 21e place finale à la France, mais que vingt pays leur semble avoir davantage de chances de remporter le concours. A titre de comparaison, la Lituanie connaît une dynamique inverse. Depuis que sa chanson, On Fire, a été désignée samedi soir, elle est passée de la 23e place à la 3e place des pays ayant le plus de chances de décrocher le trophée.
Rappelons qu’en tout 41 pays participeront à l’édition 2020 et que 26 seront en finale. La France, en tant que principal contributeur financier, est qualifiée d’office à l’instar de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Espagne. Il convient de prendre les cotes actuelles avec des pincettes. Elles ne gagnent en pertinence que lors de la semaine du concours, une fois que l’on a pu se faire une idée de ce que propose chaque candidat lors des répétitions sur la scène du concours. Par ailleurs, à ce jour, à peine une douzaine de chansons ont été officialisées.
Il n’empêche que la chute chez les bookmakers – liées à la froideur avec laquelle la chanson a été reçue – n’est pas un bon signal pour la France. Tom Leeb a trois mois pour inverser la tendance.
- Le marathon
La finale de l’Eurovision aura lieu le 16 mai. D’ici là, Tom Leeb devrait avoir peu d’occasions de souffler. Alexandra Redde-Amiel assure avoir « préparé » l’artiste à ce qui l’attendait. Sauf que le concours n’est pas quelque chose qui s’imagine, mais qui se vit. Lorsque leur candidature est officialisée, tous les candidats affirment savoir où ils mettent les pieds. Puis, quelques semaines plus tard, ils découvrent une troisième dimension dont ils n’avaient pas conscience : la bulle eurovisionnesque, composée de fans investis, de blogs influents dans les petits papiers desquels il vaut mieux savoir trouver sa place, mais aussi de concerts à Amsterdam, Londres ou Madrid, réunissant, en mars et avril, plusieurs des artistes en lice.
Pour le moment, plusieurs événements restent à confirmer à l’agenda de Tom Leeb – il y a de fortes chances pour qu’il soit à l’affiche du concert d’Amsterdam, par exemple –, mais il ne va pas tarder à avoir un aperçu de ce qui l’attend. A l’horizon : une sorte d’univers parallèle où les relations diplomatiques se nouent au rythme des partitions musicales, où les cotes des bookmakers peuvent faire vaciller un empire, où l’économie est indexée sur le « 12 points », le score maximal qu’un jury peut attribuer à un artiste.
Au concours, Tom Leeb ne disposera que de deux créneaux pour répéter sur la scène de l’Eurovision. Il aura le temps de chanter au maximum trois fois sa chanson en intégralité avant de laisser la place au suivant. Tout sera minuté, millimétré, compté. Il lui faudra aussi paraître et chanter, la semaine de la compétition, dans les diverses soirées organisées à Rotterdam.
Bref, l’Eurovision est une lessiveuse dont tout le monde ressort rincé, essoré, séché avant d’enchaîner sur une traditionnelle « dépression post-Eurovision » (oui, le concept existe) à la hauteur du coup de mou ressenti lorsque la fête qu’on attendait impatiemment et que l’on a vécu a remballé ses flonflons, faisant heureux et déçus.
« La première chose qu’Amir m’a dit, c’est : « Mec, tu vas vivre l’expérience de ta vie ! », a confié Tom Leeb dimanche. On m’a mis sur un chemin d’enthousiasme et de bienveillance. Je serai sur la plus belle scène d’Europe, chaque soir sera une expérience en plus jusqu’au 16 mai. Je le vois comme un défi, mais surtout comme un challenge de dépassement de soi. » Il va être servi.
* La chanson E Depois do adeus de Paulo De Carvalho, avec laquelle le Portugal a fini dernière du concours Eurovision en 1974, a, quelques semaines plus tard, servi de signal de départ de la Révolution des œillets.
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